Déchéance des gouverneurs : Quand la MP tente de décentraliser la crise institutionnelle afin de légitimer le référendum

<strong><em>Tribune.</em></strong>

Il s’observe depuis un certain bout de temps des soubresauts dans les rapports entre les exécutifs provinciaux et les assemblées dont ils émanent. Parti du Haut-Katanga où Kazembe a été déboulonné sans gros effort, le cyclone s’est vite répandu sur la province voisine du Haut-Lomami où Mbuyu vient de se faire évincer. On sent le ciel s’obscurcir dans la Tshopo et la Mongala, laissant présager l’orage sur Tokole et Bolamba.

Quelle lecture faire de ce phénomène quasi-inédit dans le microcosme politique congolais où la recevabilité des autorités est un mythe prométhéen ? Deux hypothèses se sont imposées à moi : l’une optimiste et l’autre pessimiste.

L’HYPOTHESE OPTIMISTE

En tant que cheminement, la démocratie est condamnée à une perpétuelle évolution. Et si nous assistions là à l’émergence d’une nouvelle dynamique politique interne aux provinces qui, lassées par le laxisme qui y dure depuis 2006, essaient d’exprimer un ras-le-bol en demandant des comptes à leurs dirigeants?

J’ai longtemps penché vers cette hypothèse. Mais, il y a un “hic” : elle est trop belle et trop singulière. C’est, en effet, trop beau de voir en ces provinces des îlots de démocratie et de bonne gouvernance dans cet océan d’impunité, de totalitarisme et de gestion que constitue la République Démocratique du Congo aujourd’hui. C’est trop facile de croire que la Majorité Présidentielle, connue pour son cynisme, se fait lentement mais sûrement déboulonner dans des provinces aussi riches que le Haut-Katanga en ce moment où elle tente le tout pour le tout pour s’éterniser au pouvoir en défiant toute rationalité.

Il serait trop tôt pour s’émerveiller face à ce pseudo “sursaut démocratique” dans nos provinces.

HYPOTHÈSE PESSIMISTE

En filigrane, une hypothèse pessimiste s'invite dans la réflexion : Et si tout ceci n’était que le bout émergeant d’un gigantesque iceberg? Et si nous étions en train d’assister là à un début d’exécution du plan de la Majorité Présidentielle concocté depuis 2015 au moment du démembrement précipité des provinces ? Au finish, à qui peut bien profiter cette série de crises ?

De manière concordante,  des voix ne cessent de se lever pour dénoncer le plan de la Majorité Présidentielle tendant à vouloir purement et simplement mettre à mort la Constitution du 18 février 2006 par inanition à travers l’organisation d’un référendum constitutionnel sensé ouvrir la voie à une hypothétique quatrième république. La dilatation du temps tendant à retarder la tenue des élections par des “dialogues-débauchages” sensés vider l'opposition de sa substance ainsi que la “délégitimation” de tous les animateurs des institutions du pouvoir central ont constitué les premières applications de ce plan. Quoi de plus logique pour les tenants de ce plan que de rendre ingouvernables les provinces? C’est ce que j’appelle la “décentralisation de la crise”. En entretenant les crises interinstitutionnelles au sein des provinces, la Majorité au pouvoir cherche à distiller au sein de l’opinion la thèse hérétique de l’inadéquation de la forme de l’Etat adoptée en 2006. Aux yeux des kabilistes au pouvoir, en agissant ainsi, ils feront perdre au régionalisme constitutionnel et à la décentralisation leur pertinence et pourront facilement soumettre une solution que nous connaissons tous : interrogeons le peuple pour savoir s’il veut garder ce mode de gestion ou s’il veut en adopter un autre. Dans son livre "Révision de la Constitution ou inanition de la nation", Évariste Boshab, ce grand chantre du Kabilisme extrême, avait légèrement effleuré cette idée.

Le plan est parfait aux yeux des kabilistes d’autant que les gouverneurs apparemment déchus de leurs fonctions (il s’agit bien de simulacres de déchéance) ne le sont pas vraiment tant que la Commission Électorale Indépendante n’aura pas organisé les élections. Au contraire, ces gouverneurs MP gagnent en tranquillité. En perdant toute la confiance des chambres, ils restent intérimaires et expédient les affaires courantes en attendant la tenue des élections (Dieu seul sait quand la CENI compte publier son calendrier global) et sans avoir à répondre de leurs actes devant les chambres. Le tour est ainsi joué et l’affaire est dans la poche !

Voilà la lecture que je fais de l’évolution de la situation politique dans nos provinces. Les crises risquent donc de s’y poursuivre. A y regarder de plus près, la contagion va s’étendre dans les prochains mois au fur et à mesure jusqu’au point où elle pourra permettre à la Majorité Présidentielle de faire gober à qui voudrait bien l'entendre l’inadéquation de la forme de l’Etat adoptée en 2006 (le régionalisme constitutionnel) et, par voie de conséquence, d’appeler à la tenue d’un référendum. Cette tactique pourra probablement être utilisée en complément à celles déjà en cours au niveau national.

Il est donc temps qu’à l’émerveillement suscité par ces crises, succède une lecture froide de leurs véritables tenants et aboutissants. Il est temps de tirer la sonnette d’alarme et d’appeler le peuple congolais à plus de vigilance.

Tel a été l’objectif de cette réflexion citoyenne. Les acteurs politiques et les forces sociales acquises au changement doivent éviter de mordre à l'hameçon, se réserver face à ces pseudo-crises aux visées connues et rester vigilants face à ces derniers développements qui, au-delà de leurs apparences, ne profitent guère à la majorité silencieuse de notre peuple mais plutôt à un régime asphyxié qui cherche désespérément dans ces gesticulations, une bouée de sauvetage.

Kinshasa, Barumbu, 06 mai 2017

Godefroy MWANABWATO

Congo nde biso