Mgr. Fulgence Muteba, Père de la « théologie de la refondation sociétale radicale » (Tribune de Dr. Ignace DIZOLELE, Professeur des Universités)

Mgr Fulgence Muteba, Archevêque de Lubumbashi
Mgr Fulgence Muteba, Archevêque de Lubumbashi

L’année dernière, en 2024, la République Démocratique du Congo a exporté un record de 3,1 millions de tonnes de cuivre, le plus élevé de l’histoire minière du pays. Comment expliquer que notre pays finisse cette année 2025 à la première place mondiale en matière d’extrême pauvreté, avec 85,3% des Congolais qui, vivant avec moins de 3 dollars par jour, manquent presque de tous : pas d’emploi, sans accès aux soins de santé de base, sans pouvoir manger à leur faim, avec un accès très limité à l’éducation de qualité, à l’eau potable, à l’électricité, à un système de transport public convenable, au logement décent, etc. 

A l’horizon 2030, dans moins de cinq ans, si rien n’est fait, notre pays comptera près de 110 millions de personnes vivant dans l’extrême pauvreté — soit environ 14 % des pauvres du monde entier. 

Dans cette insécurité sociétale totale, les vocables « démocratie, droits de l’homme, état de droit, le peuple d’abord, etc.», souvent brandis de manière incantatoire, semblent sonner les cloches de l’enfer sur terre.

Année après année, le désespoir s’enracine dans le pays comme une épidémie morale inguérissable. Cette apocalypse sociétale prend un relief particulier par le fait que, face à la profondeur de la crise économique et sociale, aucune alternative politique digne de ce nom n'est lisible dans le discours encore moins dans l’agir de l'élite politique. En un mot, le chaos se répand dans tout le pays et dans tous les domaines de la vie nationale ! 

En ces temps-ci, la question de l’engagement pour le salut de la nation se pose avec acuité face à la banalisation du cancer de la corruption, face à la normalisation de l’hémorragie du pillage des deniers publics, face aux abjurations citoyennes massives, face au renforcement des pratiques de responsabilisation des irresponsables incompétents et insouciants au sommet de l’Etat, face aussi et surtout à la tentation d’abdication généralisée des élites intellectuelles congolaises devant l’épreuve ontologique de la refondation sociétale radicale et des rigueurs politiques qui exigent, de réveiller les cœurs et d’alerter les consciences sur l’impasse funeste des incompétences audacieuses qui veulent la responsabilité politique sans avoir les moyens éthiques et intellectuels de l’exercer !

Quand les conditions de vie en société ne correspondent plus à ce que les êtres humains normaux peuvent tolérer, le principe de refondation sociétale radicale devient un devoir pour chaque citoyen doté des moyens de réflexion stratégique et d’action décisive. Cet engagement est du registre du sacrifice citoyen, en même temps qu’il relève du devoir chrétien auquel les successeurs des apôtres ne peuvent déroger sans se condamner à perdre la bienveillance de ce Dieu qui leur a intimé l’ordre, dans Tite 3 :3, de changer l'ancienne vie vers le bien pour une société renouvelée, qui autrefois était insensée, égarée, asservie à toute espèce de convoitises et de voluptés, vivant dans la méchanceté et dans l'envie…

Le Pacte Social ou le devoir de repenser le Pacte républicain postcolonial à l’aune de la « Théologie de la refondation sociétale radicale »

Le 17 janvier 2025, l'Archevêque Métropolitain de Lubumbashi et Président de la Conférence Épiscopale Nationale du Congo (CENCO), Mgr Fulgence Muteba Mugalu, présente son ouvrage sur la théologie pratique en Afrique noire, dont toute la quintessence se trouve dans cette affirmation :  « le labeur théologique ne peut être possible que si on mesure l’intelligence de la foi par rapport aux données socio-historiques… Car toute théologie, enchaine-t-il, qui ne s’intéresse pas au caractère social et public de la vie humaine dans l »histoire est inadéquate ».

Mgr Fulgence Muteba, Archevêque de Lubumbashi

Quand il parle – page 108 - de soif d’une certaine pastorale de la libération, qui n’est pas un nouveau paradigme théologique en quête de popularité, mais relève plutôt de la praxis ecclésiale dans notre société, Mgr. Fulgence Muteba écrit déjà les chapitres liminaires de sa « Théologie de la refondation sociétale radicale », en se référant à Exode 3,7 : «  J’ai vu, oui, j’ai vu la misère de mon peuple … Oui, je connais ses souffrances ».

Prenant exemple sur le théologien catholique français Viktor Schurr, apôtre de la « Pastorale constructive », affirmant haut et fort que « la tâche qui nous revient – nous ministres de Dieu au Congo, nous épiscopat congolais - , est celle  de définir des stratégies d’action concrètes en regard de notre contexte du vécu de la foi tant marqué par des bizarreries qui enchainent notre peuple » (page 109) ; Mgr. Muteba lance l’idée du « Pacte Social pour la Paix et le bien-Vivre Ensemble en RDC et dans la région des Grands Lacs », en synchronisant sa pensée avec celle du docteur André Bokundoa-Bo-Likabe, Professeur et Président de l’ECC qui, dans sa « Lettre pastorale du 25 décembre 2024 » avait crié urbi et orbi : « De la même manière que les mages ont averti sur le signe du temps messianique, c’est de la même manière que j’annonce en vertu de ma mission prophétique et pastorale que la RDC entre dans son tournant décisif du rétablissement de l’ordre divin… Je lance un vaste programme de construction de Paix et du vivre-ensemble pour le salut du Congo en 2025. Il s'agit d'un programme qui mettra en place un nouveau contrat social et spirituel… »

Pour se saisir de la substantifique conceptuelle de l’initiative du « Pacte Social pour la Paix et le Bien-Vivre Ensemble… », ou pour mieux comprendre les indignations homéliennes de l’Archevêque Métropolitain de Lubumbashi, il faut s’imprégner des b.a.-ba de la « Théologie de la refondation sociétale radicale », déclinée sous la doxa de la Pastorale de la libération, dans son livre « La responsabilité de la théologie pratique en Afrique noire », préfacé par le Cardinal Fridolin Ambongo.

Cette « Théologie de la refondation sociétale radicale » enseigne que l’engagement patriotique n’est ni plus ni moins que le devoir citoyen de tout croyant et de tous les chrétiens, le mode requis de l’union à Dieu de tout croyant et de tous les chrétiens qui, après notre péché collectif d’abandon et de trahison de notre pays, et dans un élan de repentance active : nous nous infligeons le devoir de construction des réponses pratiques, concrètes, holistiques et durables à la hauteur des difficultés qui martyrisent notre existence commune, en réinterrogeant les fondements sur lesquels notre patrie s’est ancrée aux lendemains de l’indépendance du 30 juin 1960, pour mieux engager le pays dans un processus de REFONDATION impliquant une transformation radicale de son modèle économique et social, de son modèle sociétal et de son modèle institutionnel.

Voilà comment d’essaie de comprendre le Père de la « Théologie de la refondation sociétale radicale »… J’appréhende dans ses paroles et les actes que la théologie, d’après lui, se fait en deux actes : le premier consiste à vivre en silence pieux devant Dieu, à accueillir sa volonté et à s’engager envers ses frères en fieffé apôtre du Christ. Le deuxième acte consiste précisément à agir ou réagir radicalement au mal radical… Ce qui se ressent fortement les mots homéliens de Mgr. Muteba. N’est-il pas le véritable ami du Congo, tel que la Bible le dit dans Sagesse 11, 26. . C’est certainement pourquoi Dieu l’a voulu Président de la CENCO en ces moments des dures épreuves, car déjà son existence témoigne de l’amour de la Vérité qui nous rend libres. 

« Ne le jugez point sans le connaître… » (Matthieu 7:1). Imprégnez-vous de sa « Théologie de la refondation sociétale radicale » pour le juger en âme et conscience. Quo qu’il en soit, du Cardinal Malula et son « Manifeste de Conscience Africaine » à Monseigneur Fulgence Muteba et son exigence de vérité sur les « Accords de Washington », en passant par le Cardinal Monsengwo et son mot d’ordre « que les médiocres dégagent », la tradition de l’église catholique du « Prête Héros Patriote » demeure respectée…