Kinshasa : "TAND’war sous les manguiers", une exposition immersive où l’art descend dans les rues de Malueka

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Tand’war sous les manguiers

Le quartier Malueka, dans la commune de Ngaliema, accueillera ce vendredi 28 novembre, une initiative culturelle singulière dénommée “TAND’war sous les manguiers”, une action artistique imaginée et portée par la structure Bilanga Mobile. De 11h à 20h, les habitants de ce secteur périphérique verront leur quotidien traversé par une expérience esthétique conçue pour rapprocher l’art du public, là où on l’attend le moins.

Pensée comme une exposition à ciel ouvert, installée avec la même simplicité que l’on étale des linges au soleil, l’action propose un dialogue direct entre création contemporaine et vie de quartier. Les œuvres seront déployées dans un dispositif volontairement accessible, permettant aux passants de s’arrêter, d’observer, d’échanger et d’intégrer l’art dans un rythme de vie qui en est souvent éloigné.

Avec TAND’war sous les manguiers, Bilanga Mobile se donne comme mission de réinvestir des espaces considérés comme périphériques et offrir une scène à des artistes qui s’ancrent dans ces territoires.

Malueka, souvent perçu comme un lieu négligé dans les circuits culturels de Kinshasa, devient ainsi l’épicentre d’une initiative visant l’épanouissement personnel et collectif par la culture.

La curation de l’événement est assurée par Mugisho Bashomba, qui orchestre le dialogue artistique entre deux créateurs de générations et d’approches différentes, en l’occurrence Rodrigo Gukwikila et Emmanuel Ngunga.

Rodrigo Gukwikila, penser le monde par le dessin

Licencié en peinture à l’Académie des Beaux-Arts de Kinshasa, Rodrigo Gukwikila est reconnu pour sa posture de penseur et dessinateur du monde établi. Pour lui, le dessin est bien plus qu’une technique, c’est un outil de transformation de l’homme et de son espace. Il défend une conception de l’art comme boussole, capable de “rassurer les pas de l’Homme dans le temps”.

Son travail, exposé sous les manguiers de Malueka, s’inscrit dans une vision de proposer au public une expérience où l’observation devient une invitation à questionner la place de chacun dans son environnement.

Emmanuel Ngunga : l’étoile montante de l’hyperréalisme congolais

À seulement quelques années de pratique professionnelle, Emmanuel Ngunga, né à Kinshasa le 24 janvier, fait déjà figure de promesse sérieuse sur la scène artistique congolaise. Formé à l’Académie des Beaux-Arts, il s’est spécialisé dans l’hyperréalisme — une maîtrise de l’acrylique qui n’a cessé d’attirer l’attention.

En 2023, il se distingue lors de son stage de fin de cycle en participant, avec treize collègues, à une fresque murale dédiée à l’intégration des jeunes dans le milieu scolaire. Une œuvre collective qui révélait déjà sa capacité à traduire le réel avec précision tout en portant une dimension sociale.

Repéré et accompagné par Bilanga Mobile, Emmanuel Ngunga a bénéficié d’un processus d’incubation attentive. Rodrigo Gukwikila, qui a suivi son évolution, le présente aujourd’hui comme l’un des résultats concrets de la mission pédagogique de la structure : un artiste doté d’une technique suffisamment solide pour s’exprimer sur des scènes internationales, mais profondément enraciné dans son quotidien à Malueka.

L’exposition Espace Observé, curatée par Gukwikila pour Bilanga Mobile, marque sa première présentation individuelle et son entrée officielle dans le paysage artistique, commentée comme celle d’un talent à suivre de près.

L’art rejoint le quotidien 

En organisant TAND’war sous les manguiers, Bilanga Mobile entend ouvrir un espace où l’art n’est pas un luxe réservé aux galeries ou aux centres culturels, mais une composante naturelle de la vie collective. L’installation des œuvres dans un cadre familier, sous les arbres du quartier, vise à rompre les distances sociales et symboliques qui séparent souvent les habitants de la création contemporaine.

Cette démarche s’inscrit dans un mouvement plus large porté par de jeunes structures congolaises qui redéfinissent les contours de la diffusion artistique, en choisissant la proximité, la simplicité, et parfois même l’inattendu.

L’événement, gratuit et ouvert à tous, ambitionne d’attirer aussi bien les habitants du quartier que les passionnés d’art à la recherche de nouvelles formes d’expériences. 

James Mutuba