Dans le village de Bulape, niché dans la province du Kasaï, les 20 000 habitants ont longtemps vécu avec une réalité difficile : pour s’approvisionner en eau, il fallait marcher plusieurs kilomètres à travers la forêt, souvent au petit matin ou en fin de journée, pour atteindre des points d’eau stagnants et insalubres.
Le tournant est venu grâce à une initiative d’adduction d’eau potable portée par l’Organisation mondiale de la Santé (OMS), en collaboration avec les autorités sanitaires et les acteurs locaux. Selon le communiqué de l'OMS, lancée dans le cadre de la réponse à l’actuelle épidémie de maladie à virus Ebola, déclarée officiellement le 4 septembre 2025, cette intervention a permis de répondre à un besoin vital : l’accès à une eau potable.
« Le danger était partout. Sans l’eau, il était impossible de désinfecter, de se laver les mains, de soigner dans des conditions sécurisées. On faisait ce qu’on pouvait, mais on savait que ça ne suffisait pas.Il fallait une solution durable, capable de répondre aux exigences sanitaires immédiates tout en laissant un impact à long terme », a expliqué dans un communiqué de l'OMS rendu public jeudi 16 octobre 2025 le Dr Serge Bulangyene Loso, médecin directeur de l’hôpital général de référence de Bulape.
Selon le communiqué de l'OMS, la réponse a pris la forme d’un dispositif ingénieux : une source protégée, située à 1,2 kilomètre du village, a été captée et reliée par un réseau de conduites. Deux grandes citernes souples, conçues pour stocker l’eau en toute sécurité, assurent désormais une réserve de 20 000 litres. Le liquide vital circule en continu vers l’hôpital, le Centre de traitement Ebola (CTE) et plusieurs points d’accès communautaires. Un système à double usage eau chlorée pour les zones sensibles, eau non traitée pour les usages domestiques permet de garantir l’hygiène hospitalière et de prévenir les infections.
Le Dr Loso souligne : « L’eau que nous utilisons maintenant est propre, potable et sans danger. Ce n’est pas juste un confort, c’est une question de vie ou de mort. » Le dispositif respecte les standards en eau, hygiène et assainissement de l’OMS, assurant jusqu’à 150 litres par personne et par jour une performance remarquable pour une zone aussi reculée. Ce chiffre témoigne non seulement de l’efficacité technique, mais aussi de l’engagement à garantir un accès équitable pour tous.
La mise en œuvre n’a pas été sans obstacles. Le relief accidenté et l’éloignement de la source avaient découragé plusieurs tentatives précédentes. Mamadou Zongo, logisticien de santé à l’OMS, relève : « Certains acteurs disaient que c’était impossible. Mais grâce aux bonnes décisions prises au bon moment et aux ressources financières et matérielles mobilisées par l’OMS et ses partenaires, nous avons conçu un système à la fois simple, robuste et adapté au terrain ». Ce pragmatisme, allié à une forte mobilisation communautaire, a permis de surmonter les défis.
Le Dr Richard Kitenge, gestionnaire de l’incident pour la réponse à Ebola pour le ministère de la Santé, rappelle l’importance stratégique de l’eau dans toute réponse sanitaire. « L’eau, c’est la première ligne de défense. Sans elle, il n’y a pas d’hygiène, pas de soins sûrs, pas de prévention efficace. Cette initiative montre qu’une riposte bien coordonnée peut aller au-delà de l’urgence et laisser un héritage durable. Bulape en est la preuve concrète. »
De son côté, le Dr Mory Keita, gestionnaire de l’incident pour la réponse à Ebola pour l’OMS Afrique, insiste sur les bénéfices sociaux et humains. « Cette ressource ne sert pas uniquement à lutter contre la maladie à virus Ebola. Elle restaure la confiance, redonne de la dignité et renforce la résilience des communautés. C’est une avancée majeure, non seulement pour la santé, mais pour le tissu social et l’avenir du village. »a indiqué dans le communiqué le Dr Mory Keita, gestionnaire de l’incident pour la réponse à Ebola pour l’OMS Afrique.
Au-delà de l’ingénierie, c’est justement la mobilisation des habitants qui donne toute sa force à cette réussite. Ils ont été là aux premières heures des travaux et ont participé activement à chaque étape : creuser les tranchées, transporter les matériaux et raccorder les conduites. Aujourd’hui, ils assurent eux-mêmes l’entretien du réseau, preuve d’une appropriation locale durable. « Ce n’est pas seulement une infrastructure sanitaire, c’est une œuvre collective, née de la solidarité et de la volonté de bâtir un avenir meilleur », note de son côté Mamadou Zongo, logisticien de santé à l’OMS.
Aujourd’hui, au point d’eau communautaire un système de six robinets alignés, le quotidien à Bulape a pris une tout autre dynamique. Les enfants s’amusent autour des bassines, les femmes échangent des nouvelles, et les bidons se remplissent sans précipitation. Ce lieu est devenu un centre de vie : un carrefour de solidarité, de partage et de renouveau. L’eau ne sert plus uniquement aux usages quotidiens, elle nourrit aussi les relations humaines, apaise les esprits et ravive l’espoir.
Dans cet espace devenu essentiel à la vie du village, Henriette Byongo remplit son bidon avec sérénité. « Cette eau, c’est notre victoire collective », confie-t-elle, enveloppée de rires d’enfants et d’échanges entre voisines. Ce geste, autrefois épuisant et source d’inquiétude, est désormais synonyme de soulagement et d’estime retrouvée. « La disponibilité de l’eau a transformé notre quotidien. Elle nous a redonné la vie. Et surtout, elle nous donne confiance en l’avenir — pour nos enfants, pour notre santé, pour notre valeur en tant que communauté, et pour tout ce que nous avons construit ensemble. »
D'après l'OMS, la maladie à virus Ebola est une affection rare mais grave, souvent mortelle chez les humains. La transmission interhumaine se fait par contact direct avec le sang ou les liquides biologiques d’une personne malade ou décédée d’Ebola, ou avec des objets contaminés par ces liquides. Cependant, grâce aux traitements efficaces actuellement disponibles, les patients ont une chance de survie nettement plus élevée s’ils sont pris en charge rapidement et reçoivent des soins de soutien.
Rappelons-le, qu'il s'agit de la 16e épidémie d’Ebola en RDC depuis l’identification du virus en 1976. Elle survient dans un contexte épidémiologique et humanitaire complexe. La République Démocratique du Congo fait simultanément face à plusieurs autres épidémies, notamment la mpox, le choléra et la rougeole.
Clément MUAMBA