Dans les provinces du Nord-Kivu et du Sud-Kivu, dans l’est de la République démocratique du Congo, la crise sanitaire s’intensifie. Selon un rapport récent du Comité international de la Croix-Rouge (CICR), plus de 85 % des structures de santé sont confrontées à des ruptures de stocks de médicaments, et près de 40 % d’entre elles ont perdu leur personnel soignant, en raison de l’insécurité croissante et du manque de financement humanitaire.
Le CICR dit avoir mené une nouvelle enquête de terrain entre le 2 et le 10 septembre, et a approché 240 structures de santé réparties dans les deux Kivu : 30 à Goma et 107 dans le territoire de Beni, au Nord-Kivu ; 57 dans le territoire d’Uvira et 46 autres à Bukavu, au Sud-Kivu. Cette opération visait à mieux cerner les conditions d’accès aux soins, les principales difficultés rencontrées par le personnel soignant, ainsi que l’état des infrastructures sanitaires dans ces zones touchées par des conflits récurrents.
Les structures médicales, souvent sous-équipées, peinent à répondre à l’afflux continu de blessés, dont une grande partie est constituée de civils, y compris des femmes et des enfants. Le transfert des patients vers des structures adaptées est fortement entravé par les combats et la multiplication des points de contrôle sur les routes. Certains blessés doivent parcourir des centaines de kilomètres pour obtenir des soins, tandis que d’autres succombent avant d’atteindre un hôpital.
Les ruptures de médicaments concernent principalement les produits essentiels ; antipaludiques, antituberculeux, antirétroviraux, vaccins, kits post-viol, aliments thérapeutiques et tests de dépistage. L’acheminement des médicaments reste difficile, notamment à cause de l’insécurité sur les routes et des coûts supplémentaires imposés par des groupes armés à chaque point de passage.
Les déplacés internes, arrivés par milliers dans les zones encore relativement sûres, accentuent la pression sur un système de santé déjà fragilisé. La majorité d’entre eux arrivent sans ressources, dans un état de grande vulnérabilité, et peinent à accéder à des soins de base.
Selon le rapport terrain, de nombreuses structures de santé ont été contraintes de se relocaliser dans des écoles ou sous des abris précaires pour continuer à fonctionner. L’accès à l’eau potable, aux médicaments et à des soins de base reste très limité dans ces conditions, augmentant l’exposition des populations à des maladies comme le paludisme, les infections respiratoires et les maladies hydriques.
Sur les 45 structures ayant vu leur personnel fuir cette année, le CICR indique que seules quatre ont pu enregistrer un retour du personnel, grâce à un appui humanitaire ponctuel. Plus de 80 % des structures fonctionnent sans aucun soutien extérieur, ne comptant que sur la résilience de leurs équipes locales.
Le CICR souligne que le respect du droit international humanitaire impose aux parties en conflit de garantir un accès aux soins pour tous les blessés et malades, et de protéger les structures et personnels médicaux. L’organisation appelle à une mobilisation urgente pour garantir l’approvisionnement en médicaments, le transfert sécurisé des patients et le fonctionnement minimal des centres de santé.
Au premier semestre 2025, le Comité international de la Croix-Rouge (CICR) a intensifié son appui au système de santé dans l’Est de la RDC. Dix-sept structures de santé primaires et secondaires ont été soutenues de manière régulière, permettant d’assurer une continuité des soins dans un contexte sécuritaire difficile.
Par ailleurs, 30 structures ont bénéficié de dons en sets de stabilisation, facilitant la prise en charge gratuite de 2 127 blessés par arme. Au total, 3 422 blessés ont été traités dans six hôpitaux partenaires du CICR : l’Hôpital général de référence de Beni, le CBCA Ndosho de Goma, l’Hôpital provincial du Nord-Kivu à Goma, l’Hôpital provincial général de référence de Bukavu, les Cliniques universitaires de Bukavu et l’Hôpital général de référence de Fizi. Ce chiffre représente une augmentation significative par rapport à la même période en 2024, où 2 137 blessés avaient été pris en charge.
Parmi les victimes traitées, 65 % souffraient de blessures par armes à feu et près de 16 % d’explosions. Outre la chirurgie d’urgence, le CICR a soutenu 227 244 consultations curatives, 24 207 consultations prénatales et 71 056 consultations de vaccination dans les centres de santé et hôpitaux accompagnés. En parallèle, 948 victimes de violences sexuelles ont bénéficié d’un accompagnement médical et psychosocial.
Josué Mutanava, à Goma