Est de la RDC : un rapport de l'ONU souligne le caractère généralisé des violations et abus commis par toutes les parties au conflit, y compris des actes constitutifs des crimes de guerre et des crimes contre l’humanité

Les rebelles du M23 à Kibumba
Les rebelles du M23 à Kibumba

Toutes les parties au conflit dans les provinces congolaises du Nord et du Sud-Kivu ont commis de graves violations du droit international humanitaire qui pourraient constituer des crimes de guerre et des crimes contre l'humanité. C'est ce qu'a révélé le rapport produit par la Mission d'établissement des faits (FFM) du Haut-Commissariat des Nations Unies aux droits de l'homme (HCDH) sur la situation au Nord et au Sud-Kivu conformément au mandat du Conseil des droits de l'homme des Nations Unies.

Ce rapport qui fait suite au rapport préliminaire de juin dernier a été rendu public ce vendredi 5 septembre 2025 depuis Genève en Suisse. Il indique que depuis fin 2024, de graves violations des droits humains ont été commises par le M23, soutenu par les Forces de défense rwandaises (RDF), ainsi que par les Forces armées congolaises (FARDC) et les groupes armés affiliés.

"Les conclusions de la FFM soulignent la gravité et le caractère généralisé des violations et des abus commis par toutes les parties au conflit, y compris des actes qui peuvent constituer des crimes de guerre et des crimes contre l’humanité. Il documente l’échec de toutes les parties à protéger adéquatement les civils dans la conduite des hostilités, en particulier lors de la prise de contrôle de Goma par le M23 et les RDF fin janvier, ainsi que lors des attaques contre les écoles et les hôpitaux", indique le rapport repris dans un communiqué de l'ONU.

Le rapport indique que le groupe armé M23, « bénéficiant de la formation, du matériel, des renseignements et du soutien opérationnel des Forces de défense rwandaises », s'est emparé de grandes villes du Nord et du Sud-Kivu. Le groupe s'est livré à une campagne d'intimidation et de répression violente, recourant à des méthodes récurrentes d'exécutions sommaires, de torture, de détention, de disparitions forcées et de recrutement forcé, ciblant toute personne « perçue comme opposée au M23, considérée comme une menace à son ordre et à sa sécurité, ou jugée apte à combattre ou à servir le mouvement ».

Les membres du M23 ont également commis systématiquement des violences sexuelles généralisées, principalement sous forme de viols collectifs, et d'autres formes de violences sexuelles, y compris l'esclavage sexuel. Les femmes et les filles ont été ciblées de manière disproportionnée, mais les hommes, les garçons et les personnes LGBT ont également été victimes de violences sexuelles, y compris en détention.

« Les viols ont été répétés sur de longues périodes, souvent accompagnés d’actes supplémentaires de torture physique et psychologique et d’autres mauvais traitements, avec une intention manifeste de dégrader, de punir et de briser la dignité des victimes », indique le rapport.

Des centaines d'enfants ont été détenus par le M23 et de jeunes hommes ont été recrutés de force. Le rapport révèle le lourd tribut que le conflit fait payer aux enfants de tous âges. Le rapport identifie des violations quotidiennes sur l’ensemble du territoire sous le contrôle du M23 et « suit des schémas discernables et récurrents, indiquant un degré élevé d’organisation, de planification et de mobilisation des ressources ».

Sur la base de ces conclusions, la FFM « a des motifs raisonnables de croire que des membres du M23 ont pu commettre (...) des crimes contre l'humanité tels que meurtre, privation grave de liberté, torture, viol et esclavage sexuel (...), disparition forcée et déportation ou transfert forcé de population », indique le rapport. Il documente également de graves violations commises par les Forces armées de la RDC (FARDC) et les groupes armés affiliés, tels que Wazalendo. La Mission a documenté des meurtres délibérés de civils commis par les FARDC après des combats internes avec Wazalendo.

La FFM a identifié un modèle de recours généralisé à la violence sexuelle, principalement des viols et des viols collectifs contre des femmes et des filles, ainsi que des pillages par des membres des FARDC et de Wazalendo lors de leur retrait des lignes de front en janvier et février.

« Les auteurs ont agi en grands groupes et dans plusieurs localités simultanément, d’une manière qui reflétait des schémas récurrents de viols et de pillages, plutôt que des actes isolés », indique le rapport. Les groupes armés de Wazalendo ont recruté des enfants de moins de 15 ans et les ont utilisés dans les hostilités, ajoute le rapport. Ces enfants ont été utilisés au combat et dans des rôles de soutien, les filles étant également exploitées à des fins sexuelles.

Le rapport constate également que la RDC et le Rwanda portent la responsabilité de leur soutien à des groupes armés connus pour leurs antécédents d’abus graves et pour avoir manqué à leurs obligations de prendre toutes les mesures nécessaires pour garantir le respect du droit international humanitaire et protéger les civils contre de graves préjudices. Plus précisément, le rapport souligne que le Rwanda est responsable des violations directement commises par ses forces armées sur le territoire de la RDC et note que la FFM avait reçu « des allégations crédibles concernant la présence secrète de personnel des RDF au sein du M23 ».

Le rapport indique également que la RDC porte la responsabilité non seulement des violations commises par ses forces armées, mais aussi par ses groupes armés affiliés « dans la mesure où leurs membres ont agi sous sa direction ou son contrôle ».

La réponse à l’aggravation de la crise des droits de l’homme et de la crise humanitaire causée par la récente escalade des hostilités dans les provinces du Nord et du Sud-Kivu, le Conseil des droits de l’homme a adopté, lors d’une session extraordinaire tenue le 7 février 2025, la résolution A/HRC/RES/S-37/1, demandant au Haut-Commissaire des Nations Unies aux droits de l’homme d’établir d’urgence une Mission d’établissement des faits (OFFMK) sur les graves violations et abus des droits de l’homme, ainsi que sur les graves violations du droit international humanitaire commises dans ces provinces.

L'OFFMK est notamment chargée d'enquêter et d'établir les faits, les circonstances et les causes profondes de toutes les allégations de violations des droits de l'homme, d'atteintes au droit international humanitaire et d'éventuels crimes internationaux. Elle doit également identifier, dans la mesure du possible, les personnes et entités responsables de violations des droits de l'homme, d'atteintes au droit international humanitaire et d'éventuels crimes internationaux.

Depuis sa mise en place, la mission d’établissement des faits et la commission d’enquête indépendante sur les graves violations des droits de l’homme commises dans l’Est de la RDC éprouve d'énormes difficultés financières pour son bon fonctionnement conformément à la résolution de la 37ème session extraordinaire du Conseil des droits de l’homme des Nations-Unies.

Clément MUAMBA