Pendant trois jours, du 25 au 27 juin, la capitale de la République démocratique du Congo a été le théâtre d’un événement historique : la 1ère édition du Forum Continental Africain sur les Méga-barrages et la Crise Climatique, qui a réuni à Kinshasa des voix puissantes venues de plus de 20 pays d’Afrique et d’Amérique latine. Militants, leaders communautaires, chercheurs, pêcheurs, paysans, femmes autochtones et activistes ont uni leurs forces pour dénoncer les ravages causés par les grands projets hydroélectriques et appeler à une transition énergétique plus juste.
Réunis à l’initiative de la Coalition des Organisations de la Société Civile pour le Suivi des Réformes de l’Action Publique (CORAP), avec le soutien de Justice Ambientale, International Rivers et d’autres partenaires, les participants ont lancé un appel fort aux gouvernements, bailleurs et institutions financières internationales. Le message est limpide : le développement ne peut plus se faire au détriment des peuples et de la nature.
Dans une déclaration commune adoptée à l’issue des travaux, les participants ont reconnu la nécessité d’un accès équitable à l’énergie en Afrique. Mais ils ont mis en garde contre l’illusion des méga-barrages comme solution miracle à la crise énergétique. Selon eux, ces projets titanesques, souvent pilotés dans l'opacité, provoquent des déplacements forcés, violent les droits humains, affaiblissent les écosystèmes, et accentuent les inégalités sociales, notamment de genre.
« Les femmes sont doublement affectées : exclues des compensations, privées de terres, et confrontées à l’aggravation de la pauvreté », a martelé une participante venue du Kongo Central.
À la place de cette fuite en avant, le forum plaide pour des alternatives durables : barrages de taille moyenne, solaire, éolien, énergie hydraulique à petite échelle, combinées à une gouvernance énergétique participative, respectueuse des communautés locales.
Un cri contre la marginalisation des peuples
Le forum a également pointé l’absence de transparence autour des projets hydroélectriques : rapports d’impact environnemental inaccessibles, données clés verrouillées, processus de décision verrouillés. « Comment peut-on décider de l’avenir d’un territoire sans consulter ceux qui y vivent ? », s’est indigné un leader communautaire du Lualaba.
La déclaration finale exige notamment :
Un agenda pour la justice climatique
À travers cet appel vibrant, les participants au forum ont rappelé leur vision d’un avenir enraciné dans la dignité humaine, la souveraineté communautaire et la justice écologique. Ils appellent les gouvernements africains à rompre avec les politiques énergétiques dictées par des intérêts étrangers et à s’aligner sur les besoins réels des peuples.
Ils ont également exhorté les institutions financières internationales à se désengager des projets destructeurs et à réorienter leurs investissements vers des solutions réellement durables, co-construites avec les communautés et la société civile.
Vers un mouvement panafricain et solidaire
Le forum de Kinshasa n’est pas un point d’arrivée mais un point de départ. Dans leur déclaration, les participants annoncent la structuration d’un mouvement panafricain, avec la mise en place d’un comité d’orientation stratégique, la production d’outils multilingues d’information, et l’organisation régulière de forums continentaux pour renforcer les alliances et les capacités.
« Nous ne sommes pas seuls », a déclaré une déléguée du Mozambique. « Nos luttes se rejoignent, de l’Afrique de l’Ouest à l’Amazonie. Ensemble, nous bâtissons un monde dans lequel l’énergie est au service de la vie, et non du profit. »