Dans son rapport rendu public fin février 2025, le Réseau panafricain de lutte contre la corruption (UNIS) appelle le gouvernement à basculer vers le budget programme, notamment pour lutter contre les inégalités sociales et permettre les investissements dans les projets de développement. Pour cette structure, le basculement vers le budget programme « devrait affecter plus de 80 % des ressources dans les projets d’intérêts publics » et « serait la solution efficace pour lutter contre les inégalités et le sous-développement ».
« Seuls 20 % du budget national devraient être alloués aux dépenses de fonctionnement des institutions politiques et aux rémunérations de leurs animateurs », peut-on lire dans le rapport.
Quoi qu’il en soit, UNIS regrette que, malgré les différentes tentatives d’institutionnalisation du budget programme en RDC, notamment son intégration dans la Lofip (Loi relative aux finances publiques de 2011), il n'ait toujours pas été rendu effectif.
Ainsi, le Réseau panafricain de lutte contre la corruption regrette que le gouvernement continue de solliciter du Parlement « des moratoires lui permettant de retarder le basculement vers cette nouvelle orientation pour la gestion des finances publiques de la RDC ». Actuellement, le gouvernement n’envisage de basculer dans le budget programme qu’en 2028.
« Pourtant, certaines structures administratives devant accueillir ce modèle de budgétisation sont déjà en place, comme les structures standards lancées en 2015, particulièrement la direction administrative et financière », renseigne le rapport.
Comprendre le budget programme
« Le budget programme se distingue du budget des moyens par son orientation vers les résultats. Il implique une allocation des ressources budgétaires aux programmes et non aux institutions, et une responsabilisation des acteurs sur la base des résultats atteints », avait expliqué en mars 2024 à ACTUALITE.CD Jean-Baptiste Veko, assistant technique au Comité de pilotage et d'orientation de la réforme des finances publiques (COREF).
Pour sa part, UNIS note que ce modèle a pour avantage de rendre chaque secteur gestionnaire et responsable de ses crédits, et non plus les ministères du Budget et des Finances, qui parfois se refusent d’exécuter les crédits à d’autres secteurs. Ce réseau estime donc que basculer vers le budget programme va permettre d’améliorer la performance du gouvernement en termes de résultats.
« La recherche d’une meilleure performance en termes d’efficacité et d’efficience étant au centre de l’action de l’État, il est nécessaire de revoir les modalités de la gestion budgétaire au moyen de budgets programmes, dans lesquels l’allocation des crédits budgétaires est faite au profit d’actions à mener dans le cadre des politiques publiques », peut-on lire dans le rapport.
Défis et perspectives de la mise en œuvre du budget programme
Pour parvenir au basculement vers le budget programme, plusieurs réformes devraient être mises en place. Ces réformes devraient coûter jusqu’à 150 millions de dollars américains, avait expliqué Jean-Baptiste Veko. Le premier défi est donc en rapport avec le financement. L’autre défi, à en croire cet expert, reste la capacitation des agents de l’État devant veiller à l’effectivité du budget programme.
Par conséquent, l’amorce de l’implémentation de la déconcentration de l’ordonnancement devrait être effective dans 7 ministères pilotes, à savoir l’Éducation nationale, la Santé publique, les Infrastructures et Travaux publics, le Développement rural, l’Agriculture, la Pêche et Élevage, ainsi que la Défense nationale.
Pour UNIS, par manque de politiques publiques claires de la part des dirigeants, ceux-ci réaffectent les fonds « à des rubriques concernant principalement des rémunérations faramineuses et des dépenses de fonctionnement parfois injustifiées ».
Dans une correspondance adressée à la Première ministre Judith Suminwa lundi 24 juin 2024, le Centre de recherches en finances publiques et développement local (CREFDL) avait plaidé pour une accélération du basculement du budget moyen au budget programme.
Pour concrétiser cette réforme, le CREFDL avait souligné la nécessité de doter chaque ministère de politiques sectorielles claires et de mettre en place un système de formation efficace pour les acteurs de la gestion publique. « La mise en œuvre des budgets programmes impose une réorganisation de l'administration. Avec la création d'une Direction générale du Trésor et de la Comptabilité publique au sein du ministère des Finances, les capacités du Trésor seront renforcées pour assurer une gestion efficiente de la trésorerie. Les mêmes efforts sont déployés au Budget, où les travaux de révision du cadre organique sont très avancés et devraient aboutir à la création d'une Direction générale du Budget », renseignait la correspondance.
Bruno Nsaka