Défis de la protection des droits des femmes en RDC: entretien avec l'ONG "Femmes en Résilience" sur les conséquences du déplacement massif à l'Est

Photo/ droits tiers
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Depuis le début du conflit dans l'Est de la République Démocratique du Congo, la situation des femmes s'est gravement détériorée, et les défis pour leur protection et la défense de leurs droits se sont considérablement intensifiés. 


Christine Musafira, responsable de l’ONG femmes en résilience souligne que la guerre, l'insécurité et les déplacements massifs ont exacerbé les vulnérabilités des femmes, notamment en termes d'accès à l'éducation, aux soins de santé et à des conditions de vie décentes. 

« Le déplacement massif à l'Est a provoqué une rupture des réseaux de soutien traditionnels, envoyant les femmes dans des camps ou des zones de transit, souvent privées d’accès aux ressources essentielles. Nous constatons une augmentation dramatique des violences basées sur le genre, y compris les violences sexuelles et les mariages forcés, qui sont le résultat des enlèvements massifs de femmes et de jeunes filles. Cette situation aggrave leur précarité », explique-t-elle.


Outre les violences physiques, l'impact psychologique du conflit sur les femmes est particulièrement lourd. « De nombreuses femmes ont perdu leur famille, leur maison et leur communauté. La détresse psychologique est immense. Nous observons des cas de stress post-traumatique, de dépression sévère, mais aussi une violence de genre qui se nourrit de l'isolement et du manque de soutien », poursuit-elle.


En raison de l’insuffisance de structures adaptées, les femmes se retrouvent souvent sans aide, avec un accès limité aux soins de santé mentale, ce qui aggrave leur situation. « Cela empêche leur reconstruction. Il y a aussi une grande irrégularité dans l'accès aux soins de santé reproductive et à la prise en charge des femmes enceintes, ce qui met en danger leur vie et leur bien-être », déplore Christine Musafira.

Face à cette crise, des initiatives sont mises en place par l'ONG pour soutenir les femmes déplacées dans leur parcours de survie et de reconstruction. « Nous avons ouvert plusieurs espaces sécurisés où les femmes peuvent bénéficier de soins de santé, de consultations psychosociales et de services médicaux de base. Ces espaces sont essentiels pour les protéger des violences et les aider à surmonter leurs traumatismes », précise-t-elle.


L'ONG travaille également sur l'autonomisation économique des femmes. « Nous croyons fermement que l’autonomisation économique est un levier crucial pour la reconstruction de ces femmes. Nous avons mis en place des programmes de formation professionnelle dans les camps et les zones urbaines, afin de les aider à retrouver une certaine indépendance financière », ajoute-t-elle.
Parallèlement, Femmes en Résilience mène des actions de sensibilisation auprès des communautés pour lutter contre les stéréotypes de genre et promouvoir la protection des droits des femmes. « Sensibiliser les hommes et les jeunes garçons aux droits des femmes et à la nécessité de mettre fin aux violences est fondamental pour créer des communautés plus sûres et plus égalitaires », insiste-t-elle.

Malgré les efforts déployés, Christine Musafira insiste sur la nécessité d'une mobilisation plus large, tant au niveau national qu'international. 

« Nous avons besoin d’une action collective renforcée. Les besoins sont immenses et les ressources insuffisantes. L'engagement de la communauté locale, nationale et internationale est crucial pour garantir la protection des femmes dans ces zones de crise. Les droits des femmes doivent être une priorité dans toutes les interventions humanitaires. »
L'ONG appelle à une augmentation du financement humanitaire et à une meilleure coordination entre les acteurs locaux et internationaux pour répondre aux besoins des femmes déplacées. « Chaque jour qui passe sans une réponse adéquate est un jour de souffrance supplémentaire pour ces femmes », conclut Christine Musafira.


Nancy Clémence Tshimueneka