Le 16 janvier 2001, au Palais de Marbre dans la commune de Ngaliema à Kinshasa, le président de la République démocratique du Congo (RDC), Laurent-Désiré Kabila, tombait sous les balles du caporal Rachidi. Celui-ci fut immédiatement exécuté par le colonel Eddy Kapend. La tragédie ne fut officiellement annoncée que 48 heures plus tard, le 18 janvier.
Vingt-quatre ans après cet événement tragique, la figure de Laurent-Désiré Kabila, surnommé “Mzee” – signifiant “sage” en swahili – reste vivante dans la mémoire collective des Kinois. L’arrivée triomphale de cet homme à Kinshasa en 1997, à la tête d’une armée composée de jeunes soldats appelés les Kadogo, a marqué un tournant. La « chicotte des Kadogo », un symbole de discipline et d’ordre imposé dans la capitale, reste gravée dans les esprits.
Pour Nico Falanga, Kabila était un panafricaniste révolutionnaire qui a transformé les mentalités. « Quand il est arrivé, la moralité des gens laissait à désirer. La chicotte des Kadogo a tout changé. Ils imposaient une discipline militaire rigoureuse, frappant même jusqu’au ventre », se souvient-il. « Mzee disait la vérité aux dirigeants occidentaux. Aujourd’hui, avec l’éveil de la jeunesse, il ne serait pas mort. »
Joseph Nzambe, quadragénaire, garde de Kabila l’image d’un patriarche ferme mais juste, capable de sanctions nécessaires pour l’intérêt général. Il évoque notamment la fin du système « Kabola makolo », cette pratique indécente dans les taxis où des jeunes partageaient des sièges de manière inconvenante avec des personnes âgées. « Kabila a mis un terme à cette honte, grâce à la chicotte. Tout conducteur qui enfreignait les règles était puni sur-le-champ », affirme-t-il. Selon lui, les dirigeants actuels devraient s’inspirer de cette fermeté face aux abus, notamment en sanctionnant publiquement ceux qui détournent les fonds publics.
Joe Bakutu, pour sa part, se rappelle du leadership de Kabila, qui avait rétabli l’ordre face à une insécurité grandissante. « À son arrivée, les gendarmes dépouillaient les citoyens. Mzee a arrêté cela. Il avait organisé la société », raconte-t-il. Même s’il n’était qu’un enfant lors de l’arrivée de Kabila, Pistis Kalubuka, aujourd’hui étudiant, loue son courage et sa détermination à mettre fin à la dictature de Mobutu. « Il a sorti le pays de l’obscurité et redonné une nouvelle image à la République démocratique du Congo », affirme-t-il.
Toutefois, pour Arnold Malemo, l’alliance de Laurent-Désiré Kabila avec le Rwanda pour renverser Mobutu a laissé un héritage douloureux, notamment dans l’Est du pays. « En chassant Mobutu, il a fait venir Paul Kagame et ses hommes. Cela a ouvert la porte à des infiltrations qui continuent de peser sur la RDC », regrette-t-il. Il déplore que cette alliance ait été le point de départ des conflits sanglants qui ravagent encore cette région.
Laurent-Désiré Kabila, devenu le troisième président de la RDC le 17 mai 1997 après avoir renversé Joseph Mobutu, restera dans l’histoire comme un homme qui prônait l’indépendance du Congo et le panafricanisme. Mais son règne, marqué par des alliances stratégiques et des décisions controversées, s’est brutalement interrompu après trois ans de pouvoir.
Son assassinat, survenu dans des circonstances encore entourées de mystère, continue d’alimenter les débats sur son héritage. Cependant, pour beaucoup, Mzee reste un héros national dont le credo – « Ne jamais trahir le Congo » – résonne encore dans les mémoires.
César Olombo