La rencontre tripartite entre les présidents Félix Tshisekedi (RDC), Paul Kagame (Rwanda) et João Lourenço (Angola), prévue ce dimanche à Luanda, n’a pas eu lieu. Ce qui devait être une étape décisive pour mettre fin aux hostilités dans l’Est de la RDC a été réduit à des discussions bilatérales entre Félix Tshisekedi et João Lourenço. En cause, le refus de la délégation rwandaise de participer à la réunion, illustrant une fois de plus les profondes divisions entre Kinshasa et Kigali.
Dialogue impossible et désaccords persistants
Lors de la réunion ministérielle préparatoire tenue samedi à Luanda, les divergences ont éclaté au grand jour. Selon Kinshasa, le Rwanda a conditionné la signature d’un accord à l’organisation d’un dialogue direct entre Kinshasa et le groupe rebelle M23, qualifié de « terroriste » par la RDC. Cette proposition, perçue comme une légitimation du M23, a été catégoriquement rejetée par la partie congolaise, qui refuse toute négociation avec un groupe armé accusé de crimes de guerre et soutenu par Kigali.
De son côté, Kigali a maintenu sa position en invoquant la nécessité de résoudre la crise par des discussions directes avec les rebelles, issus de la communauté tutsie congolaise marginalisée. Le Rwanda accuse également la RDC de détourner l’attention des véritables enjeux, notamment la présence des Forces démocratiques pour la libération du Rwanda (FDLR), que Kigali considère comme une menace existentielle.
Un sommet éclipsé par des accusations mutuelles
Félix Tshisekedi, dans son discours sur l’état de la nation le 11 décembre, avait vivement dénoncé ce qu’il qualifie de « repeuplement prémédité » de territoires congolais stratégiques par des populations étrangères implantées par le Rwanda. Ces accusations, réitérées par sa ministre des Affaires étrangères Thérèse Kayikwamba Wagner lors de la session du Conseil de sécurité de l’ONU, renforcent la défiance entre les deux pays.
Kigali, par la voix de son ministre des Affaires étrangères, Olivier Nduhungirehe, a rétorqué que ces déclarations relèvent de la xénophobie et rappellent des théories conspirationnistes comme le « grand remplacement ». Le Rwanda a également rejeté les accusations de soutien au M23, tout en soulignant que Kinshasa utilise Kigali comme bouc émissaire pour masquer ses propres défaillances.
Un processus de paix fragmenté
Le report de la tripartite reflète l’impasse dans laquelle se trouvent les processus de Luanda et de Nairobi, pourtant censés œuvrer en synergie pour restaurer la paix dans l’Est de la RDC. Uhuru Kenyatta, facilitateur du processus de Nairobi, a récemment rappelé que le M23 avait quitté la table des négociations pour privilégier la voie des armes, ce qui complique davantage la situation.
Alors que João Lourenço s’efforce de maintenir un fragile équilibre entre les deux parties, l’absence de consensus sur les conditions de dialogue avec les groupes armés et les accusations mutuelles de violations du cessez-le-feu entravent tout progrès significatif.
Un conflit aux répercussions humanitaires dramatiques
Les conséquences de cette crise se traduisent par une catastrophe humanitaire dans l’Est de la RDC. Selon Bintou Keita, représentante spéciale de l’ONU, le M23 contrôle désormais de vastes zones dans les territoires de Masisi, Rutshuru et Lubero, doublant ainsi son emprise territoriale par rapport à 2012. Les attaques, comme le bombardement récent d’une école à Luofu, renforcent les accusations d’épuration ethnique portées contre le groupe rebelle.
Face à cette situation, la RDC appelle la communauté internationale à faire pression sur Kigali pour qu’il respecte ses engagements. Thérèse Kayikwamba Wagner a exhorté le Conseil de sécurité à soutenir fermement le processus de Luanda et à exiger le retrait immédiat des troupes rwandaises du territoire congolais.
Un avenir incertain pour la paix
Alors que Kinshasa et Kigali campent sur leurs positions respectives, le processus de paix reste fragmenté et l’Est de la RDC demeure une région en proie à l’instabilité. João Lourenço et Uhuru Kenyatta, en tant que facilitateurs, devront redoubler d’efforts pour ramener les parties à la table des négociations et éviter une escalade supplémentaire.
En attendant, la population congolaise continue de payer le prix d’un conflit où les perspectives de résolution semblent, pour l’heure, de plus en plus éloignées.