L’annulation de la rencontre tripartite prévue ce dimanche à Luanda entre Félix Tshisekedi (RDC), Paul Kagame (Rwanda) et João Lourenço (Angola) a provoqué des réactions tranchées de Kinshasa et Kigali, soulignant une fois de plus les profondes divisions entre les deux pays sur la crise persistante dans l’Est de la RDC.
Kinshasa charge Kigali
Le porte-parole du gouvernement congolais, Patrick Muyaya, a vivement dénoncé le refus de la délégation rwandaise de participer au sommet, qualifiant cette absence de "politique de la chaise vide". "Le monde entier a constaté aujourd’hui que l’ennemi de la paix dans les Grands Lacs s’appelle Paul Kagame", a déclaré Muyaya. Il a ajouté que le Rwanda montre "sans ambages son incapacité à œuvrer pour le retour de la paix".
Kinshasa maintient sa position de ne jamais négocier directement avec le M23, qualifié de groupe "terroriste". Dans son discours sur l’état de la nation le 11 décembre, Félix Tshisekedi avait accusé le Rwanda de "repeuplement prémédité" dans les zones sous contrôle du M23, ce qu’il considère comme une tentative de redessiner la composition démographique de ces territoires.
Kigali rejette les accusations
De son côté, Kigali a défendu sa position à travers un communiqué officiel. Le ministre rwandais des Affaires étrangères, Olivier Nduhungirehe, a condamné les propos de Kinshasa, qu’il a qualifiés de "dangereux" et de nature à alimenter la xénophobie contre les Tutsis congolais.
Le Rwanda accuse la RDC d’utiliser Kigali comme bouc émissaire pour masquer son incapacité à neutraliser les Forces démocratiques pour la libération du Rwanda (FDLR), un groupe armé hostile au Rwanda et présent dans l’Est de la RDC. Kigali maintient que seule une négociation directe entre Kinshasa et le M23 permettra de parvenir à une solution durable.
"Il est temps que la RDC assume ses responsabilités et arrête de chercher des prétextes pour éviter un dialogue direct", a déclaré un représentant de la délégation rwandaise.
Un sommet avorté, des perspectives incertaines
L’annulation du sommet, initialement présenté comme une étape décisive pour désamorcer les tensions, est un coup dur pour la médiation menée par João Lourenço. Lors des discussions préparatoires, Kigali avait conditionné la signature d’un accord à l’engagement de Kinshasa à dialoguer avec le M23. Une condition rejetée par la RDC, qui considère que cette demande légitime les actions armées du groupe rebelle.
La situation dans l’Est de la RDC reste critique. Le M23 contrôle désormais de vastes zones dans les territoires de Masisi, Rutshuru et Lubero, doublant sa présence territoriale depuis 2012, selon un rapport présenté par Bintou Keita au Conseil de sécurité de l’ONU.
Une paix de plus en plus lointaine
Alors que les tensions continuent de s’exacerber, la population congolaise reste la première victime de ce conflit. La médiation angolaise et le processus de Nairobi, sous la facilitation d’Uhuru Kenyatta, semblent paralysés par les différends entre Kinshasa et Kigali.
L’échec de la tripartite de Luanda renforce l’impasse diplomatique, et les perspectives de paix dans les Grands Lacs s’éloignent, laissant le champ libre à une escalade des hostilités.