Mardi 26 novembre, le Laboratoire de recherche en sciences de l'information et de la communication (LARSCICOM) a organisé un débat au Centre Wallonie-Bruxelles de Kinshasa. Cette rencontre a réuni des enseignants, des étudiants, des professionnels des médias, des chercheurs et d'autres acteurs de la société civile pour discuter de l'intégration des femmes diplômées dans le tissu économique et professionnel en RDC.
Pour cadrer les échanges, Pierre N’sana, professeur et président du LARSCICOM, a précisé qu’en dépit des progrès réalisés par la République démocratique du Congo en matière d’éducation des filles et de l’augmentation du niveau de scolarisation des femmes, un fossé persiste entre le nombre de femmes qui poursuivent des études supérieures et celles qui entament ou maintiennent une carrière professionnelle.
Il s’est appuyé sur une étude publiée par l’International Journal of Social Science and Scientific Studies (2021), révélant que sur une moyenne de 36,4% de femmes diplômées chaque année par les universités congolaises, seules 9,1% parviennent à une insertion professionnelle stable. Dans la fonction publique, les femmes représentent globalement 22% des effectifs, mais les diplômées universitaires n’en constituent que 13,8%. Dans les entreprises privées et paraétatiques, les femmes représentent 34% du personnel, mais seulement 8,8% d’entre elles sont diplômées universitaires.
David Thonon, délégué général Wallonie-Bruxelles, a exprimé sa satisfaction de lancer cette activité tout en interpellant l’assistance sur les pertes que subit la société congolaise en l’absence de politiques permettant de valoriser les compétences des femmes diplômées.
Quelles sont les causes de cette déperdition ?
Après les discours d’ouverture, trois panélistes ont exposé sur cette thématique : la Professeure Yvonne Ibebeke, rectrice de l’Université Pédagogique Nationale (UPN), le Professeur David Pata, expert-recruteur, et Mme Éliane Munkeni, administratrice à la Fédération des Entreprises du Congo (FEC).
La professeure Ibebeke a mis en lumière les « défis sociétaux » auxquels les femmes congolaises sont confrontées. Elle explique : « Les femmes sont cantonnées à des rôles de ménagères ou de femmes au foyer. Ce regard de la société est tellement intériorisé qu’il conduit soit à une remise en question permanente de leurs compétences professionnelles, soit à des interrogations incessantes sur leurs rôles conjugaux. La plupart de celles qui ne résistent pas à cette pression finissent par abandonner leurs projets de carrière. »
Le professeur Pata, quant à lui, a souligné l’inadéquation des qualifications des femmes avec les besoins du marché du travail.
« Le recrutement se fait de manière objective », a-t-il affirmé. « Cependant, les femmes, souvent orientées vers des sections littéraires, ne possèdent pas les compétences recherchées par les recruteurs. Par exemple, des secteurs comme les télécommunications ou l’énergie verte, actuellement en pleine expansion, comptent peu de femmes diplômées. »
Mme Éliane Munkeni a appelé les femmes à prendre conscience de leur potentiel et à s’affirmer dans des domaines traditionnellement dominés par les hommes.
« Les femmes doivent croire en elles et en leurs compétences. Les gouvernements peuvent promulguer des lois pour soutenir leurs droits, mais si elles ne se sentent pas capables, rien ne changera. Changer les cursus universitaires pour sauver les femmes serait injuste. Elles doivent prendre les choses en main », a-t-elle déclaré.
Le débat a été enrichi par des échanges entre les participants et les panélistes. Parmi les solutions évoquées : des mécanismes pour inverser cette tendance, des politiques de recrutement basées sur la discrimination positive, une meilleure éducation des filles dès la famille, des conjoints qui soutiennent la carrière de leurs épouses, et des mesures pour valoriser les compétences féminines en RDC.
Il faut noter que cette activité a eu lieu au lendemain de la journée internationale pour l’élimination des violences à l’égard des femmes et du lancement de la campagne mondiale dénommée 16 jours d’activisme contre les Violences basées sur le genre (VBG).
Le débat a été diffusé en direct et reste disponible sur les plateformes numériques d’Actualité.cd.
Prisca Lokale