Kinshasa : “Fragments”, l’exposition d’art contemporain qui révolutionne la culture congolaise

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Exposition "Fragment"

Ce jeudi 10 octobre, dans une atmosphère palpable, la salle d’exposition de l’Institut français de Kinshasa a accueilli le vernissage de « Fragments », une exposition d’art contemporain initiée par la structure "Mission Impossible Studio". « Fragments » rassemble diverses sensibilités et approches artistiques contemporaines. L’exposition reste ouverte au public jusqu’à la fin de ce mois, soit jusqu’au 31 octobre prochain.

En s'appuyant, en filigrane, sur l'histoire de l'art contemporain dans la ville de Kinshasa, cette exposition met en interaction les créations de différents artistes aux multiples casquettes tels que : Francis Mampuya, Iviart Izamba, Stanis Mbwanga, Syntyche Mbembo, Christian Kakesse, Maïté Botembe, Bul's Bulembi, et Antalya Mbafumoya.

C’est dans un esprit innovant, corroborant avec le thème principal de l’exposition, que ces artistes, tous pétris de talent, ont créé ce fil rouge entre les œuvres pour fragmenter l’art contemporain. L’objectif est de mettre en scène la création contemporaine, un secteur qui sévit et évolue depuis peu à Kinshasa, avec généralement des artistes issus de l’Académie des Beaux-Arts et d’autres autodidactes qui éblouissent par leurs talents innés.

« L’idée de cette exposition est de faire un état des lieux sur la situation actuelle de l’art contemporain à Kinshasa. Avec d’autres amis artistes, nous voulions créer un ensemble de parties qui composent le fragment. Donc, on essaie un peu de fragmenter l’histoire ou le concept de l’art contemporain aujourd’hui à travers les différents artistes qui exposent », s’est exprimé Syntyche Mbembo, artiste céramiste et assistant d’enseignement à l’Académie des Beaux-Arts.

Et de poursuivre :

« Ça fait tellement plaisir de voir les gens venir participer aux expositions et admirer le travail des artistes, mais le plus important pour moi serait de voir notre public initié à l’art, comprendre la création artistique et, plus encore, comprendre la création contemporaine. »

À travers « Fragments », les artistes s’engagent pour le développement du secteur culturel en République Démocratique du Congo, en utilisant l’art contemporain comme une représentation matérielle de l’identité culturelle du pays.

Le public a répondu présent en nombre lors de ce vernissage. Excités et éblouis par la qualité des tableaux et peintures exposés dans les salles de l’Institut français, les visiteurs n’ont pas hésité à exprimer leur joie et leur satisfaction.

« Je suis très heureux et ému d’avoir assisté à cette expo qui aborde plusieurs valeurs. Je remarque que l'on nous questionne sur plusieurs éléments essentiels de la vie tels que la mort, notre quotidien, l’échelle économique et sociale, le mode de vie. En sortant d’ici, je repars avec plusieurs questions auxquelles je dois réfléchir sur la vie et son essence même », explique Destin, étudiant à l’Académie des Beaux-Arts.

Pour rendre l’expression plus libre lors de cette exposition fragmentée, des espaces vides ont été laissés sur chaque mur, permettant à chacun de s'exprimer librement sur ses impressions ou de féliciter les auteurs des œuvres.

« Fragments » pour recoller les morceaux de l’histoire

Ces artistes, dans leurs pratiques artistiques diversifiées, abordent à travers « Fragments » plusieurs problématiques tout en reflétant une évolution de la pratique artistique, notamment dans l’adoption et l’apprivoisement des médiums par la scène artistique de Kinshasa.

« On parle de fragments au pluriel parce que l’histoire de l’art contemporain de Kinshasa ou du Congo est jusque-là fragmentée. Quand on en parle, il s’agit principalement d’articles, de petits textes dans des catalogues ici et là, ou d'interviews. Ce sont ces éléments auxquels on se réfère pour évoquer cette histoire. Il va falloir écrire une histoire bien construite et structurée », a dit Jean Kamba, critique d’art et curateur de l’exposition.

Le choix des artistes a été fait en fonction d’une sorte de "ligne du temps", partant du Librisme de 1996 avec Francis Mampuya, en passant par Eza Possible avec Iviart Izamba, jusqu’aux artistes de la nouvelle génération, comme Maïté Botembe, Antalya Mbafumoya, et Bul’s Bulembi. Ces artistes, issus de générations diverses, forment des « pièces de puzzle, des fragments », cimentant ainsi l’histoire de l’art contemporain dans la capitale congolaise.

« Fragments » représente toutes les parties, tous les éléments épars que les artistes, à travers cette exposition, réunissent jusqu’à la fin du mois pour raconter l’histoire de l’art contemporain tout en abordant les réalités socioculturelles, politiques, ou économiques de la République Démocratique du Congo, en crise depuis sa création en 1885. C’est une « expression partielle d’une histoire générale fragmentée », qui s’appuie sur des matériaux plastiques et visuels aux techniques artistiques et contenus variés, évoquant des sujets tels que l’extractivisme, la translocation, l’économie et la politique.

James M. Mutuba