Jean Kaseya (AFRICA CDC) : « L'épidémie de MPOX n'est pas encore maîtrisée, nous avons besoin de 600 millions de dollars et 10 millions de doses de vaccins »

Dans cette interview, Jean Kaseya, directeur général d'Africa CDC, revient sur les efforts déployés pour lutter contre l'épidémie de MPOX en Afrique, notamment en République démocratique du Congo, qui représente plus de 96 % des cas. Il aborde la situation alarmante, avec une augmentation de 177 % des cas par rapport à l’année dernière, et explique pourquoi l'épidémie n'est pas encore maîtrisée. Il souligne également les défis auxquels l'Afrique fait face, tels que la faiblesse des systèmes de santé, le manque de vaccins et de médicaments produits localement, et les difficultés logistiques. Africa CDC demande 600 millions de dollars et 10 millions de doses de vaccins pour contenir la propagation du virus. Kaseya appelle à la solidarité internationale et espère rétablir une relation de confiance avec les partenaires mondiaux pour soutenir la lutte contre cette crise sanitaire.

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Nous sommes ici à Washington, aux États-Unis. Pourquoi êtes-vous ici ?

Jean Kaseya

Je suis à Washington avant de me rendre à New York pour l'Assemblée générale des Nations Unies, et ce pour trois raisons principales. La première, nous venons de signer un accord historique avec l'Organisation Panaméricaine de la Santé, qui existe depuis plus de 122 ans et possède une grande expérience dans la gestion des programmes de santé. La deuxième raison est d’échanger avec les autorités américaines sur les questions de santé en Afrique, notamment la lutte contre la MPOX. Et la troisième raison, c'est de rencontrer ici des partenaires comme la Banque mondiale et d'autres, pour faire le point sur les projets en cours.

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Quelle est la situation actuelle de cette épidémie de MPOX en Afrique, en particulier en RDC?

Jean Kaseya

La situation reste très préoccupante, avec plus de 2500 nouveaux cas chaque semaine, et environ une cinquantaine de décès hebdomadaires.

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À travers toute l'Afrique ?

Jean Kaseya

Principalement en RDC, qui représente plus de 96 % des cas et des décès. Nous mettons en place tous les moyens possibles pour endiguer l'épidémie. Nous avons une équipe en RDC composée d'une trentaine de personnes, appuyée par des partenaires tels que l'OMS et l'UNICEF. Ensemble, nous avons élaboré un plan de réponse qui nous permet de définir clairement les actions à mener. Nous renforçons également la surveillance épidémiologique, les capacités des laboratoires, et déployons des vaccins pour stopper la propagation du virus.

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Peut-on dire que l'épidémie est maîtrisée à ce jour ?

Jean Kaseya

Non, l'épidémie n'est pas encore maîtrisée.

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Est-ce toujours hors de contrôle ?

Jean Kaseya

Je ne dirais pas que c’est hors de contrôle, mais c'est une situation très sérieuse. Nous faisons de notre mieux pour la maîtriser, mais nous en sommes encore loin. Par exemple, par rapport à la même période en 2023, nous avons observé une augmentation de 177 % des cas. Pour dire que l’épidémie est sous contrôle, il faudrait que nous revenions au niveau des cas de 2023.

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À partir de quel pourcentage précisément ?

Jean Kaseya

Si d'une semaine à l'autre, vous avez une augmentation de 177 %, il faudrait que nous revenions à un taux de 0 % d’augmentation, ce qui correspond aux niveaux de 2023, pour commencer à parler de maîtrise.

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Quelles sont les principales difficultés rencontrées ?

Jean Kaseya

Les difficultés sont nombreuses. D’abord, cette épidémie frappe un système de santé déjà très fragile. Nous ne produisons pas nos médicaments ni nos vaccins en Afrique. Les systèmes de surveillance et de gestion des épidémies sont également très faibles. C’est pourquoi nous travaillons avec les gouvernements et nos partenaires. Le 22 septembre, nous tiendrons une réunion à New York avec les chefs d’État des pays touchés par la MPOX, pour discuter d’un besoin de 600 millions de dollars et de 10 millions de doses de vaccins pour stopper l’épidémie en Afrique.

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Africa CDC demande donc 600 millions de dollars pour maîtriser l’épidémie. C’est bien cela ?

Jean Kaseya

Exactement. Ce montant a été établi grâce aux contributions des pays membres et des partenaires.

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Comment les contributions sont-elles réparties entre les pays ?

Jean Kaseya

Chaque pays touché a envoyé son plan de riposte. Ces plans ont été consolidés, totalisant environ 315 millions de dollars pour les pays. Nous fournissons également un soutien technique et financier à travers Africa CDC, l’OMS, et l’UNICEF, pour un total de 600 millions. Lors de la réunion du 22 septembre, chaque pays précisera sa contribution. Par exemple, en RDC, le gouvernement a déjà promis 10 millions de dollars.

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Que demandez-vous précisément aux partenaires ?

Jean Kaseya

J'attends de la solidarité, des preuves de soutien, et du respect. Pendant la pandémie de COVID-19, lorsque la MPOX a été déclarée urgence sanitaire en 2022, certains partenaires se sont désengagés. Je souhaite rétablir la relation de confiance avec les partenaires internationaux.

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De combien de vaccins l’Afrique a-t-elle besoin pour contenir l’épidémie ?

Jean Kaseya

Nous estimons avoir besoin de 10 millions de doses de vaccins.

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Combien de doses avez-vous déjà à ce jour ?

Jean Kaseya

Jusqu'à présent, nous avons environ 4 millions de doses mobilisées, provenant notamment du Japon et de pays européens.

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Combien de doses le Japon a-t-il promis dans l’accord récemment signé ?

Jean Kaseya

Nous parlons d’environ 3 millions de doses, mais cela reste à finaliser.

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Quand ces doses seront-elles disponibles ?

Jean Kaseya

Nous travaillons actuellement sur les aspects techniques et logistiques. Une fois ces éléments finalisés, les vaccins seront acheminés, mais je ne peux pas donner de date précise pour le moment.

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Quels sont les défis spécifiques pour lancer la campagne de vaccination en RDC ?

Jean Kaseya

Les défis sont nombreux : d’abord, disposer des vaccins, puis former le personnel et les relais communautaires, et assurer la logistique et la communication. Il y a eu une mauvaise campagne autour de la vaccination en RDC, et nous devons regagner la confiance de la population.

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Pourquoi les vaccins donnés par les États-Unis et l'Union européenne ne sont-ils pas adaptés aux enfants ?

Jean Kaseya

Les vaccins sont homologués par l’OMS selon des spécifications basées sur des études. Ces vaccins ont été initialement approuvés pour les adultes, mais de nouvelles études montrent qu'ils peuvent désormais être utilisés chez les enfants de 12 ans et plus.

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Le nombre de doses reçues jusqu'ici est-il suffisant pour enrayer l'épidémie ?

Jean Kaseya

Clairement, non. Nous avons besoin de 10 millions de doses, et nous n'en avons reçu qu’environ 300 000 physiquement, avec la promesse de 3 millions de doses supplémentaires. Nous sommes encore loin de l’objectif.

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Docteur Kaseya, merci de nous avoir reçus ici à Washington DC, aux États-Unis.

Jean Kaseya

Merci à vous.