La cohabitation, autrefois taboue en République Démocratique du Congo, est devenue une réalité pour de nombreux couples, note Vincent Bauna, sociologue. Ce choix de vie, qui consiste à vivre ensemble avant le mariage, soulève de nombreuses questions et suscite des débats passionnés. Le Desk Femme d’Actualité.cd a rencontré ce mercredi 31 juillet, les couples ayant vécu cette expérience pour explorer les motivations qui poussent les jeunes Congolais à cohabiter, les défis qu'ils rencontrent, les impacts sur leur entourage et les perspectives d'avenir de cette pratique.
François Mbayo 32 ans, et Carine Lumu 28 ans, parents de trois enfants, témoignent : "Nous avons choisi de cohabiter avant de nous marier pour mieux nous connaître au quotidien et nous assurer de la compatibilité de nos projets de vie. On a vécu 3 ans ensemble avec deux naissances avant de nous marier. Cette expérience nous a permis de surmonter quelques difficultés, mais elle a aussi renforcé notre amour et notre complicité."
Miriam Ndukidi 25 ans, abonde dans le même sens : "La cohabitation m’a permis de me sentir plus indépendante et de prendre mes propres décisions. Aujourd’hui je suis maman des jumeaux et je suis en train de construire ma vie en commun avec mon partenaire et nous prévoyons de nous engager pleinement d’ici deux ans, si tout va bien."
En revanche Gaston Muchelli 30 ans, confie : "Nous avons cohabité pendant deux ans avant de rompre. Les tensions liées à la vie quotidienne et les différences de caractère ont eu raison de notre couple. Les disputes étaient fréquentes, et nous nous sommes convaincus qu’on était pas fait l’un pour l’autre."
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Cependant, cette expérience n’est pas sans embûches. Nombreux sont ceux qui évoquent les difficultés rencontrées, notamment au niveau des relations familiales et sociales.
"Mes parents n’avaient pas très bien accueilli notre décision de cohabiter. Ils considéraient que le mariage doit être la première étape d’une vie commune. Les pressions sociales ont également peser lourd sur nos épaules. Nous avons souvent été jugés et critiqués par notre entourage. Certains nous ont même accusés de vouloir détruire la valeur du mariage," confie Carine Lumu.
Si certains parents finissent par accepter cette nouvelle réalité, d’autres persistent à s’y opposer.
"Dans notre coutume, le mariage est une consécration d’une union et le fondement de la cellule familiale. La cohabitation prémaritale entre en contradiction avec ces valeurs traditionnelles. Au début, j’ai été très choquée quand ma fille m’a annoncé qu’elle allait vivre avec son petit ami", confie Madeleine Nkufu, mère de famille de 45 ans. "Dans notre culture, on se marie d’abord et on vit ensemble ensuite. J’avais peur pour sa réputation et pour l’avenir de leur relation. Mais au fil du temps, j’ai compris que je devais accepter le choix de mon unique enfant", poursuit-elle. "J’ai essayé de créer un dialogue ouvert avec elle et son compagnon pour mieux comprendre leur point de vue."
D’autres parents, comme Adolphe Taki, 50 ans et père de famille, estiment que la cohabitation prémaritale peut être une étape utile pour les jeunes couples : "Je pense que c’est une façon pour eux de se tester avant de s’engager pour la vie. Cela leur permet de mieux se connaître et de régler éventuellement certains problèmes avant le mariage."
Au-delà des sphères familiales, la cohabitation prémaritale soulève également des questions plus larges sur l’évolution des mœurs en RDC. Les changements économiques et sociaux, l’émancipation des femmes et l’influence des cultures occidentales sont autant de facteurs qui contribuent à remettre en question les modèles traditionnels de la famille, note de son côté Alain Okonda, 63 ans et père de famille.
Nancy Clémence Tshimueneka