De la fin de la campagne électorale à la publication des 1ères tendances des résultats du vote de la diaspora en passant par le déroulement des élections en RDC, la semaine qui vient de s'achever a été riche au niveau de l'actualité. Retour sur chacun de ces faits marquants avec Christine Bijika.
Bonjour Madame Christine Bijika, Pouvez-vous nous parler brièvement de vous ?
Christine Bijika : je suis coordinatrice nationale de Coopec Épargne (structure spécialisée dans l'octroi des crédits) et assistante financière à la fondation EUREKA.
La campagne électorale en RDC s'est clôturée le 18 décembre. Comment avez-vous vécu la fin de cet événement ?
Christine Bijika : la clôture de la campagne a été caractérisée par un sens de démocratie élevé dont ont fait preuve différents acteurs. Les principaux candidats ont réalisé leurs meetings sans incidents majeurs. Cependant, il s'avère que Félix Thisekedi a été plus stratège en clôturant sa campagne par des meetings et inauguration des grandes bâtisses comme le Centre Financier, l'Université Pédagogique Nationale, l'hôpital Ex maman Yemo. Je crois qu'il a été le candidat qui s'est le plus investi dans la campagne électorale.
Du 20 au 21 décembre, les Congolais étaient aux urnes pour élire leurs dirigeants et représentants. Comment avez-vous évalué le déroulement de ces élections et le fait que la CENI ait accordé un second jour pour cet exercice ?
Christine Bijika : les scrutins se sont globalement bien déroulés hormis les difficultés logistiques qui ont été compensées par le prolongement des votes pour permettre à tous les citoyens d'exercer leur droit. Il a été noté aussi quelques incidents mineurs dans quelques bureaux de vote ainsi que certaines violences, qui du reste sont à condamner vigoureusement, mais qui ne sont pas de nature à remettre en question la crédibilité du processus.
La CENI a procédé vendredi à la publication des 1ères tendances de ces scrutins en commençant par le vote de la diaspora congolaise. Comment avez-vous accueilli ces résultats provisoires ?
Christine Bijika Je commencerai par féliciter la Ceni pour tous les efforts consentis à la tenue de ces élections dans le délai, malgré les multiples difficultés auxquelles elle faisait face. Pour la publication des résultats amorcée par la CENI, je dirai qu'elle est issue d'un processus très transparent, qui ne peut être contesté. Ces résultats sont crédibles et reflètent le choix des électeurs exprimé par les urnes.
Cinq candidats présidents de l'opposition ont, après le vote du 20 décembre, appelé à l'annulation des élections pour une réorganisation avec une CENI composée autrement. Que pensez-vous de cet appel ?
Christine Bijika : cet appel n'est qu'une manœuvre dilatoire qui démontre le syndrome des mauvais perdants dans le chef de ces opposants. Les PV des résultats sont affichés dans chaque bureau de vote, le dépouillement a été fait en présence des témoins des différents candidats, et la CENI a commencé la publication des résultats de manière graduelle bureau de vote par bureau de vote, province par province, s'ils ont des preuves de la fraude quelque part, ils n'ont qu'à saisir la justice au lieu de vouloir créer des situations chaotiques dans le pays.
Certaines sources, notamment le Centre Carter, ont rapporté un bon nombre des violations qui ont émaillé ce processus, comme le cas de la dame tabassée dans l'espace Grand Kasaï pour avoir fait entendre sa voix. Comment voyez-vous tous ces dérapages ?
Christine Bijika : tout ceci, surtout les violences à l'égard des femmes, sont à condamner et leurs auteurs doivent être traduits en justice. Il est inadmissible que les gens se livrent à de pareilles scènes pendant que nous exerçons le droit garanti par la Constitution. Les différents leaders devraient appeler leurs militants à s'abstenir de toute forme de violence.
Quelles solutions pouvez-vous préconiser pour mettre fin à tous ces actes inhumains ?
Christine Bijika : il faudrait que la justice s'investisse pour arrêter et dissuader tous les auteurs des violations des droits de l'Homme, que les leaders politiques s'investissent dans l'éducation civique de leurs militants pour leur inculquer l'esprit démocratique de la lutte non violente.
Au regard des perturbations qu'a connu le processus électoral, le FCC (Front Commun pour le Congo) a appelé ses militants à une mobilisation pour exiger le retour à l'ordre constitutionnel. Comment jugez-vous cet appel en cette période post-électorale ?
Christine Bijika Je pense que nous sommes face à un appel à l'insurrection, au renversement des institutions constitutionnellement établies. Cet appel tombe au moment où John Numbi menace de faire un coup d'État, Corneille s'est associé au M23, je me demande si les responsables du FCC ne sont pas de mèche avec les ennemis de la République. Les services de renseignement et de sécurité devraient prendre des mesures pour arrêter toute personne qui va s'aventurer à commettre un acte susceptible de porter atteinte à la sécurité nationale.
Depuis Nairobi, Corneille Nanga a annoncé la création de son mouvement Alliance Fleuve Congo. Comment jugez-vous cette attitude de l'ancien Président de la CENI ?
Christine Bijika : cette attitude m'a tellement déçu que je n'arrive pas à comprendre comment on peut passer du statut de président d'une institution d'appui à la démocratie à la rébellion. Il a craché sur le peu d'estime qu'il pouvait encore prétendre avoir dans l'histoire de notre pays. Il doit être poursuivi et répondre de ses actes.
Les derniers militaires de la Force régionale de l'EAC ont quitté, jeudi 21 décembre, le sol congolais. Que pensez-vous de ce retrait et quelles solutions peuvent être envisagées pour résoudre efficacement la crise sécuritaire dans l'Est de la RDC ?
Christine Bijika Il était temps pour eux de quitter le sol congolais. Ils étaient venus nous aider à résoudre le problème de l'insécurité à l'Est, mais sur le terrain, il s'est avéré qu'ils étaient complices des auteurs de nos malheurs. Pour résoudre efficacement cette crise, la solution s'appelle les FARDC. Il faut réformer notre armée, arrêter tous les infiltrés et lui doter suffisamment de moyens en armement pour pouvoir faire face aux ennemis de notre paix.
Le Kenya et l'Union européenne ont signé en début de semaine un accord garantissant aux produits kényans un accès libre de droits et sans quotas au marché européen et des réductions tarifaires pour les produits européens à destination du pays d'Afrique de l'Est. Pensez-vous que cet accord pourra être bénéfique pour les pays de l'Afrique de l'Est, organisation dont est membre la RDC ?
Christine Bijika : je pense que cet accord sera très bénéfique pour les deux parties, question pour les pays de l'Afrique de l'Est de développer une chaîne de valeur des produits qui pourront être exportés afin d'accroître leur expansion économique.
L'Organisation internationale de la francophonie (OIF) a annoncé mercredi 20 décembre la suspension du Niger, où un régime militaire a renversé le 26 juillet le président élu Mohamed Bazoum. Comment peut-on arrêter ce fléau de prise de pouvoir par la force en Afrique, selon vous ?
Christine Bijika Ces sanctions sélectives génèrent davantage un sentiment anti-occident. Comment comprendre que les mêmes organisations, d'une part collaborent avec des pays où les régimes militaires ont renversé le pouvoir en place et d'autre part sanctionnent les putschistes. Y a-t-il des bons et des mauvais putschistes ?
Pour résoudre ces problèmes de prises de pouvoir par la force, les dirigeants doivent tout simplement travailler d'abord pour les intérêts du peuple et non chercher à s'éterniser au pouvoir pour leurs intérêts personnels. Il est difficile qu'un régime qui répond aux aspirations du peuple soit renversé.
Après le Mali et le Burkina, l'armée française quitte le Niger. Les derniers militaires français déployés ont quitté le pays vendredi dernier, marquant le divorce entre la France et le régime militaire arrivé au pouvoir par un coup d'État. Pensez-vous que ce départ marque la fin de la France-Afrique ?
Christine Bijika : je pense que la France devrait comprendre que le temps de sa politique colonialiste en Afrique est révolu. La génération actuelle en a marre de ce paternalisme. Soit la France adopte une nouvelle politique gagnant-gagnant pour l'Afrique, soit elle perdra définitivement ses intérêts en Afrique.
Propos recueillis par Nancy Clémence Tshimueneka