Dans le cadre de la campagne des 16 jours d'activisme contre les violences basées sur le genre, le Desk Femme d'Actualité.cd vous propose un focus sur des parcours de vie.
Jolie Menemene est veuve. Elle a sept enfants. Née à Uvira (Sud-Kivu) le 20 juillet 1977, quatrième enfant de sa famille, Madame Menemene fait remonter son histoire à son enfance dans l'Est.
"Mon père travaillait dans des mines et on vivait heureux : mes parents, mes deux frères, ma sœur et moi. On était tous plein de vie et d'espoir, on avait tellement de projets et objectifs à atteindre. Un jour, notre père est allé travailler. "Il n'est jamais revenu !"
Mme Menemene raconte que son père a été tué par les rebelles qui opéraient dans des mines. Il avait refusé de céder aux exigences qu'on lui imposait. Après sa mort, on a délégué des gens pour en finir avec toute la famille au risque de propager les secrets des mines. Pendant plusieurs mois, nous avons vécu cachés. »
Ensuite, poursuit-elle, "une nuit, ils se sont introduits dans notre cachette, ils nous ont promis de nous laisser vivre à condition que nous acceptions de faire partie des leurs. Impossible. Ma mère s'est mise à pleurer, les suppliant de la prendre et de laisser ses enfants ! Ils l'ont violée tous ensemble sous nos yeux impuissants. On pensait que ça en était fini, mais non ! Ils ont commencé à réclamer ma sœur pour l'amener. C'est là que mes frères se sont lancés dans la lutte, et tout a basculé ! Ils ont tiré sur mes deux frères avant de tirer sur ma mère."
Le cycle des violences s'enchaine.
"Ils nous ont pris de force, ma sœur et moi. Dans leur camp, on a tout subi : viols, tortures, tout ce qu'on ne pouvait s'imaginer ! Un jour, on a décidé de s'enfouir, laissant derrière nous nos rêves, nos projets de vie ! Partir contre tout espoir. Ils se sont mis à nous poursuivre et ont réussi à nous disperser !"
"C'est comme ça que j'ai perdu ma sœur, tout ce qui m'était resté de cher au monde ! Plus rien n'avait de sens, ma vie s'était arrêtée. Tous mes rêves s'étaient transformés en vengeance. Je marchais la tête baissée sans savoir où j'allais ! J'ai passé des nuits blanches dans les rues des villages que je ne connaissais pas. J'implorais chaque jour les Anges de garder ma sœur. J'appelais mes parents, mes frères à veiller sur elle. Quant à moi, je m'obligeais à être forte, à tenir encore, dans l'espoir de la retrouver un jour !"
L'espérance d'une nouvelle
"Après de longues années d'errance, touché par mon histoire, un couple croisé en route vers Kinshasa m'a amené pour être leur femme de ménage. C'était en 2001. Enfin, la vie m'avait souri. Mais je ne pouvais imaginer ce qui m'attendait encore ! Quelques mois après m'être installée dans la capitale, j'ai commencé à subir les viols de mon patron. Je ne pouvais pas dénoncer, je ne pouvais pas refuser non plus par peur de me retrouver une fois de plus dans la rue. Je suis tombée enceinte. Mon patron a exigé de sa sentinelle d'accepter et de reconnaître que la grossesse était de lui en échange de quelques billets ! Avec sa femme, ils ont organisé notre mariage, nous ont donné une résidence, sans aucun sentiment, on a appris à cohabiter et vivre ensemble."
S'il y avait eu la paix, tout ceci ne serait pas arrivé.
"J'ai continué à travailler en tant que femme de ménage pour subvenir à mes besoins et ceux de mon enfant. Mon mari lui s'était lancé dans le commerce, on a vécu ensemble, partageant les bons comme les mauvais moments. Malheureusement, il nous a quittés il y a 3 ans dans un accident de la circulation."
Ces conflits éternels dans l'Est font des millions de victimes chaque jour. Alors que la situation s'enlise dans une impasse militaro-politique et que la violence fait rage, qu'en est-il des populations, otages de ces guerres, qui aspirent à la paix et la sécurité ?
Le Mouvement du 23 mars (M23) n'est pas le seul groupe armé à l'Est : il y en aurait plus d'une dizaine. Face à cette situation, l'armée congolaise est renforcée par celles des États voisins, plusieurs initiatives de paix et de médiation sont lancées. Mais ces réponses militaires et politiques sont inefficaces jusqu'ici.
La région reste le théâtre de la réapparition de groupes armés depuis plus de 20 ans, sans qu'aucune opération militaire ait réussi à apaiser réellement la situation.
Nancy Clémence Tshimueneka