Livre : “Balobaki”, une quête à la vérité à l’ère du numérique 

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Vernissage du livre “Balobaki”

Le livre Balobaki de la journaliste congolaise Ange Kasongo a enfin été amené aux fonts baptismaux ce vendredi 8 décembre, à l’Institut français de Kinshasa. Cet ouvrage a fait parler de lui bien avant cette cérémonie de présentation. Son ampleur est notamment due à l’originalité du sujet traité et à la légitimité d’un fait qui est devenu monnaie courante : les fausses informations.

Dans une époque où il faut compter avec le numérique et les outils qu’il implique, les fausses informations sur les réseaux sociaux, qui plus est dans une campagne électorale en RDC, sont une denrée assez présente. Conscient de cet état de choses, Ange Kasongo s’est lancée dans une bataille contre les fake news et en parallèle pour faire primer la vérité.

Dans une RDC qui n’a promulgué qu’en mars 2023 le code du numérique, la donne de la campagne électorale de 2018 qu’examine l’auteure dans ce livre était forcément différente. Si le vice de la campagne électorale actuelle en RDC est le discours de haine, la vedette négative des années de l’alternance pacifique était la fausse information dans les plateformes numériques. Ange Kasongo ne l’a pas ratée dans son viseur.

La démocratie à l’épreuve

Ange Kasongo s’emploie, dans un style à la fois limpide et pointu à raconter et se raconter elle-même, à travers l’histoire récente de la RDC en politique et dans les médias. Elle a un œil sur ce qui se dit à l’extérieur des combines politiques, les commentaires des citoyens, ce qui fait vivre la démocratie. L’imprévisibilité dans l’histoire s’explique par le fait qu’il est difficile d’identifier l’authenticité de certaines personnes dans leurs propos.

Dans cette sorte de compte rendu de la campagne électorale de 2018, de 153 pages, paru aux éditions l’Harmattan et préfacé par Colette Braeckman ; une RDC des réseaux sociaux est présentée, soulignant à quel point l’usage, l’appropriation et l’influence des réseaux sociaux dans les débats publics sont devenus une évidence indiscutables.

L’auteure s’extasie de voir comment, derrière leurs smartphones, les internautes tutoient les acteurs politiques comme ils n’en ont rarement eu l’occasion dans la vie réelle. Une tendance accentuée grâce aux réseaux sociaux qui ont influencé la campagne électorale. Dans un univers numérique plein de liberté, plusieurs en ont abusé. D’où, il était important, pour l’auteure, de revenir sur tous ces éléments là en cette période similaire.

« L’objectif est de sensibiliser la communauté et lui dire l’attitude à avoir lorsqu’elle reçoit une information. Si ça peut aider à travers ce bouquin, ça serait une bataille de plus qu’on aura mené contre les fake news qui sont un candidat de taille à ne pas déconsidérer en cette période électorale », a indiqué Ange Kasongo.

Bien qu’étant hors de la RDC en cette période phare que le pays a traversée, Ange a vu venir la montée ou le début de la désinformation durant la période post électorale. Elle a vécu, en ligne, comment les uns et les autres ont choisi de discréditer un candidat, manipuler l’opinion ou contrarier des adversaires politiques par des informations montées de toute pièce.

La vérité à tout prix

Formatrice en journalisme, Ange Kasongo organise des ateliers en Fact-checking à l’intention des journalistes et étudiants en journalisme, plus de 200 personnes ont déjà bénéficié de ses formations. Elle a été sélectionnée par l’ambassade des Etats-Unis en RDC (2022) pour suivre le programme Edward R. Murrow pour journalistes sur la responsabilité des médias à l'ère de la désinformation. Elle n’est pourtant pas la seule à avoir vu venir la situation difficile à contrôler. Le pays s’est doté d’une loi en la matière. 

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En son article 360, le code du numérique, promulgué le 13 mars 2023, stipule que “quiconque initie ou relaie une fausse information contre une personne par le biais des réseaux sociaux, des systèmes informatiques, des réseaux de communication électronique de - ou toute forme de support électronique, est puni d'une servitude pénale d'un à six mois et d'une amende de cinq cent mille à un million de Francs congolais ou de l'une de ces peines seulement”.

Pour l’avocat Albert Mbaunewa, cette loi peut recadrer les choses et les velléités des uns et des autres sur les réseaux sociaux. 

« Il faut demander aux gens d’être très prudents avec le numérique comme avec le code de la route. La loi est d’application pour tout le monde mais il faut une éducation, une sensibilisation parce que c’est un phénomène assez dangereux qui se répand non seulement en RDC mais un peu partout dans le monde », a-t-il dit.

Dans cette quête de la vérité, Ange Kasongo a réussi à réconcilier le scientifique et le journalistique dans son ouvrage. Elle décrit avec des mots simples et doux, la brutalité du bouleversement paradigmatique qui s’est opéré dans le cycle électoral de 2018 dans la pratique de la communication politique grâce à l’avènement des réseaux sociaux.

Dans cette cacophonie, Ange pense que la voix du journaliste est très importante pendant la campagne électorale pour fixer les opinions. 

« En période électorale, la voix du journaliste est très attendue et entendue. Le journaliste a, dans son travail d’acteur social, la mission d’éclairer l’opinion, pas de l’influencer mais de l’éclairer », précise Ange Kasongo.

Immergé dans la pratique de vérification des informations dite « Fact-checking », notamment dans les réseaux sociaux, c’est une invitation à faire de même. Le fil rouge de “Balobaki” est la période électorale de 2018 en RDC. Avec l’accès de plus en plus démocratique aux nouvelles technologies dont internet est le point d’orgue, ce livre vient à point nommé, et vaut son pesant d’or. Il se vend à 20 USD.

Emmanuel Kuzamba