RDC : l'actualité de la semaine vue par Hornella Sakina

Photo/ Droits tiers
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De la plainte de la famille de Chérubin Okende à la visite des officiels aux sites des IXèmes jeux de la Francophonie, en passant par l'explosion d'une bombe à Rutshuru, la semaine qui s’achève a été riche au niveau de l'actualité. Hornella Sakina passe en revue chacun de ces faits. 

Bonjour Madame Hornella Sakina et merci de nous accorder de votre temps. Pouvez-vous nous parler de vos activités ? 

Hornella Sakina :  Je suis médecin, activiste sociale, créatrice de contenus sur la santé et le développement personnel. Je suis également passionnée de l’écriture et slameuse en pleine croissance. Je me considère comme une femme plurielle slasheuse ou polychrome dans le sens où j’exerce plusieurs métiers et tâches simultanément. Entre l’hôpital et le terrain, ma mission est de contribuer au développement de mon pays. C’est d’ailleurs pour ça que j’organise des ateliers de travail et accompagne les jeunes femmes entrepreneures au sein de l'ONG FEA que j’ai créé depuis 2018. 

Au cours de cette semaine, La famille de Cherubin Okende a déposé une plainte contre inconnu pour arrestation et assassinat. Elle sollicite également la suspension des responsables des services de sécurité durant la période de l'enquête. Soutenez-vous cette initiative ? 

Hornella Sakina : c’est normal pour une famille de porter plainte lorsqu’elle a perdu l'un de ses membres dans des conditions aussi troublantes que celle de la disparition de monsieur Okende. Bien que l’affaire concerne l’Etat et que les mesures soient déjà prises en ce qui concerne les enquêtes, tant que cela peut aider la famille à y voir plus clair, je soutiens cette initiative. Cependant, quant à solliciter la suspension des responsables de sécurité, je pense que la famille devrait laisser la justice faire son travail et ne pas s’immiscer dans le déroulement des procédures ou orienter les décisions à prendre.

La justice congolaise dit avoir besoin « des résultats consolidés » et requiert l’expertise de la France, la Belgique, l’Afrique du Sud ainsi que la Monusco pour la médecine légale. Quelles recommandations feriez-vous pour une enquête crédible ? 

Hornella Sakina : si ce procédé peut permettre à toutes les parties d'obtenir des résultats crédibles, je crois que c'est une bonne initiative. D’ailleurs, il faut reconnaître que notre pays est assez limité dans l’étude de certains cas et nous avons effectivement besoin d’appui matériel et d'expertise. Je souhaiterai que ces sollicitations externes travaillent en collaboration avec nos services pour de meilleurs résultats.

Face au contexte socio-politique et sécuritaire actuel, le Comité laïc de Coordination (structure de l'Église catholique) recommande le dialogue entre le Chef de l’Etat et autres parties prenantes. A moins de 6 mois des élections, trouvez-vous cette proposition pertinente ?

Hornella Sakina : j’aurai voulu qu'une telle proposition arrive plus tôt pour qu'elle soit bien organisée. Mais, il n’est jamais tard pour bien faire. Le Président de la République est prêt à travailler avec tous ceux qui veulent privilégier l’intérêt du pays, il l’a plusieurs fois déclaré. Je crains que ces dialogues retardent la marche déjà entreprise dans la tenue des élections selon le délai constitutionnel, car jusque-là certains cadres politiques sont catégoriques : ils n’iront pas aux élections. D’ailleurs, ils ne se sont pas enrôlés.

En sécurité, au moins 9 personnes ont été tuées et une dizaine blessées lors de l'explosion d'une bombe à Rutshuru. L'engin est tombé par imprudence des mains d'un élément du groupe des Wazalendo. Quelle garantie de non répétition faut-il assurer à la population de cette zone ? 

Hornella Sakina : Je pense que l’Etat congolais doit se décider et s’impliquer pour la sécurité de la population de cette zone qui subit chaque jour des atrocités. Ce n’est pas possible de vivre dans son pays et ne pas être protégé. Il faut que notre armée s’organise et s’active sérieusement. Il faudra aussi identifier ces engins explosifs et déminer la zone pour épargner les populations. 

Pour sa contribution constante aux droits humains des femmes depuis plus de 40 ans, Julienne Lusenge figure parmi les lauréats du Prix des droits de l’homme des Nations Unies pour 2023. Comment accueillez-vous cette nouvelle ? 

Hornella Sakina : c'est une joie immense de l'apprendre. Ce genre de nouvelle ne faisait même pas écho tellement les femmes n’étaient pas reconnues dans nos sociétés malgré leurs travaux remarquables. C’est surtout un pas de plus que nous faisons et je ne peux qu’être fière de ce changement. Ceci donne le courage aux femmes de travailler et de croire en leur apport crucial dans le vécu des populations. Félicitations à Madame Lusenge et courage à toutes les activistes congolaises. 

En sport, à moins d’une semaine des IXèmes jeux de la Francophonie, les infrastructures attendues ne sont pas encore totalement prêtes. Cependant, après une visite des travaux effectuée cette semaine, le gouvernement reste optimiste. Quelles dispositions faut-il prendre pour réussir cet évènement ? 

Hornella Sakina : il va falloir tenir ces jeux avec les moyens du bord. Nous avons eu un grand retard. À ce niveau, nous devons juste nous focaliser sur l’essentiel, la tenue de cet événement, réunir toutes les énergies possibles. 

Au niveau continental, Carlos Martens Bilongo, un député français d’origine congolaise a déposé, au bureau de l'Assemblée nationale française, une proposition de résolution condamnant le soutien du Rwanda au M23. Il estime que cela recevrait un grand écho au sein du peuple congolais, et renforcerait l’amitié entre les deux pays. Qu'en pensez-vous?

Hornella Sakina : il ne faut pas vouloir d'une chose et son contraire. Son acte est louable. Les faits sont connus du monde entier car, prouvés dans les documents officiels. Ce que nous attendons des grandes communautés, ce sont des sanctions à l'égard du Rwanda, avant d’envisager une certaine amitié. Il y a une guerre dans l’Est qui est soutenue par le Rwanda, tout le monde est au courant. Quelles sont les actions concrètes posées de la part de ces communautés et quelles en sont les sanctions? C’est la question à se poser. 

Aussi, dans une vidéo diffusée sur le réseau social Telegram cette semaine, le groupe de mercenaires russes, Wagner annonce le déploiement de ses troupes sur le continent Africain. Pensez-vous que les Etats peuvent contrer ce déploiement ? 

Hornella Sakina : si les États s'accordent pour faire barrière à ce déploiement, si toutes les frontières sont surveillées, ils pourront y parvenir avec une volonté politique. 

Au niveau mondial, le Conseil de sécurité s’est penché pour la première fois (cette semaine), sur les conséquences pour la paix et la sécurité internationales de l’intelligence artificielle (IA). Se disant conscients des enjeux, les membres ont majoritairement souhaité l’adoption de principes d’éthique et de comportements responsables. Trouvez-vous pertinent cette résolution ? 

Hornella Sakina : je suis tout à fait d’accord avec la réglementation et la régulation de l’utilisation de l’IA. Nous risquons d'assister à un monde complètement détruit. Et même les grandes personnalités l’ont prédit, les conséquences de l’IA seront très dévastatrices. 

Propos recueillis par Prisca Lokale