RDC : l’actualité de la semaine vue par Mimy Mopunga

Mimy Mopunga
Mimy Mopunga

De la grève des transporteurs à l’annonce du sommet quadripartite (CIRGL, SADC, EAC et CEEAC) sur la paix et la sécurité dans l'Est, en passant par des réquisitions dans les domiciles de l’opposant Moise Katumbi et de son conseiller spécial en détention, la semaine qui s’achève a été riche au niveau de l’actualité. Ce 11 juin, Mimy Mopunga est invitée à commenter chacun de ces faits marquants.

Bonjour Madame Mimy Mopunga et merci de nous accorder de votre temps. Pouvez-vous nous parler de votre parcours et de vos activités ?

Mimy Mopunga : Bonjour et merci Desk Femme. Je suis politologue de formation. Après mes études, j'ai travaillé dans une organisation de la société civile axée sur la défense des droits humains, justice et libération à Kisangani. J'ai aussi exercé dans la politique active à Goma, ensuite à Kinshasa en tant que députée pendant la transition 1+4. À l'issue de mon mandat, j'ai réintégré la société civile à travers le cadre permanent de concertation de la femme congolaise (CAFCO) et le réseau des femmes africaines ministres et parlementaires. J'y suis jusqu'à présent.

La semaine s’est ouverte avec une grève des transporteurs dans la capitale. Les tracasseries routières étaient parmi les causes. Quelle solution durable préconisez-vous ?

Mimy Mopunga : cette question, je vais l’aborder à deux volets. Le premier, je pense que pour une solution durable, il faudrait que l’Etat organise le transport en commun. La plupart d’opérateurs de ce secteur sont des particuliers. Et plusieurs fois, ils abusent de ce pouvoir en fixant notamment les coûts des trajets à leur guise. Deuxièmement, les taxes que paient les transporteurs privés ont pour objectif de réaménager nos routes. Cependant les réalités du terrain, l’état de nos routes ne reflètent pas ce but. Sous d’autres cieux, les infractions commises par les chauffeurs sont filmées par les caméras de surveillance routière. Ce qui les oblige à payer des amendements dans les comptes bancaires mis en place par le gouvernement à destination du trésor public. En RDC, les amendes sont payées auprès des individus et il n’existe souvent aucune preuve pour retracer leur destination. Il y a aussi la question de l’identification et la digitalisation des transporteurs privés. Il faut qu’une inconduite soit retracée et sanctionnée mais quelles sont les stratégies du ministère du transport pour y parvenir ?  En ce qui concerne le conflit entre les associations, l’Etat devrait également mettre une ligne de conduite à respecter.

L’armée a publié une liste d’accusations contre le conseiller de l’opposant Moise Katumbi. Une perquisition a été faite dans leurs domiciles malgré les contestations de leur parti. Comment analysez-vous cette situation ?

Mimy Mopunga : Lors de la prise du pouvoir par l’actuel Chef de l’Etat, le climat politique était apaisé. Nous avons, au sein de CAFCO, fait un rapport au niveau des Nations Unies pour encourager l’évolution en matière des droits humains. Cependant, il y a à la veille des élections une régression qui tend à s’installer et tous ces dérapages seront greffés au mandat du président Tshisekedi. Il ne faudrait pas que l’histoire se répète. S’il y a infraction, la loi recommande de ne pas garder un individu pendant plus de 24 heures sans le transférer devant son juge naturel. Il faut également mener des enquêtes d’une manière objective et impartiale. Nous sommes dans une période électorale et tous les services devraient ne pas ternir l’image du chef de l’Etat. La RDC est un pays démocratique et tous les citoyens devraient avoir les chances de compétir sans discrimination. Je propose que le conseiller soit transféré vers son juge naturel, que les faits portés contre lui soient vérifiés et il sera condamné ou libéré selon les résultats des enquêtes. 

Face à cette atmosphère tendue à l’approche des élections, Jean-Pierre Lacroix exhorte la classe politique à faire baisser la tension. Qu’est-ce qui doit être fait concrètement pour favoriser un climat de paix ?

Mimy Mopunga : il faut notamment éviter des arrestations arbitraires comme celle citée ci-haut. Tous les acteurs doivent travailler en faveur de la paix. Il faut bannir les discours et messages de haine. Multiplier les campagnes de sensibilisation autour de ce qui unit les populations congolaises. Les politiques doivent être conscients des discours et messages qu’ils véhiculent. La liberté d’expression doit être réelle et responsable. 

A Beni (Nord-Kivu) trois personnes ont été tuées dans deux attaques à l’arme blanche par des miliciens ADF. A Maluku (Kinshasa), un chef coutumier a été décapité par des miliciens Mobondo. Comment faut-il gérer les questions sécuritaires à l’approche des élections ?

Mimy Mopunga : personnellement, j’ai toujours eu cette conviction que la plupart de conflits, notamment les conflits interethniques qui éclatent à l’approche des élections ont des ramifications avec les acteurs politiques. Et je dis toujours à la population qu’à certains moments dans leurs communautés, il faut des sanctions sociales pour amener ces acteurs politiques à réaliser leurs erreurs. C’est la population qui est toujours victime alors que les politiques jubilent. Nous sommes au quatrième cycle électoral. Les mêmes protagonistes déjà connus doivent être sanctionnés pour mettre fin à ces conflits.

En économie, après la visite du Chef de l’Etat en Chine, le gouvernement annonce que le nouveau partenariat avec la Chine va rectifier plusieurs accords miniers. Quelles recommandations feriez-vous aux négociateurs de ce contrat ?

Mimy Mopunga : une seule recommandation, c’est d’aimer la RDC. Quel que soit le milieu dans lequel vous pouvez vous retrouver, que l’intérêt général prime sur vos choix. Nous devrions miser sur un contrat gagnant-gagnant. Bannissons les rétros commissions, privilégions ce qui va favoriser le développement et bénéficier à toute notre population. 

En Sport, les Léopards Tennis dames se sont imposés (3-0) aux éliminatoires zone 4 de la Billie Jean King Cup. C'est leur 3ème succès consécutif dans cette compétition. Comment réagissez-vous à cette nouvelle ?

Mimy Mopunga : Je suis fière de notre équipe des Léopards Tennis dames. Lorsque les autres disciplines sportives et même les équipes masculines enchaînent de telles réussites, elles sont encouragées par les autorités, ce qui suscite la même énergie auprès de la population. Le ministère des Sports devrait s’y pencher pour mettre à leur disposition des moyens pouvant leur permettre de garder le cap jusqu’en finale.

Au niveau continental, dix Congolais ont été tués dans les bombardements au Soudan. En mai déjà, les autorités avaient évalué à 350 le nombre de congolais qui devraient être rapatriés. Quelle est la réponse idéale dans cette situation ?

Mimy Mopunga : la mort des citoyens congolais dans une terre étrangère est une situation qui m’écœure toujours. Nous voyons certains Etats se mobiliser, dénoncer, mener des enquêtes lorsque leurs fils décèdent dans une Nation étrangère. Ce qui n’est souvent pas le cas pour la RDC. Au-delà de savoir s’ils sont réellement décédés à cause des bombardements, il faudrait aussi savoir s’ils ont à ce jour, des membres des familles encore en vie qui voudraient retourner dans le pays. Il faut organiser le rapatriement en toute dignité.  

Sous l'égide de l'UA, le Sommet quadripartite (CIRGL, SADC, EAC et CEEAC) sur la paix et la sécurité dans l'est de la RDC est confirmé au 23 juin à Luanda. Il aura pour but d'améliorer la coordination des efforts et des initiatives de paix dans la région. Vos recommandations ?

Mimy Mopunga : je ne peux que demander à toutes ces communautés de respecter les différents engagements pris au cours des années pour favoriser la paix et la sécurité dans la région et en RDC. Il faut de la sincérité car il y a vraiment des agendas cachés qui dénotent un complot international ligué contre la RDC, qui ne va pas se laisser faire. Que le sommet tienne compte des populations qui souffrent, des milliers pertes en vies humaines à cause de cette situation. Quelle est cette force négative qui peut résister face à l’engagement et aux actions de toutes les Nations membres de la CIRGL, SADC, EAC et CEEAC. A la communauté internationale, nous voyons toute la mobilisation qui se fait lorsque les conflits éclatent dans une région. Mais la RDC vit cette situation de conflits armés depuis des décennies et elle a besoin de paix. Nous disons STOP à cette situation, Oui à la Paix durable.

Au Sénégal, Macky Sall a demandé l’ouverture de plusieurs enquêtes après les troubles survenus dans le pays à la suite de la condamnation d’Ousmane Sonko. L'objectif est de "faire la lumière sur les responsabilités liées à ces évènements". Quelle est votre lecture des récentes violences dans la politique sénégalaise ?

Mimy Mopunga : il y a comme un virus qui affecte presque tous les Chefs d’Etats en Afrique. Le Sénégal était un pays modèle en démocratie comme l’Afrique du Sud. Mais depuis un moment, nous constatons que ce pays a pris une autre tournure marquée par la violence. Je voudrais souligner le fait que le respect de la Constitution est un acte encourageant. Lorsque vous remplissez un mandat, vous devriez avoir l’aisance de passer le flambeau à une autre personne et respecter disponible pour être consulté à tout moment pour orienter et donner vos avis. Au niveau du Sénégal, Macky Sall ne doit pas emboîter le pas d’Abdoulaye Wade dont la fin a été tragique. Il faut accepter d’organiser les élections dans le délai, choisir d’éviter le bain de sang pour une soif du pouvoir.

Un dernier mot ?

Mimy Mopunga : je voudrais demander à la population congolaise d’être vigilante. Nous sommes dans une année électorale qui est généralement marquée par la manipulation. Mais nous devons faire des choix utiles. Nous souhaitons que les élections soient libres et transparentes pour éviter de retomber dans un cycle de violence. Nous voulons voir la RDC décoller car son salut ne viendra que de sa population. Merci beaucoup.

Propos recueillis par Prisca Lokale