La République Démocratique du Congo dispose désormais d’un cadre juridique régissant le secteur du numérique. Promulgué en mars par le Chef de l’Etat, ce texte de 174 pages et 390 articles aborde différents aspects de l’usage des nouvelles technologies de l’information et de la communication, y compris les infractions et sanctions. Au niveau des universités de Kinshasa, des étudiantes se sont confiées sur la manière dont ce cadre va contribuer à assainir le cyberespace congolais.
« C’est intéressant de savoir que dorénavant, notre pays dispose d’une telle loi. Nous sommes en plein XXIe siècle, une ère où de nouvelles formes de communications sont apparues. Le smartphone permet de capturer une image, une information d’un endroit x pour la partager à des millions de personnes à travers le monde. Les cultures, les coutumes, les principes s’entremêlent et les dérives s’accentuent également », constate Caroline Nzuzi, étudiante en première année de Licence en Informatique et Gestion des entreprises à l’ISP/Gombe.
Approchées à l’entrée de l’Université Protestante du Congo, Deborah Mujinga, Odija Imposo et Blandine Kambo en troisième année doctorat/Médecine, engagent une véritable discussion autour de la portée de cette nouvelle loi.
« Je crois que cette loi va limiter, si pas écarter de la sphère numérique congolaise, la publication des vidéo ou photos intimes (sextape) et même des informations personnelles sans le consentement préalable de la personne concernée. Nous avons vu des acteurs politiques et autres personnalités être victimes de ce genre de publications. Même s’ils sont passés rapidement à autre chose, cela a certainement eu des répercussions sur leur santé mentale », souligne Deborah Mujinga.
« Je pense également que c’est une bonne chose. Cependant, j’ai une question », lance Odija Imposo, sur un ton déterminé. « Elaborer et promulguer une telle loi c'est pertinent. Mais, a-t-on également prévu une structure qui va se charger de retracer les dérives depuis leurs origines ? Aura-t-on la capacité de remonter jusqu’à l’auteur d’un compte anonyme ou d’une usurpation d’identité ? C’est à ce niveau que se pose un problème car il y a aujourd’hui de nombreux comptes au niveau des réseaux sociaux par exemple, qui ne sont pas authentifiés. (…) Au-delà de la création de cet organe, il faut trouver des personnes sérieuses, compétentes et les doter des moyens logistiques et financiers qui leur permettront de travailler efficacement ».
A Blandine Kambo de renchérir, « si les sanctions suivent, si les personnes qui se rendent coupables des infractions prévues par cette loi sont sanctionnées, le taux de dérives va également baisser. La régulation permet de remettre les victimes dans leurs droits, de sécuriser et fiabiliser les services ».
Application plutôt que multiplication des lois
Eunice Mpiana, qui est en terminal en droit public à l’Université Libre de Kinshasa s’est inquiétée de la lourdeur dans la mise en œuvre et de la vulgarisation des lois et autres textes adoptés par la RDC.
« Dans notre pays il y a de nombreux textes juridiques qui pourtant ne sont pas mis en œuvre. Commençons par investir dans l’application des lois qui existent, plutôt que de mettre en place des nouvelles. Je souhaite à l’Etat congolais de s’appesantir sur l’application de ce texte pour sérieusement réguler le secteur du numérique en RDC. Il faut aussi que les populations Congolaises soient informées de l’existence de cette loi. Sinon, on ne pourra pas mener à bien les objectifs assignés à la nouvelle loi », a-t-elle affirmé.
Bernadette-Gracia Mpunga étudiantes dans la même université a suggéré « la désactivation des certains comptes des réseaux sociaux impliqués dans la vente des produits cancérigènes, dans l’arnaque ou dans le hacking comme moyen de contribuer à la bonne santé de la population, à l’entrepreneuriat ainsi qu’à la sécurité numérique ».
Par ailleurs, la plupart des étudiantes interrogées, ont affirmé n’avoir pas appris la promulgation par l’Etat congolais, de la nouvelle loi portant code du numérique. Celles qui disaient être au courant n’avaient lu aucun passage de cette loi.
Prisca Lokale