Environ deux semaines se sont écoulées depuis que des vidéos montrant des filles, des femmes et des hommes étendus sur le sol et fouettés par des miliciens Malaika ont été relayés sur les réseaux sociaux. Depuis la province du Maniema, les organisations de la société civile, contactées par le Desk Femme, décrivent la situation.
« Jusqu’à présent, aucun procès n’a été ouvert à l’endroit des auteurs de ces crimes. Aucune enquête. Je dirais même qu’il ne s’agit pas de mener une enquête puisque l’on connait déjà les auteurs de ces actes. Les sanctions n’ont été prises nulle part », déplore une défenseure des droits humains active depuis près de 20 ans, basée à Kasongo dans le Maniema.
Basée à Kindu, chef lieu de la province, une greffière du ministère de la justice a également fait savoir "qu'aucune action n'a été entreprise au niveau du parquet en lien avec ces violences".
En effet, dans leurs communiqués officiels, des autorités congolaises citent comme auteurs de ces faits, des miliciens Mai-Mai Malaika. Parmi les causes de ces actes de violences, les mêmes sources évoquent le fait que les ordres donnés aux civils n’ont pas été respectés, notamment la recommandation faite aux femmes et aux filles de ne pas porter « des pantalons et des mini-jupes ».
« L’une des victimes est décédée »
Au niveau du territoire de Kabambare où se situe Salamabila, les organisations de la société civile renseignent que le ministre provincial de l’intérieur était arrivé avec une délégation, dépêchée par le gouvernorat, dans le but d'identifier les victimes. Cependant, « aucun résultat des enquêtes n’a été révélé comme annoncé par le gouverneur de province » , confie l'un des responsables.
Un autre a précisé que « le ministre provincial de l'intérieur est effectivement arrivé à Salamabila mais il n'a pas réussi à entrer en contact avec les victimes, cela n'était pas possible. La délégation est ainsi retournée à Kindu (chef-lieu de la province) ».
« Depuis qu’il y a eu des dénonciations, les cas n’ont plus été enregistrés. Au niveau de Salamabila, une ONG avait également tenu un point de presse pour dénoncer ces actes. Cependant, l’une des victimes a succombé à ses blessures. Il n’y avait pas une prise en charge adéquate. Les autres victimes sont prises en charge soit au niveau des organisations locales, soit par leurs familles et centres de santé privés », explique un membre de l'Union Congolaise des femmes des medias (UCOFEM) basée à Kindu.
Cheffe de la division provincial du genre, Régine Kapunga souligne aussi qu’ « une équipe d'experts dans la lutte contre les violences basées sur le genre devait normalement être déployée sur place à Salamabila pour assurer une prise en charge holistique aux victimes. Cependant, par manque de moyens logistiques et financiers, cela n’a pas été fait ».
Par ailleurs, deux organisations de défense des droits des femmes contactées par ACTUALITE.CD ont dénoncé le fait que « les victimes soient obligées de taire les violences auxquelles elles ont été exposées. Tout le monde sait que les violences se sont déroulées à Salamabila, mais quand on arrive sur place, on ne sait pas trouver exactement où se trouvent les victimes. Elles craignent des représailles, elles font l’objet des menaces. Les miliciens promettent de faire disparaitre, de tuer les victimes qui vont rechercher de l’aide auprès de l’Etat ».
Assurer le processus de réinsertion et désarmement
En termes de recommandations, les organisations de la société civile plaident pour « qu'un processus de désarmement soit lancée au niveau du territoire de Kabambare afin de restaurer l'autorité de l'état et assurer une réinsertion sociale aux miliciens encore actifs », d'autres ONG ont plaidé pour «la prise en charge holistique des victimes par l'état congolais ».
Pour rappel, en attente du processus de désarmement, deux factions rivales de la milice Malaika avaient signé en juillet 2021 un acte d’engagement pour la promotion de la paix à Salamabila, zone secouée par les violences armées. Les deux factions rivales sont celles du chef de guerre Souverain et de Kabala qui se sont déjà affrontées à plusieurs reprises dans le territoire de Kabambare après la scission de la milice Malaika.
Le sud de la province du Maniema connaît, depuis 2016, un activisme des groupes armés avec la présence de plusieurs factions de la milice Malaïka. Ce groupe armé, constitué des populations autochtones, mènent des attaques, tueries et kidnapping. Ils protestent contre le non-respect du cahier de charge signé avec Namoya Mining, filiale de Groupe Banro Corporation, une société de droit canadien. La firme a annoncé en Juin 2020 avoir vendu sa mine d’or de Namoya à Shomka Resources Ltd, dans laquelle la société chinoise Baiyin International Investments détient une participation minoritaire.
*la plupart des personnes interrogées par ACTUALITE.CD ont requis l’anonymat pour des questions de sécurité
Prisca Lokale