COP15: les points clés à résoudre pour un accord biodiversité réussi

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La forêt du Parc National de Salonga/RDC

L'espoir de sceller à Montréal un "pacte de paix avec la nature" d'ici 2030 est encore suspendu à d'importants points de blocages. Revue des principaux problèmes à résoudre pour éviter un accord au rabais d'ici le terme de la COP15 le 19 décembre.

- 30% de la planète protégée?L'objectif phare de protéger 30% des terres et des mers d'ici 2030 ne fait toujours pas consensus. Alors que scientifiques et ONG estiment qu'il en faut 50% pour enrayer la crise de la biodiversité.

A ce jour, 17% des terres et 8% des mers sont protégées, mais pour certains pays la marche à franchir en huit ans est trop haute.

La définition même d'une aire protégée est encore très débattue: faut-il comptabiliser seulement les zones "hautement ou totalement" protégées? Doit-on y prohiber toutes les "activités nuisibles à l'environnement"? 

La plupart des pays en développement, critiques de l'approche conservationniste du Nord, mais aussi certains pays riches veulent des aires protégées où "un usage durable" des ressources (bois, minerais, poissons...) reste autorisé. A l'inverse, des ONG craignent de voir naître des "parcs sur le papier".

- Quid des 70% restants de la planète?Un déficit d'ambition sur les autres objectifs, décisifs pour la biodiversité sur les 70% restants de la planète, inquiète aussi fortement. "Si le cadre mondial est faible, nous nous y opposerons certainement et nous encouragerons les parties à ne pas le signer", met en garde Brian O'Donnell, directeur de l'ONG Campaign for Nature.

Les négociateurs doivent préciser la feuille de route pour 2030 d'ici lundi: faut-il s'engager à restaurer 20%, 30% ou des milliards d'hectares de terres dégradées?  A diviser au moins par deux la circulation des espèces invasives? A réduire l'usage des pesticides et des engrais de moitié? Sur ce dernier point, l'Union européenne est isolée et pourrait devoir céder.

- Populations autochtonesLes populations autochtones, dont les territoires abritent 80% de la biodiversité restante sur Terre, s'inquiètent particulièrement de manquer de garanties pour les protéger du "colonialisme vert" que pourrait relancer l'accord.


"C'est nous qui fournissons les solutions: vous pouvez être nos partenaires mais vous ne pouvez pas nous évincer", a déclaré samedi Valentin Engobo, chef du village de Lokokama, connu pour ses tourbières dans le Bassin du Congo.

Pour nombre d'ONG, un manque de reconnaissance de leur rôle, de leurs savoirs traditionnels et de leurs droits tout au long du texte serait une ligne rouge.

- Les subventions du Nord vers le SudC'est le nerf des négociations: en coulisses, Nord et Sud marchandent l'aide financière internationale en contrepartie d'engagements chiffrés et ambitieux dans la feuille route.

Les pays en développement --Brésil, Inde et Indonésie en tête-- réclament "au moins 100 milliards de dollars par an ou 1% du PIB mondial jusqu'en 2030". 

Cela équivaudrait à multiplier par dix l'aide internationale actuelle pour la biodiversité. Mais le montant est avant tout politique, une demande de solidarité et de justice calquée sur les 100 milliards promis, mais pas totalement versés, dans la lutte contre le changement climatique.

Une douzaine de pays, dont le Canada, le Japon, les Etats-Unis et les principales puissances européennes, ont donné à Montréal quelques premiers signes d'efforts supplémentaires.

Mais arguant ne pas pouvoir décupler leurs aides publiques, ils renvoient à une réforme des flux financiers, aux fonds privés et à la redirection des subventions négatives pour l'environnement dans tous les pays.

Le Sud, qui a arraché un fonds pour les dégâts climatiques à la récente COP27 en Egypte, pousse aussi pour la création d'un fonds dédié à la biodiversité, une promesse datant de la naissance de la Convention sur la biodiversité en 1992 mais jamais mise en place.

Les pays riches, en particulier la France, sont défavorables à cette solution, jugée lente et complexe. Ils privilégient l'hypothèse de créer une branche au sein du Fonds mondial pour l'environnement (FEM).

Eve Bazaiba, ministre de l'Environnement de la République démocratique du Congo, a fustigé cette idée samedi: "Vous voulez ouvrir une fenêtre" au sein du FEM "mais elle existe déjà. Nous, nous voulons une porte, pour accéder à ces fonds", a-t-elle déclaré, réclamant un juste retour pour les services rendus par l'immense richesse écologique du Bassin du Congo.

AFP avec ACTUALITE.CD