Au lendemain du départ de la délégation dépêchée par le gouvernement pour apaiser le conflit opposant les communautés Yaka et Teke dans la province de Mai-Ndombe, deux personnes ont été tuées et près de 5 maisons ont été incendiées. A quelques jours de la rentrée scolaire, la question de la reprise des cours dans cette partie du pays reste cruciale.
« L’Etat congolais a la responsabilité de garantir d’une part, la sécurité de toute sa population, et d’autre part, garantir l’accès à l’éducation pour tous les enfants en âge de scolarité. Nous savons que dans le contexte des conflits, les femmes et les filles payent un prix lourd. La situation des conflits intercommunautaires entre Teke et Yaka n’échappe pas à cette réalité », rappelle Anny Modi, coordonnatrice exécutive de Afia-Mama, une ONG qui œuvre pour le bien-être de la femme et la jeune fille.
Abondant dans le même sens, Tracy Ntumba, experte en gouvernance avec un attachement pour les politiques éducatives, appelle les acteurs opérant dans le secteur éducatif à s’impliquer.
« On fait état de plusieurs écoles incendiées et des familles déplacées vers des villages voisins, à Bolobo par exemple. Au cours de leur périple, les enfants sont confrontés à plusieurs types de danger, à la précarité, (...) avec tous les risques d’être confrontés aux abus sexuels, aux mariages forcés ou encore à la traite d’enfants. Le gouvernement au niveau provincial et national a le devoir d’agir, ils ont la responsabilité de protéger les populations, et c’est dans ce genre de situation que leur leadership est mis à l’épreuve. Après avoir tout perdu, l’éducation représente pour eux la chance d’avoir une vie meilleure à leur retour d’exil ».
OCHA estime à plus de 6 000, le nombre des personnes déplacées suite aux violences entre les deux communautés. Environ 4000 personnes sont arrivées le 19 août dans la cité de Lediba, territoire de Bolobo. Elles sont hébergées principalement dans des familles d'accueil, d’autres sont hébergées dans des centres collectifs (églises, écoles).
Près de 2000 autres personnes ont trouvé refuge dans la ferme SOCOA/Lenga Lenga dans la zone de santé de Bolobo. Les élèves déplacés sont notamment accueillis à Bolobo, à Kinshasa, voire au Congo Brazzaville. Mercredi, plus de 100 personnes ont encore quitté le territoire.
Tracy Ntumba et Anny Modi plaident pour des mesures temporaires.
« Comment serait-il possible d’imaginer une rentrée scolaire sans fournitures ? C’est une situation inattendue et très délicate. La prise en charge rapide est recommandée pour éviter le pire. Organiser la rentrée scolaire de ces enfants à cinq jours de la rentrée est un vrai challenge pour le gouvernement tant provincial que national. C’est une crise humanitaire supplémentaire qui s’installe dans la province de Mai-Ndombe. Une situation qui nécessite l’attention des partenaires de la RDC, ceux qui interviennent dans la réponse aux crises humanitaires. La rentrée scolaire est prévue lundi prochain. Et pour garantir l’éducation des enfants, des mesures temporaires doivent être prises afin que les enfants soient intégrés par les écoles des lieux de déplacements ».
Durant leur séjour dans la province, les membres du gouvernement central et ceux de Mai-Ndombe avaient mené des pourparlers avec les habitants de Kwamouth. Des résolutions ont été prises, notamment la désignation d'un autre administrateur du territoire et de nouveaux responsables des services de sécurité. Pour Anny Modi, le manque d’inclusivité, des solutions non adaptées au conflit peuvent justifier la brusque résurgence des violences.
« La résurgence des violences démontre que les mesures prises par le gouvernement n’ont pas été adaptées aux conflits. Voilà pourquoi nous insistons sur l’implication de la société civile, y compris les femmes et jeunes aux côtés du gouvernement pour aboutir à une solution solide de retour de la paix, étant donné qu’il est de principe qu’aucune démarche de rétablissement de la paix ne puisse se faire sans les femmes et les jeunes. Ce n’est qu’avec cela que la paix pourra être rétablie », soutient Anny Modi.
En attendant de pouvoir regagner leur village, Tracy Ntumba propose de songer au recrutement des volontaires pour organiser une prise en charge sanitaire et éducationnelle des enfants déplacés dans les camps des déplacés.
Prisca Lokale