RDC : l’actualité de la semaine vue par Léonnie Kandolo 

Photo/ Droits tiers
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Du rapport du groupes d'experts l’ONU sur l’implication du Rwanda dans les atrocités à l’Est de la RDC, au meurtre d’au moins cinq personnes dans un conflit communautaire à Kwamouth, en passant par l’expulsion du porte-parole de la Monusco ou l’entrée par force des troupes onusiennes à Kasindi, la semaine qui s’achève a été pleine d’évènements. Léonnie Kandolo revient sur chacun de ces faits.  

Bonjour Madame Léonnie Kandolo et merci de nous accorder de votre temps. Pouvez nous parler de vos activités ? 

Léonnie Kandolo : Je suis une activiste, défenseure des droits économiques et sociaux. Experte en gouvernance et ancienne porte-parole du Comité laïc de coordination (CLC). 

La semaine a été marquée par un rapport d'experts des Nations unies sur les atrocités commises dans l'est de la RDC. Il est prouvé que le Rwanda a fourni des renforts de troupes au M23 pour des opérations spécifiques, en particulier lorsque celles-ci visaient à s'emparer de villes et de zones stratégiques. Quel est votre avis sur ces révélations? 

Léonnie Kandolo : je pense que c'est une très grande avancée au niveau diplomatique international. Enfin, grâce à une diplomatie agissante et au vice-premier ministre des Affaires étrangères, Monsieur Christophe Lutundula qui a fait une brillante intervention devant le Conseil de sécurité des Nations Unies, le monde entier reconnaît pour la première fois l'implication du Rwanda dans les attaques en RDC à travers le M23. C'est encore plus fort parce que la Monusco a dû l'admettre cette semaine. Je pense que c'est une très grande avancée parce que dès le moment où on connaît l'adversaire, on sait comment et contre qui se défendre, agir même au niveau international. 

 Kigali a récusé ces accusations, assurant que "la présence du M23 et ses origines" étaient "bien connues comme relevant d'un problème de la RDC" qui cherche à "faire peser le fardeau sur d'autres pays". Quelles sont vos recommandations à la RDC après cette réaction du Rwanda ? 

Léonnie Kandolo : ce qu'il faut faire à présent, c'est prendre des sanctions contre ce pays (Rwanda ndlr). Quand on est en guerre contre un pays, il ne devrait pas y avoir de représentation diplomatique sur votre territoire. C'est notamment le cas du Rwanda. Aucun bureau de son ambassadeur ne devrait être cité en RDC. 

Au cours de la semaine également, le gouvernement congolais a demandé le départ du porte-parole de la Monusco, après les manifestations contre cette mission dans la partie est du pays. Qu'avez vous pensé de cette décision ? 

Léonnie Kandolo : la Monusco est là pour servir, soutenir le gouvernement congolais. À partir du moment où son porte-parole tient des propos qui ne vont pas dans ce sens et qui sont à certain niveau dénigrants, il faut une réaction de la part des autorités locales. Je crois que le gouvernement congolais, à travers le Ministère des Affaires étrangères a opté pour la bonne action. J'appuie cette décision. 

Plus tôt, dimanche, des soldats de la Monusco ont ouvert le feu et forcé leur entrée à Kasindi, à la frontière entre la RDC et l'Ouganda, causant la mort d'au moins deux personnes. Un procès public est envisagé par la mission onusienne pour juger les auteurs de ces tirs meurtriers. Quelles sont vos attentes et vos recommandations à ce sujet ? 

Léonnie Kandolo : c'est inacceptable. La Monusco devrait jouer son rôle de protection auprès de la population congolaise et non se constituer un État dans l'Etat congolais. C'est-à-dire qu'elle doit travailler sous le contrôle du gouvernement congolais. Cela est très important. Il est du devoir du gouvernement congolais de prendre des mesures sévères à ce sujet.  Je condamne également toutes manifestations violentes. Parce que quand on a un désaccord, il faudrait savoir s'exprimer dans le calme. Je déplore le nombre de morts que ce soit dans les rangs de la Monusco ou dans la population congolaise.  

Par ailleurs, cinq personnes ont été tuées et plusieurs autres blessées lors des affrontements, entre les membres des communautés Teke et Yaka dans le territoire de Kwamouth (Mai-Ndombe). Que faire pour mettre fin à ces conflits communautaires ? 

Léonnie Kandolo : je ne peux que condamner et être très attristée par les tueries qui ont eu lieu entre les peuples Teke et Yaka dans le Kwamouth. Je crois que ces résurgences des conflits tribaux sont en général attisées par des hommes politiques pour leur positionnement. Je crois que nous pourrons construire la RDC de façon évidente lorsque nous aurons surmonté tous les clivages tribaux. On est congolais avant d'être Yaka, Teke, Luba, Otetela, Nekongo, Balubakat (...). Aux personnes qui attisent cette flamme, je rappelle que le tribalisme n'est pas une opinion mais un délit. 

Deux agents de la Police ont été enlevés par des miliciens à Minembwe-centre (territoire de Fizi) au Sud-Kivu. L’armée attribue ce rapt à la milice coalition twigwaneho-gumino dirigée par Michel Makanika, un ancien colonel des FARDC. Votre avis à ce sujet ? 

Léonnie Kandolo : toutes les agressions faites contre des policiers, des citoyens congolais par des groupes armés sont automatiquement condamnables. Pour moi, toutes ces personnes qui fonctionnent dans les groupes armés doivent être jugées et sanctionnées sévèrement. Que l'on dise que la personne à la tête de cette coalition est un ancien colonel des FARDC, s'il est congolais d'origine, et qu'il tue ses propres frères, il est condamnable. Ce sont des événements qui ne devraient plus être cités quand on a une Monusco présente depuis 23 ans dans le pays.

En économie, la VPM ministre de l'environnement Eve Bazaïba a appelé les pays du G20 à veiller au respect de leurs engagements visant à mobiliser 100 milliards USD par an jusqu'en 2025 pour lutter contre le changement climatique, pris en octobre 2021. Quel est votre point de vue à ce sujet ? 

Léonnie Kandolo : la VPM a certes lancé un appel mais, je pense aussi que la RDC a une part de responsabilité. Nous ne devrions pas tout attendre de l'extérieur. Nous devons adapter et régler nos politiques pour nous-mêmes, pour devoir nous développer et gérer le changement climatique. En Afrique de plus en plus de mesures sont prises par certains pays pour atténuer les impacts du changement climatique. Les gens doivent respecter leurs engagements. Et le Congo ne doit pas être attentiste. Avec toutes ses ressources naturelles, le Congo peut mobiliser des fonds pour le changement climatique. 

En santé, des médecins membres du Syndicat national (SYNAMED) ont entamé, depuis lundi 1er août, la grève sous forme d’hôpitaux sans médecins. Il s'agit d'une grève lancée au mois de juillet sous différentes formes, pour pousser le gouvernement à tenir compte de leurs revendications. Pour vous, quelle attitude devrait avoir le gouvernement à ce sujet ? 

Léonnie Kandolo : la grève est un droit constitutionnel. L'Etat doit se montrer responsable, garantir la santé humaine. Les médecins méritent d'être rémunérés par rapport au coût de la vie en RDC et ne pas devoir tous être obligés d'avoir des cabinets privés. Le gouvernement devrait gérer cette affaire avec plus d'harmonie. 

Au Mali, des membres d'un groupe de la société civile ont exigé vendredi le retrait de la mission de l'ONU dans le pays d'ici le 22 septembre. Recommandation qui arrive après l'expulsion du porte-parole de la Minusma. Au regard des manifestations qui se passent à l'est de la RDC, comment analysez-vous cette situation ? 

Léonnie Kandolo : l'Afrique se réveille et veut se libérer du joug néocolonialiste et des Nations Unies. Il y a une certaine volonté de maintenir l'Afrique en prison. Les dirigeants africains doivent être vigilants par rapport à leur gouvernance. Il y a eu par exemple des élections législatives au Sénégal et le président Macky Sall a perdu sa majorité au parlement. L'homme africain devient de plus en plus vigilant par rapport à l'exercice du pouvoir de ses dirigeants. 

Un dernier mot ?

Léonnie Kandolo :  je voudrais faire un bilan par rapport à l’évolution de la femme africaine et congolaise en particulier. Le 31 juillet, nous avons célébré la femme africaine. Et en 1962, le Congo n'avait pas de femme universitaire. C'est en 1964 que Madame Sophie Kanza est devenue la première femme congolaise universitaire.

En 1966, la RDC a eu une première femme médecin. Nous avons aujourd'hui dans le pays, des milliers de femmes universitaires, des scientifiques, celles qui opèrent dans le domaine du droit, dans la médecine, et bien plus. Elles se distinguent, elles sont sorties des universités congolaises, africaines, de l'occident et de partout.

En politique, l'Afrique a également enregistré des avancées. On sait par exemple, que nous avons eu une première femme présidente (Ellen Jhonson Sirleaf) en 2006. Alors qu'il y a des pays comme la France qui n'ont jamais eu de femme Chef de l’Etat. Actuellement en Tanzanie, il y a une présidente musulmane. (...) Dans les gouvernements, dans les parlements, les femmes sont positionnées à des postes clés. Les femmes demeurent aussi les piliers de l'économie.

Propos recueillis par Prisca Lokale