Interview exclusive: Dealeuses, Double sim, mualim, pratiques peu recommandables, Hamouly tire à balles réelles sur Twitter

Photo/ Droits tiers
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Épouse, Mum of two, Maîtresse d'école : Votre institutrice. Ici vs ne trouverez pas de l'élégance mais bcp de vérité : New Miss Amouly account, un descriptif qui en dit long sur ce compte Twitter qui alimente toutes sortes de théories.

En effet, le 13 février, un Thread (fil d’actualité) de plus de 80 tweets décide de lever le voile sur le côté sombre du monde de la prostitution de luxe à Kinshasa. On y apprend comment fonctionne les prises de rendez-vous avec les « dealeuses », on y découvre pléthore de termes comme les « mualim » ou encore des pratiques zoophile ou scatophile pour ne citer que cela.

Le thread fera l’effet d’une bombe au sein de la twittosphère congolaise. Quelques jours plus tard, l’institutrice nationale annonce qu’elle va faire un nouveau thread sur les « double sim », ces hommes souvent jeunes, beaux, élégants en couple avec des femmes qui se prostituent avec d’autres hommes. Là aussi, l’effet ne va pas tarder à se faire ressentir.

La question que tout le monde se pose est celle de savoir qui est cette nouvelle justicière 2.0 qui a décidé de remettre de l’ordre à Ghotham City/Kinshasa ? Pourquoi se cacher derrière un compte anonyme ? Comment la qualifier ? Il ? Elle ? Ielle ? Le desk femme de ACTUALITE.CD a contacté le compte  en question. Hamouly a accepté en exclusivité de répondre à nos questions.

 

« Ce qui m'y pousse c'est le fait de pouvoir mettre publiquement des mots sur des maux qui nous touchent mais que très peu de personnes ose dénoncer en public par une drôle de convenance sociale. »

 

Bonjour Hamouly, vous avez récemment secoué la Twittosphère congolaise. Certains parlent de vous comme un « Game changer ». Votre description dit que vous êtes institutrice et mère de deux enfants. Que rajouter de plus ?

 

Hamouly : Eh bien il est toujours difficile de parler de soi-même surtout quand les autres vous idéalisent. Si je peux ajouter quelque chose je dirais : amoureuse du Congo et de la vérité mais aussi une éternelle rebelle contre le système établi. Je pense que ce sont les trois choses qui me définissent le mieux et qu'il faudrait retenir.

Il y a moins de deux semaines, vous avez lancé des Thread sur Twitter. Vous avez braqué les projecteurs sur le dark side de Kinshasa. Commençons par l’univers des « dealeuses ». Comment s’est passer la récolte des informations ? Les contacts ? Pourquoi cette thématique ?

Hamouly : S’agissant du pourquoi de la thématique, je dirais que c'est à cause des différents témoignages et dénonciations que je recevais in box.

Ceux qui me suivent depuis longtemps savent que j'avais parlé des abus sur les enfants en novembre dernier.

Il y avait eu une libération de la parole qui avait fait qu'on me rapportaient différents témoignages d'abus de toutes sortes.

J'ai été fortement bouleversée par toutes ces filles qui était violées, abusées et exploitées mais dont la voix n'était pas prise en compte juste parce qu'elles étaient connues comme étant des prostituées. C'est le témoignage qui a fait l'objet de mon premier Thread qui m'a poussé à dénoncer afin de dévoiler le contour de cet univers dont tout le monde parle de manière romancé. Après ce Thread j'ai eu énormément des messages des personnes actives ou anciennement actives dans ce milieu et qui voulaient aussi dénoncer.

C'est ainsi que j'ai commencé à récolter les informations les croisant avec différents témoignages. J'ai aussi contacté certaines personnes dont les noms revenaient souvent .Les contacts se sont majoritairement passé sur Twitter. Sauf pour la dénommée Maria avec qui j'ai eu une discussion sur l'appli signal.

 

Quand on lit vos Threads, on en ressort rarement sans un sentiment de révolte et d’impuissance. Pour vous qui êtes EN première ligne, quels sont les différents sentiments qui vous ont habités ?

 

Hamouly : La révolte tout d'abord. Bien souvent suivi d'une profonde tristesse. J'ai pleuré plus d'une fois face à certains témoignages. C'est une expérience profondément bouleversante. Ensuite j'ai ressenti de la colère. C'est cette colère que j'ai décidé de transformer en énergie positive pour dénoncer afin de prévenir ceux et celles qui ne sont pas encore tombés dans le piège puisqu'on ne peut faire que ça : dénoncer pour surmonter notre sentiment d'impuissance.

 

Vous avez également eu à faire face à des menaces après la publication du premier thread mais cela ne vous a pas arrêté. Qu’est ce qui pourrait arrêté Hamouly ?

 

Hamouly : Rien à part ma volonté propre. Je ne suis pas le genre de personne qui cède facilement à la pression. Ce n'est que ma conviction personnelle du devoir accompli qui me poussera à arrêter de parler.

 

Le dernier thread sur les « double SIM » est tout autant révoltant. On en ressort toujours en se disant comment est ce possible ?

 

Hamouly : À chaque histoire, même si on a une vague idée de comment ce genre de chose se passent et qu'on entend certaines anecdotes, quand on lis les différents témoignages des victimes et des différents acteurs, on ne peut pas s'empêcher d'être prise de court et de constater combien ce monde est sombre et les pratiques plus grave que ce à quoi on pensent. Et oui, encore et toujours on se demande : comment est-ce possible ?

 

Souvent vous dites que vous avez recours à la fiction pour protéger vos sources. Quelle est la part de fiction ?

Hamouly : La part de fiction c'est les prénoms, certains détails et certains lieux pour éviter de griller mes sources. Mais il y a un témoignage sur le dernier Thread (celui de Joël et Percy) qui était en fait trois histoire différentes vécut par trois personne différentes mais avec des similitudes. J'ai combinés les éléments pour créer Joël comme personnages unique et en sortir une seule histoire mais qui reflète les méthodes du dénommé "Percy" qui a eu affaire aux trois victimes. La fiction est infime et c'est plus par besoin d'anonymat et pour affiner le narratif.

 

Pourquoi avoir choisi le format « thread » ?

Hamouly : C'est un format que j'utilise depuis mes débuts sur Twitter. Je pense que lire une longue histoire divisée en petits tweets auxquels on peut réagir par ses commentaires et likes est plus captivant que lire une longue tribune en une traite.

Vous n'avez qu'à voir comment les Threads se sont propagés. C'est les réactions des lecteurs en temps réel qui en attire d'autres. En plus le partage est beaucoup plus facile.

 

Quelle sera la suite ? Une fois les quatre grandes thématiques annoncées épuisées ?

Hamouly : Quand  j'ai commencée avec les Threads, je n'avais pas un agenda préétabli.

Mais quand j'ai vu que la plupart des filles qui se lançaient dans ce monde c'était surtout par manque de repère mais aussi à cause de la prise des mauvaises personnes comme exemples, j'ai décidé pour le mois de Mars de faire une série de mini Threads sur des femmes inspirante issu de tout les horizons, ayant réussi malgré les différents pièges et embûches. Je pense qu'il faut montrer à nos filles qu'on peut réussir avec autre chose que son entrejambe.

 

Hamouly, le nouveau chérif de twitter ?

Hamouly : Rire. Je n'ai pas cette prétention. Disons plutôt Hamouly, la femme qui tweet sur des faits sociaux dérangeant afin de libérer la parole.

 

La question que tout le monde se pose, Hamouly c’est il/elle ou iel ?

Hamouly : Hamouly définitivement ELLE!

Je pense que si j'étais un compte qui prétendait être un homme, personne ne se serait posé la question si Hamouly est il ou elle surtout qu'aucun de ceux qui ont fait naître cette théorie l'ont appuyée par des faits indiscutable et inattaquable!

 

C'est le reflet de notre société : on interdit à la femme d'être brillante et intelligente ou d'avoir de l'influence.

 

Dès que c'est le cas, on cherchera à la dévaloriser ou à la diminuer par tout les moyens pour amoindrir sa crédibilité (accusations de prostitution, de piston, remise en question de sa vie matrimoniale et de la gestion de son foyer, sa maternité etc) . Je pense que c'est la raison des multiples théorie du Hamouly est un " il" : attaquer la crédibilité.

 

Pour finir, est ce que dans un futur proche vous comptez dévoiler votre identité ?

 

Hamouly : la réponse est clairement non! D'abord mon anonymat me va très bien.

Il empêche les interférences entre mon message et ma personne. Puisque certains s'intéressent plus aux messagers qu'au message. Ensuite au vue des multiples menaces et pressions très grandissante dont je suis l'objet CHAQUE JOUR, je crains qu'en dévoilant mon identité, ma famille qui n'a rien demandée puisse en souffrir d'une manière ou d'une autre. Si des personnes dérangées par mes Threads et mes opinions sont prêtes à s'en prendre à des gens simplement parce qu'ils ont des échanges cordiaux avec moi sur les réseaux sociaux, imaginez si on sait exactement qui je suis?

Je ne suis pas assez protégée pour lever le voile. Peut être quand je deviendrais présidente je le ferais, qui sais?

 

Propos recueillis par Kudjirakwinja Nabintu