L'UE et l'Union africaine ont jeté les bases d'un "partenariat rénové" lors d'un sommet à Bruxelles, avec une aide pour produire des vaccins anti-Covid en Afrique et une stratégie d'investissements de 150 milliards d'euros pour contrer les influences russe et chinoise.
Le président de l'Union africaine (UA), le Sénégalais Macky Sall, a appelé à "'installer un nouveau logiciel adapté aux mutations en cours", à l'unisson des dirigeants des deux continents réunis depuis jeudi pour "réinventer" leur relation lors de ce 6e sommet UE-Afrique.
Les Vingt-Sept ont officiellement lancé leur "stratégie globale d'investissements" d'au moins 150 milliards d'euros sur sept ans pour "aider des projets voulus et portés par les Africains", avec priorité aux infrastructures de transport, réseaux numériques et énergie, selon la déclaration finale de la rencontre.
"Cette enveloppe, si elle est effectivement mobilisée, constitue une avancée considérable et un pont entre nos continents", a salué Macky Sall.
Un "mécanisme de suivi" est prévu tous les six mois pour s'assurer que les projets "débouchent sur des résultats tangibles", a précisé le président du Conseil européen, Charles Michel.
Alors que l'Afrique, riche en matières premières, attire des investissements et prêts colossaux de la Chine, quitte à endetter les pays bénéficiaires, "l'UE veut être le partenaire de référence pour le financement des infrastructures, et le faire de manière exemplaire en termes de climat, de qualité, de soutenabilité", a assuré le président français Emmanuel Macron.
Plusieurs grands projets sont identifiés. Mais si l'Afrique, dont la moitié de la population reste privée d'électricité, veut continuer de recourir aux énergies fossiles, les Européens privilégient les investissements "verts".
"Un partenariat renforcé, cela signifie joindre nos forces pour combattre le changement climatique", a insisté la présidente de la Commission européenne, Ursula von der Leyen, appelant à muscler hydroélectrique, solaire et hydrogène vert.
-Différend sur les brevets-Les Européens, qui promettent d'avoir fourni d'ici l'été aux Africains un total cumulé d'au moins 450 millions de doses de vaccins anti-Covid, vont également aider des pays africains à produire des vaccins à ARN messager, un programme dévoilé vendredi par l'Organisation mondiale de la santé.
L'UE mobilisera également 425 millions d'euros pour accélérer les campagnes de vaccination, en soutenant la distribution des doses et la formation d'équipes médicales. Seuls 11% des Africains sont vaccinés contre le Covid-19.
En revanche, préconisant un transfert encadré des technologies, les Européens ont rappelé leur opposition à une levée des brevets des vaccins, âprement réclamée par leurs homologue africains, en particulier le président sud-africain Cyril Ramaphosa.
Un rendez-vous a néanmoins été fixé "au printemps" à Bruxelles pour discuter de ce différend, laissant espérer à Macky Sall "un compromis dynamique".
- Redistribution - Appelant à des "contributions volontaires et ambitieuses", les Européens ont également ouvert la voie à une redistribution accrue aux Africains des "Droits de tirage spéciaux" destinés aux pays riches --des titres que le Fonds monétaire international (FMI) alloue aux Etats, qui peuvent les convertir en devises et les dépenser sans s'endetter.
Jusqu'ici, les Européens ont collectivement redistribué à l'Afrique 13 milliards de dollars de leurs DTS, sur les 55 milliards réalloués par les pays riches au niveau mondial en faveur du continent -- très en-deçà de l'objectif des 100 milliards réclamés par l'UA pour amortir l'impact de la pandémie. Un résultat jugé très insuffisant par plusieurs dirigeants africains et des ONG.
Face à l'instabilité du continent, alimentée par des coups d'Etat et le terrorisme, et après l'annonce par Paris de son retrait du Mali, l'UE s'est aussi engagée à aider les opérations de paix menées par les forces africaines, en les formant et en renforçant leurs équipements.
Les Européens s'alarment des agissements dans plusieurs pays africains des mercenaires du groupe privé russe Wagner.
L'UE et l'UA s'engagent par ailleurs à "empêcher l'immigration irrégulière" et à "réaliser des progrès effectifs" sur le retour et la réintégration dans leur pays d'origine des migrants en situation irrégulière dans l'UE.
Enfin, alors que les Européens sont régulièrement critiqués pour leur soutien à des régimes africains jugés autoritaires, la déclaration finale rappelle l'attachement de l'UE et de l'UA au "respect des principes démocratiques, de la bonne gouvernance, de l'Etat de droit" et à la protection des droits humains.
Suspendus par l'UA après des coups d'Etat, le Mali, le Burkina Faso, la Guinée et le Soudan n'étaient pas représentés à Bruxelles.
AFP avec ACTUALITE.CD