Bientôt l'épilogue de l'enquête française sur l'attentat qui a déclenché le génocide de 1994 au Rwanda ? La Cour de cassation se prononce mardi sur la validité du non-lieu ordonné en 2018 par les juges d'instruction dans ce dossier qui a empoisonné les relations franco-rwandaises pendant plus de vingt ans.
La plus haute juridiction de l'ordre judiciaire français a examiné le 18 janvier un pourvoi déposé par les familles de victimes de l'attentat, après la confirmation de l'abandon des poursuites dans ce dossier par la cour d'appel de Paris en 2020.
Mardi, la Cour de cassation dira si elle rejette ce pourvoi, ce qui mettrait un point final à cette enquête, ou si certains points de droit nécessitent un renvoi du dossier à la chambre de l'instruction.
Une telle décision pourrait relancer les investigations sur cet événement, point de départ du génocide qui fit plus de 800.000 morts selon l'ONU, principalement dans la minorité tutsi.
Elle pèserait aussi sur les relations entre Paris et Kigali, qui ont récemment connu un apaisement après qu'Emmanuel Macron a reconnu les "responsabilités" de la France dans cette tragédie.
L'enquête a constitué une véritable épine dans le pied des relations franco-rwandaises pendant plus de vingt ans, plusieurs personnes de l'entourage de l'actuel président rwandais Paul Kagame ayant été mises en examen au cours de l'instruction.
Le 6 avril 1994, l'avion transportant le président rwandais de l'époque Juvénal Habyarimana, un Hutu, et le président burundais Cyprien Ntaryamira avait été abattu en phase d'atterrissage vers Kigali par au moins un missile.
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Les enquêteurs français, saisis en 1998 après la plainte des familles de l'équipage, de nationalité française, ont longtemps privilégié la responsabilité des rebelles tutsi menés par Paul Kagame. Puis ils se sont orientés un temps - sans davantage aboutir - vers l'implication d'extrémistes hutu, soucieux de se débarrasser d'un président trop modéré à leurs yeux.
- "Climat délétère" -
Le 21 décembre 2018, les juges d'instruction avaient finalement décidé d'abandonner les poursuites contre neuf membres ou anciens membres de l'entourage de Paul Kagame.
"En l'absence d'éléments matériels indiscutables", l'accusation reposait sur des témoignages "largement contradictoires ou non vérifiables", avaient-ils estimé.
Les magistrats avaient souligné par ailleurs le "climat délétère" de l'enquête, émaillée d'assassinats, de disparitions de témoins et de manipulations, et ordonné un non-lieu.
Cette décision a été confirmée en juillet 2020 par la chambre de l'instruction de la cour d'appel de Paris.
Dans son arrêt, dont l'AFP a eu connaissance, la cour avait jugé qu'"au terme de l'ensemble des investigations menées", il n'existait "pas à l'encontre de quiconque des charges suffisantes d'avoir commis les faits (...) sous quelques qualifications que ce soit".
Devant la Cour de cassation, les parties civiles ont notamment fait valoir que la chambre de l'instruction n'avait pas fait de distinction entre les personnes mises en examen, ni précisé les raisons pour lesquelles il n'existait pas de charges suffisantes à l'encontre de chacune d'entre elles, selon une source proche du dossier.
L'avocat général a préconisé de rejeter le pourvoi.
"J'attends que la Cour de cassation ne range pas ce dossier aux oubliettes de l'Histoire", a déclaré Me Philippe Meilhac, avocat d'Agathe Habyarimana, la veuve de l'ancien président rwandais, en confiant avoir "encore de l'espoir".
"C'est quand même un dossier qui a une importance cruciale pour les parties civiles et l'histoire du Rwanda et on a l'impression qu'il est sacrifié sur l'autel des relations diplomatiques", a-t-il observé. "Il serait assez inconcevable qu'il n'y ait pas de procès après tant d'années de procédures".
AFP avec ACTUALITE.CD