Présidence de la CEEAC : la RDC doit apurer ses arriérés de 7 Millions USD

Félix Tshisekedi, président en exercice de l'Union Africaine
Félix Tshisekedi, président en exercice de l'Union Africaine

Le vingtième sommet ordinaire des chefs d’Etat et de Gouvernement des pays de la CEEAC (Communauté économique des Etats de l’Afrique centrale) est prévu le mercredi 19 janvier 2022 à Brazzaville. La République Démocratique du Congo, à travers son Président, prendra, à cette occasion, la tête de cette communauté économique régionale pour une durée d’une année. A cet effet, le Ministre RD congolais de l’Intégration régionale a, dans un courrier daté du 13 janvier 2022, saisi son collègue en charge des Finances pour plaider en faveur du paiement des arriérés à hauteur de 6.901.165 USD. Ce, « pour l’image du pays et l’honneur du Président entrant (Félix Tshisekedi Tshilombo) », peut-on lire dans cette correspondance.

Quelques observations.

De un. La RDC s’emploie, depuis 2019, à s’assurer une plus forte visibilité au sein des instances sous-régionale, régionale et internationale. Elle passera le relais au Sénégal à la tête de l’Union africaine dont elle a pris les rênes début février 2021. En outre, Kinshasa devrait, cette année, assurer la direction de trois structures de coopération, à savoir : la CEEAC, la SADC et le Mécanisme régional de suivi de l’Accord-cadre d’Addis-Abeba. Ainsi se réaliserait un vœu du Président de la République émis le 24 janvier 2019 dans son discours d’investiture : « Je souhaite impulser une meilleure présence de notre pays dans les instances internationales, à la hauteur de notre vocation naturelle. » Ce, quand bien même, en 2021, le pays n’aurait pas réussi à mobiliser la majorité de pays de l’Union africaine, qu’elle dirige pourtant, en faveur de sa candidature pour occuper un siège de membre non-permanent du Conseil de sécurité des Nations Unies en 2022 et 2023.

De deux. Il y a un questionnement sur la rationalité de la multi-appartenance de la RDC aux organisations intergouvernementales au niveau sous-régional (le pays est à la CEEAC, à la SADC, à la CIRGL, au COMESA, au MRS) et sur leur rentabilité pour l’Etat congolais. En outre, Kinshasa est en plein processus d’adhésion à la Communauté des États d’Afrique de l’Est –CEA-. Il se pose, entre autres, un problème de cohérence des politiques de ces structures et de la capacité de la RDC d’en supporter les charges. Sous peine d’y faire le figurant. Dans ce contexte, une chose est d’être à la tête de l’une de ces organisations de coopération ; une autre est d’y être efficace et de finir son mandat la tête haute.

De trois. La première priorité pour la RDC, tel qu’il ressort du discours d’investiture du Chef de l’Etat, consiste en « La pacification de tout le territoire national en accélérant la lutte contre l’éradication des groupes armés qui sévissent et sèment la désolation auprès de nos populations ». A ce propos, la CEEAC, en état de grabataire horizontal, n’offre aucun gain à la RDC. Elle est absente de dynamiques de résolution de la crise sécuritaire dans l’Est du pays, vieille de plus de vingt-cinq ans. Cette organisation intergouvernementale est face à un impératif de redynamisation qui astreint aux pays membres de s’acquitter, en temps voulu, de leurs obligations financières. Pour faire montre d’exemplarité et éviter l’opprobre, Kinshasa devrait opérer un choix rationnel entre renoncer à la présidence de cette communauté économique régionale peu rentable (c’est un euphémisme) et soigner son image à quelques jours de sa prise de fonction au sommet de cette organisation non prestigieuse. Sans ignorer les priorités de politique intérieure.

De quatre. Eu égard à la réalité concrète du pays (état de siège dans les provinces de l’Ituri et du Nord-Kivu, CENI sans ressources pour organiser les élections, grogne sociale, etc.), sept millions de dollars américains ne relèvent pas de la banalité. En effet, il est de plus en plus évident qu’aux plans financier et logistique, le soutien de l’Etat à l’état de siège est insuffisant et irrégulier. Il est urgent, pour le pouvoir exécutif, d’assurer le renforcement de la dotation financière et logistique de l’état de siège dont les effets, huit mois après sa proclamation, restent limités. En sus, il y a lieu pour le Gouvernement d’assurer le financement des volets « désarmement et démobilisation » du PDDRC-S (Programme de désarmement, démobilisation, relèvement communautaire et stabilisation) dont l’opérationnalisation est déterminante pour éradiquer l’insécurité dans l’Est du pays. Passons sous silence les mouvements de grèves ci et là dans le secteur public.

Somme toute, la logique d’efficacité (ou d’efficience) à la tête des organisations intergouvernementales devrait suggérer à la RDC de ne pas focaliser son objectif de politique extérieure d’abord sur la prise de la direction de ces dernières pour le besoin de sa visibilité internationale. Mais plutôt, préalablement, de repenser sa diplomatie et de créer les conditions d’un meilleur exercice de son influence au sein des instances sous-régionale, régionale et internationale. En vue d’une visibilité nettement positive du pays. Le contraire étant à éviter.

A 23 mois des échéances électorales, « Qui trop embrasse mal étreint ».

Prof. Dr. Martin ZIAKWAU

Internationaliste