Parmi les lauréates de la 12 ème édition du programme régional Afrique subsaharienne L'Oréal-UNESCO For Women in Science Young Talent, figure une doctorante congolaise. Sephora Mianda Mutombo à été primée aux côtés de 14 autres doctorantes et 5 post-doctorantes. Dans une interview accordée au Desk Femme d'Actualité.cd, elle revient sur son parcours et ses recherches.
Bonjour Madame Sephora Mianda, de nous accorder cet entretien. Que représente ce prix pour vous ?
Sephora Mianda : ce prix est un grand soutient pour mes travaux de recherche. Je suis très contente de le recevoir car ceci me permettra d'aller plus loin avec mes recherches doctorales. Et aussi à financer mes déplacements pour présenter les résultats de mon travail à des conférences internationales.
Pouvez-vous revenir sur le processus de votre désignation ?
Sephora Mianda : on remplit un formulaire en ligne sur le site de l'Oréal qui doit être soumis avec les éléments tels qu’un CV détaillé, les copies des diplômes, un résumé des travaux de recherche, une description détaillée des travaux de recherche, une suggestion de budget, les lettres de recommandations dont l'une venant de votre directeur de thèse et la deuxième du mentor dans les recherches académiques (deux minimum). Après sélection, l'Oréal contacte individuellement les candidates retenues. J'ai suivi la procédure telle que décrite ci-haut en remplissant le formulaire et attachant tous les documents requis au mois de mars. Vers la fin du mois de juillet, j'ai reçu un appel de l'Oréal m'informant que j'étais sélectionnée.
Selon vous, quels sont les critères qui vous ont permis d'être parmi les primées ?
Sephora Mianda : la pertinence du projet de recherche et le parcours académique. Je contribue à l'établissement d'une base des données des substances naturelles gardée dans un format standardisé et prête à être utilisée dans des tests haut débit pour l'évaluation d'activité biologique. Ceci représente une grande contribution pour l'Afrique étant donné que le continent regorge d'un grand nombre des plantes médicinales pouvant servir dans la recherche et découverte des médicaments utilisables dans la médecine moderne. En plus, je recherche dans les plantes, des molécules qui ont une activité contre le Plasmodium falciparum (qui est le parasite qui cause la malaria sévère et celui qu'on retrouve le plus en Afrique), ces dernières seront utilisées dans le développement des nouveaux médicaments contre la malaria.
Pouvez-vous nous parler de votre parcours ?
Sephora Mianda : J'ai fait mes études primaires au Lycée Tuya Kumpala de 1996 à 2001(Kasaï Oriental). De 2001 à 2007, j'ai poursuivi mes études secondaires et humanitaires à l'école ESGTK/MIBA. En 2e secondaire, j'avais passé un concours de bourse de la MIBA que j'avais réussi. Et j'étais dès lors boursière de la société MIBA. De 2007 à 2014, j'ai fait mes études universitaires à la Faculté des Sciences Pharmaceutiques à l'Université de Kinshasa et j'ai fini en 2014 (pour l'année académique 2012-2013) avec mention distinction. En 3eme graduat j'avais postulé et j'étais retenu à la bourse d'excellence Bringmann aux Universités Congolaises (BEBUC). J'étais alors boursière BEBUC depuis 2010 jusqu'à l'obtention de ma licence. En 2015, j'ai postulé et gagné la bourse BEBUC pour la maitrise. Cela m'a permis de suivre un stage de 6 mois dans le laboratoire de chimie organique de l'Université de Würzburg en Allemagne sous la supervision du Professeur Bringmann et j'ai travaillé dans la synthèse chimique des molécules de la classe des alcaloïdes de type Napthylisoquinoleine. En 2017, Je me suis inscrite au département de Chimie de l'Université de Pretoria pour des études de master. Et mes recherches de master portaient sur l'isolement des molécules, de la classe de Napthylisoquinoleine, à partir d'une plante congolaise récoltée près de Mbandaka dans l'Equateur (Bonsolerive), et ayant une activité antipaludéenne. J'ai fini mon master en 2019 avec mention distinction, ce qui a permis mon adhésion au group Golden Key International Honour Society. J'ai commencé mes études de doctorat en 2020 dans le laboratoire Bio Discovery, au département de Chimie, à l'Université de Pretoria.
Quels sont vos projets futurs ?
Sephora Mianda : j'aimerai continuer dans la recherche des molécules médicamenteuses car cela me fascine beaucoup et aussi dans l'enseignement pour transmettre ce que j'ai reçu. Je veux aussi arriver à établir une banque des données congolaises des substances naturelles sous un format moderne et standardisé et pouvant être utilisée dans des tests haut débit d'évaluation d'activité biologique pour la découverte des médicaments afin de valoriser nos plantes médicinales.
Selon vous, existe-t-il encore des barrières qui empêchent aux jeunes congolaises d'évoluer dans le secteur de STEM ? Comment les vaincre ?
Sephora Mianda : selon moi, le stigmate qui existait et empêchait les femmes congolaises à se lancer dans le STEM est en train de disparaitre. Il ne reste que plus qu'à travailler davantage sur la vulgarisation et l'accompagnement de la jeune congolaise pour rétablir l'équilibre. Les femmes ont prouvé leurs capacités scientifiques. Il s’agit maintenant de lutter contre les stéréotypes culturels et les inégalités dans les milieux professionnels afin d’encourager davantage de femmes à poursuivre des carrières scientifiques.
Avez-vous des sources d'inspiration dans ce domaine ?
Sephora Mianda : oui, j'ai beaucoup de source d'inspiration. D'abord, c'était mon enseignante de biologie à l'école secondaire, Madame Nelly Ngoya. J'étais impressionnée de voir une femme qui a fait la Biologie comme étude supérieure, ça me dépassait et à Mbujimayi, j'avoue que c'était hors du commun. Je l'aimais beaucoup pour ça. A l'Université, j'étais inspiré par le Professeur Sylvie Bambi qui m'avait encouragée à faire les Sciences Pharmaceutiques. Durant mon parcours universitaire, j'étais inspiré par les Professeures Nadège Ngombe, Karine Ndjoko, Vivi Maketa.
Un message à vos mentors ?
Sephora Mianda : je suis très reconnaissante envers tous mes mentors pour leur soutien et accompagnement. Je cite Professeur Kalenda T. Dibungi, Professeur Gerhard Bringmann, Professeur Karine Ndjoko, Professeur Vinesh Maharaj, sans oublier mon père Emmanuel Mutombo Kabemba, ainsi que mes amis Ir. Civ. Célestin Mpuka Tshimpaka et Professeur Christian Nkanga Isalomboto.
Par ailleurs, au-delà du soutien financier (10 000 euros pour les doctorantes et 15 000 euros pour les post-doctorantes), les lauréates bénéficient également d'un programme de formation au leadership, qui complète leur parcours académique et leur permet d'être mieux armées pour mener leur carrière et briser plus facilement le plafond de verre.
La cérémonie de remise des prix a été organisée le 25 novembre à Kigali (Rwanda) en présence d'un public venu de tout le continent africain : représentants des pouvoirs publics, de l'UNESCO, scientifiques, femmes d'influence, universitaires, intellectuels, leaders d'opinion et organisations promouvant l'égalité des sexes.
Prisca Lokale