RDC : «nous devons avoir beaucoup de femmes dans les STEM,» Yvette Kalimumbalo

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Des facultés techniques, au corps académique, en passant par les laboratoires, le secteur des STEM (acronyme de science, technology, engineering, and mathematics) est peu fréquenté par les femmes en RDC. Comment y remédier ? Yvette Kalimumbalo ingénieur civil en génie informatique et Ingénieur logiciel en Bora technologie basée à Goma tente d’y répondre.


Bonjour Madame Yvette Kalimumbalo et merci de nous accorder de votre temps. Parlez-nous de votre parcours, qu’est-ce qui vous a motivé à intégrer ce secteur ?


Yvette Kalimumbalo : j’ai commencé mon parcours scolaire  à 5 ans. En 2009 j’ai commencé l’école secondaire au Lycée Amani. J’ai choisi l’option Biologie-chimie parce que mes ambitions étaient de devenir médecin spécialiste en dermatologie, par intérêt personnel. J’étais née avec certains problèmes dermatologiques et je voulais me soigner par moi-même.  Mes ambitions ont changé avec l’avènement du réseau social Facebook. J’avais de nombreuses questions en tête. Pour nourrir ma curiosité, je me suis inscrite à l’ULPGL/Goma qui forme des ingénieurs en informatique, je voulais apprendre les télécommunications et la programmation (pour créer des applications qui ressemblent à Facebook). Il fallait se distinguer dans un auditoire de plus de 500 étudiants. Je l’ai fait une fois. En G2, j'ai été séparée de la plupart de mes amies du Lycée.

En Première année Tech, je me suis retrouvée la seule fille de ma classe autour des hommes. Par la suite, j’ai été bénéficiaire du système de BEBUC qui a pour devise: l’excellence. Je devais  tout faire pour rester excellente à tous les niveaux. Avec toute ma passion pour les technologies, ma motivation à bien faire les choses, j’ai pu avoir mon diplôme d’ingénieure civil. Avant la fin de ma dernière année académique, j'ai vu une offre concernant Bora Technologies, j’ai envoyé mon CV, j’ai été retenue. Aujourd’hui je dirige l’équipe des ingénieurs logiciels.


Pouvez-vous nous parler des projets sur lesquels vous avez travaillé par le passé et ceux sur lesquels vous  travaillez actuellement ?


Yvette Kalimumbalo : par le passé, j’ai eu à travailler sur beaucoup de projets, certains personnels, d’autres de l’entreprise. J’ai travaillé, sous la direction du Prof. Baraka Olivier, doyen de la Faculté des Sciences et Technologies Appliquées de l’ULPGL/Goma. J'ai travaillé sur un système de suivi de l’évolution des travaux de fin d’étude appelé SGT (un système qui répond à beaucoup de problèmes auxquels l’ULPGL était confronté).

Chez Bora Technologies, nous proposons des solutions technologiques aux problèmes constatés dans la société. Actuellement je travaille sur la partie logicielle d’un compteur d’énergie électrique intelligent, je me suis occupé de la conception, du développement et de l’implémentation avec mon équipe. Le logiciel connecté au compteur permet au client de surveiller sa consommation électrique de n’importe où via son application sur son téléphone et ainsi optimiser sa consommation. Au niveau de la société de distribution, le logiciel permet de gérer les clients et les compteurs, contrôler la consommation et facturer selon cette consommation.


A ce jour, quel a été le plus grand défi de votre parcours ?


Yvette Kalimumbalo : le plus grand défi de mon parcours concerne l’accès à l’électricité. Sans une bonne connexion internet et une électricité permanente, c’est difficile de travailler sur des projets en informatique. La situation s’est  un peu stabilisée actuellement, mais le début était vraiment difficile.


Vous avez proposé des masques en faveur des personnels de santé au cours de l’année 2020 sous la Covid-19, avec certains étudiants de la faculté des sciences et technologies appliquées à l'ULPG de Goma. Combien de pièces avez-vous pu mettre à la disposition du public ? Avez-vous continué avec la production des masques ?


Yvette Kalimumbalo : oui, avec le Prof. Baraka Olivier et certains étudiants, en collaboration avec la structure Covid19rdc du Prof. Jonathan Esole, nous avons voulu répondre à un des besoins de protection du personnel soignant en proposant des masques anti projection. Nous avons produit plus de 3000 masques à Goma, que nous avons distribué gratuitement dans les hôpitaux et  les universités de la ville, malheureusement nous n’avons pas pu continuer faute de moyens.


Vous aviez aussi été sélectionnée au cours de la même année, parmi les 20 lauréates de la Bourse « Femmes en Sciences en RDC », offerte par Investing in People ASBL et Sultani Makutano. Pouvez-vous revenir sur cette expérience ?


Yvette Kalimumbalo : la bourse Femme en sciences en collaboration avec le système de bourse BEBUC visait la promotion des femmes de mon domaine. J’ai postulé dans l'une de ses rubriques appelée 'Évènement'. Nous devrions recevoir un financement pour participer à une conférence intitulée « Open Data Science Conférence » qui devait avoir lieu en Inde mais qui a malheureusement été annulée suite à la pandémie de la covid-19. 


Selon vous, quelle place la femme et la jeune fille occupent-elles dans le domaine des STEM en RDC ? Y a-t-il des choses à améliorer dans cette représentation ?


Yvette Kalimumbalo : dans les STEM, la femme est vraiment sous représentée. De part mon expérience, à la fin de mes études, j'étais la seule fille sur un effectif de 10. Je génie civil, il y avait moins de femmes que d’hommes. Les initiatives de promotion de la jeune femme sont à encourager. Nous devons avoir beaucoup de femmes dans les STEM, les femmes doivent avoir des modèles à suivre pour les motiver à choisir ce domaine. Les femmes sont fortes et doivent s’impliquer pour contribuer au développement de notre monde avec les STEM.


Dans les écoles et universités congolaises, les jeunes filles sont peu nombreuses à opter pour les facultés de Sciences. Qu’est ce qui occasionne cela ? Que faire pour les inciter à le faire ? 


Yvette Kalimumbalo : je crois que c’est dû au fait que certaines personnes estiment que ces facultés sont difficiles et que seulement les hommes peuvent faire des choses difficiles. Mais ce n’est pas vrai ! Moi je peux dire à ces femmes qui ont peur d’affronter les STEM que ce qui compte c’est la passion, une fois qu'on fait ce qu’on aime, on peut faire de grandes choses. Ce qui est à faire c’est de toujours les encourager, leur montrer des modèles qui ont affronté l'adversité dans ce domaine. 


Quels sont à ce jour, les défis à relever pour faire briller le secteur des STEM en RDC et que faudra-t-il faire pour pouvoir les relever ?


Yvette Kalimumbalo : en plus des défis de la représentativité à relever, donner un espace de travail convivial avec accès à l’internet et à l’électricité que ça soit dans les universités ou les compagnies.


Le mot de la fin ?


Yvette Kalimumbalo : j’encourage la jeune fille à poursuivre avec les STEM, de ne pas se fier aux stéréotypes disant qu’elle est faible. Elle doit savoir qu’elle est forte. Je dis merci à ces femmes, dans les STEM, qui me servent de modèle : Prof. Karine Ndjoko, directrice de BEBUC et Prof. de chimie à l’Université de Lubumbashi, Mme Raïssa Malu, initiatrice de Investing in People, Prof. Sandrine Mubenga, directrice de l’agence de régulation du secteur électrique en RDC.

Propos recueillis par Prisca Lokale