RDC : « il faudrait encourager les jeunes à intégrer le secteur agricole », Picasso Makofi

Photo/ Droits tiers
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Olongua Sarl une unité spécialisée dans la production et la transformation du manioc a été mise en place il y a cinq ans par Picasso Makofi. Autrefois participante à la 5ème édition du forum d’entreprenariat de la Fondation Tony Elumelu, membre de la Coordination de Ypard, l’un des gagnants du prix Pierre Castel, l’agro-entreprenneure a accordé un entretien au Desk Femme d'Actualité.cd

« Nous proposons une variété de produits. Le gari simple et le prestigieux gari (le second est préparé avec un mélange de sucre, de lait et d’autres ingrédients, c’est notre marque améliorée de la recette). Nous proposons également de l’amidon (extrait à partir de la sève de manioc) aux vendeuses des différents marchés de Kinshasa. Nous transformons également les déchets de manioc en biogaz destinés aux réchauds à gaz. C’est un prototype de notre grand projet qui consiste à substituer les braises par le biogaz afin de lutter contre la déforestation. Nous produisons en même temps du pondu pilé épicé, prêt à cuire,» explique-t-elle.  

   Agroéconomiste de formation, Picasso Makofi a lancé cette usine en 2016. Née dans le territoire de Bulungu (dans la province du Kwilu), elle a essentiellement tiré sa motivation des activités champêtres de sa famille et de sa communauté. 

« Je voyais comment mes parents et toute la communauté étaient mobilisés dans l’agriculture, parce qu’il s’agit de l’activité principale et seul moyen de subsistance de nombreuses familles », se rappelle-t-elle. 

Son plus grand rêve à ce moment-là est de transformer l’agriculture en un pilier de développement pour sa communauté. Elle va entamer des études en Sciences Agronomiques à l’Université de Kikwit et obtient un diplôme de graduat en 2010. Entre 2012 et 2014, elle est à cheval entre Kikwit et Kinshasa et va finalement obtenir un diplôme de licence dans la même filière à l’université de Kinshasa. Une formation sur l’agro business avec l’Institut international d’agriculture tropicale (IITA) lui permet de se lancer en 2016. 

« Les travaux pratiques me permettaient d’entrer en contact avec la réalité sur terrain. Cela a suscité en moi ce désir de mettre en place une usine de transformation des produits agricoles. Par la transformation des produits, nous élargissons la chaîne des valeurs, ouvrons les possibilités d’emplois, apportons une valeur ajoutée et bénéficions du gain. J’ai appris l’agro business et je suis parvenue à lancer mon usine.» 

Du temps, des moyens et une main-d’œuvre qualifiée

Alors que cela lui semblait plus facile, Picasso Makofi se retrouve confronté à la réalité. Le simple épluchage du manioc exige beaucoup de temps, des moyens et une main-d’œuvre qualifiée. « Au début, j’ai trouvé que c’était rébarbatif de faire la transformation du manioc», confie-t-elle.   Et d’ajouter, « il faut avoir suffisamment d’outils techniques. L’autre défi énorme consiste à trouver un espace plus étendu pour le travail mais aussi l’accès aux sources de financement. Il faut également avoir une équipe forte, honnête, déterminée.»

 

Que faire pour booster le secteur agricole en RDC ?

« Je pense que de nombreuses personnes en RDC ont une mauvaise conception de l’agriculture. Elles considèrent l’agriculture comme une activité réservée aux personnes âgées, aux paysans, aux pauvres villageois. Et malheureusement, beaucoup de jeunes sont influencés par cette conception », regrette-t-elle.

  Et de poursuivre, « l’agriculture renferme de nombreuses potentialités notamment, la production, la transformation et la commercialisation des produits. Ainsi, pour booster le secteur agricole en RDC, il faudrait commencer par changer cette perception de l’agriculture, encourager les jeunes à intégrer ce secteur. Il faudrait aussi que l’Etat congolais puisse allouer un budget conséquent à l’agriculture. Que l’Etat aide la population à quitter l’agriculture de subsistance pour la transformation et la commercialisation.» 

En cinq ans, Picasso Makofi estime avoir réalisé d’énormes progrès. Son capital s’est multiplié une dizaine de fois. « J’avais commencé avec les chips bananes avec un fonds de 800$. Quelques temps après, j’ai constaté que le marché était inondé par le même produit, j’ai basculé vers le manioc. Je connais une certaine croissance dans ce métier. Je suis passée d’un fonds de 800 $ à plus de 10 fois ce montant. J’ai actuellement une équipe de 7 personnes », a-t-elle fait savoir. 

Parmi les qualités d’un entrepreneur, elle cite « la détermination, le souci d'apprendre, de s’améliorer et de savoir se relever après chaque chute ».  Le réseautage de YPARD et d’autres incubateurs lui ont permis de savoir choisir une équipe et communiquer sa vision. 

Dans les prochaines années, Picasso Makofi voudrait faire de l'usine Olongua Sarl , une entreprise multinationale d’ici à 2030. Elle s’efforce de gagner de plus en plus de marchés, impose sa marque dans la ville de Kinshasa, dans quelques provinces et dans la capitale brazzavilloise. Dans trois ans, elle compte se lancer dans l’exportation de ses produits dans les pays africains.

Prisca Lokale