RDC : Guy Mafuta interpelle sur la situation des jeunes femmes dans les provinces

le député national Guy Mafuta avec une jeune fille kasaienne agée de 15 ans

Dans un tweet récent, le député national Guy Mafuta a posté l'image d'une jeune fille kasaienne, enfant sur le dos, casserole et bassin sur la tête, visage désespéré, à la conquête des vivres pour sa famille. Le message a suscité une centaine de réactions sur la toile. Dans une interview accordée au Desk Femme de Actualite.CD, il revient sur les raisons de sa publication. 

Bonjour Monsieur Guy Mafuta.  Vous avez posté un Tweet il y a environ une semaine, je cite " #Congo #silencieux 15ans, mère de 2 enfants, c’est la période des chenilles au Kasaï. Son dernier au dos, elle va en forêt chercher les chenilles, elle y passera une semaine au moins pour rapporter un colis qui coûterait 60.000FC".  Pouvez-vous nous dire quel était le but de ce tweet ?

Guy Mafuta : le but était d’interpeller nos décideurs à Kinshasa. Je l’ai toujours dit, j’ai postulé pour être député pour que les décisions de Kinshasa concernent aussi le Congolais qui vit dans le Congo profond. Quand nous passons du temps dans les débats politiques, il est important que l’on ne perde pas de vue qu’il y a des Congolais qui souffrent énormément. J’ai pris l’image de cette jeune fille pour montrer tout d’abord qu’elle est mineure, elle n’a pas accès à l’éducation.  Par éducation, j’entends la formation scolaire. Cela veut dire que certaines mesures de sécurité qui protègent les jeunes femmes en générale, elle n’en est pas bénéficiaire. Troisièmement elle marche à pied, je vois l’effort humain, elle va y passer pratiquement dix jours pour 60.000 FC avec tout ce que cela comporte comme risques et dangers. Elle est également exposée à diverses maladies. C’est quand même une femme, et une femme nécessite beaucoup de soin. Tous ces facteurs entrent en ligne de compte. 


Connaissez-vous l'histoire de cette jeune femme ?

Guy Mafuta : elle a pu faire trois ou quatre années d’études primaires. Elle avait du mal à parler français correctement. Elle parlait un peu de Tshiluba et un peu de Kitshokwe. Et elle m’a fait comprendre que les études normales, elle ne les a pas faites. Ce qui m’a le plus intrigué c’est qu’une telle situation n’émeut personne. Se pose également le problème du taux de pénétration des messages et appuis des ONG qui travaillent autour des questions de planification familiale. Il faut s’interroger pour savoir jusqu’où va leur message, se limitent-ils aux grandes villes sans aller jusque dans le Congo profond. Il y a aussi un problème du côté des politiques, nous les députés. Un député m’a un jour dit « dans nos villages il ne faut pas apporter le discours de planification familiale parce que nous avons besoin d’électeurs ». On peut en rire mais c’est un sérieux problème.

En tant que homme, que pensez-vous de la situation des jeunes filles Kasaîennes ?

Guy Mafuta : J’ai eu accès à certains documents qui démontrent que le taux de viol  est quand même assez élevé au Kasaï plutôt qu'à l'Est du pays. Mais, ils ne considèrent pas cela comme le viol. La situation est quand même assez critique et mérite une attention  soutenue des autorités à divers échelons, tant au niveau national qu’au niveau provincial. Il faut encadrer la jeune fille, la rendre responsable par une éducation appropriée.


L'attention de qui comptiez- vous attirer à travers ce tweet ?
 

Guy Mafuta : Ce tweet était destiné à tout le monde. J’ai sciemment utilisé Twitter pour atteindre les députés, pour dire qu’aujourd’hui nous discutons des différentes réformes : CENI, CACH, FCC... cependant, il y a des vraies questions qui passent sous silence. Des questions sociales qui doivent faire partie du débat pour nous les décideurs politiques afin d'envisager les réformes qui touchent aux vraies questions sociales du Congo. C’est ainsi que j’ai intitulé mon tweet « #Congo_silencieux ». Mais aussi pour attirer l’attention sur des faits qui sont admis dans nos coutumes mais qui ne devraient pas l’être en réalité. 

Selon vous, quels sont les réels besoins des jeunes femmes congolaises en général, et celles du Kasaï en particulier ?

Guy Mafuta : J'ai parlé précédemment de l’éducation qui peut permettre de résoudre beaucoup de problèmes. Il y a aussi le problème de genre dans l’accès à l’égalité. Vous verrez par exemple que là bas ce sont les femmes qui vont ramasser les chenilles pour les vendre ce ne sont pas les hommes. Pour un homme, avoir deux voir trois femmes, c’est un signe de richesse… Il y a aussi un problème de santé qu’il faut résoudre. Mais l’essentiel, c’est l’éducation, faire comprendre que la jeune fille a droit aux mêmes avantages que le jeune garçon et qu’elle peut être autant utile dans la société que le jeune garçon.  Je pense que la situation de la jeune fille au Kasaï est un échantillon mais la réalité est la même partout.

Pensez-vous les traduire en propositions à exposer au cours d'une plénière à l'assemblée nationale ?

Guy Mafuta : Bien-sûr !  Je suis au stade de la collecte des faits, l’effort intellectuel sera de voir l’arsenal juridique qui existe, les lois sur la petite enfance, les lois sur le genre, les lois sur les droits humains et essayer de voir ce dont nous disposons comme élément de droit et voir les lacunes et faiblesses qui existent. S’il y en a, il faudra formuler une proposition de loi pour combler ces lacunes. Il faut formuler des amendements pour renforcer les lois existantes. C’est cet effort que je dois fournir en tant que député. De nombreux ministères sont pour ainsi dire impliqués ; celui du genre, de l’éducation, de la jeunesse,  de la santé ainsi que les affaires sociales. Tous ces ministères sont interpelés. 

La jeune fille est une habitante du territoire de Shambunda, à 180  Kilomètres de Tshikapa, où le député était en vacances parlementaires.

Propos recueillis par Prisca Lokale