Un mois et demi après le début du lancement de l’enrôlement dans la ville de Kinshasa, l’obtention de la carte d’électeur demeure un parcours du combattant pour beaucoup de Congolais désireux d’obtenir ce document devant également servir de pièce d’identité.
Dans la commune de Ngiri-Ngiri, la Commission électorale nationale et indépendante (CENI) a érigé quinze centres d’inscription pour environ 174.841 habitants. Ici, il faut être parmi les premiers venus pour espérer obtenir le précieux sésame.
Il est encore 7 heures, ce dimanche 16 juillet. Malgré le vent frais du matin accentué par la saison sèche qui percute la peau de plein fouet, près d’une centaine de personnes sont déjà présentes devant l’entrée principale d’un établissement scolaire, en plein cœur de la commune, qui sert de centre d’inscription. Tous sont déterminés à obtenir leurs cartes d’électeur à temps pour ensuite, aller vaquer à d’autres occupations de la journée. Ils ont, pour ainsi dire, de bonnes raisons d’arriver aussi tôt. La raison est simple : certains parmi eux sont revenus plus d’une fois. Ils ont manqué les précédentes occasions quelques jours plus tôt, faute d’un important nombre de personnes.
<b>Report des élections… et la peur “d’être arrêté” </b>
Il faut dire que ce n’est pas en premier lieu l’envie d’aller élire les nouveaux dirigeants qui motive à l’enrôlement. Ils sont au courant de la dernière déclaration du président de la CENI Corneille Nangaa quant à l’impossibilité de tenir les élections dans le délai. C’est d’ailleurs un des sujets au coeur des discussions dans l’attente de l’heure d’ouverture du centre d’inscription. S’ils s’empressent de se procurer la carte d’électeur, c’est aussi parce qu’il y a une espèce de psychose qui se répand dans l’opinion comme quoi, <i>« On assimile ceux qui n’ont pas de cartes d’électeur à des prisonniers évadés. On les arrête et on les conduit directement en prison »</i>, raconte avec conviction un homme.
[caption id="attachment_22219" align="alignnone" width="1080"]<img class="wp-image-22219 size-full" src="https://actualite.cd/wp-content/uploads/2017/07/Enro.jpg" alt="" width="1080" height="685" /> Strict contrôle à l'entrée du centre pour se faire enrôler[/caption]
Une heure et demie plus tard, le centre ouvre enfin ses portes. L’entrée est soumise à un contrôle strict. Il faut présenter un jeton, distribué un jour avant, pour franchir la porte. Sur ce jeton est mentionné le numéro qui permet à chacun d’être servi selon l’ordre d’arrivée. Un couac : les personnes ne possédant pas le précieux jeton sont systématiquement renvoyées par les deux agents de la police chargés d’assurer l’ordre du centre.
Une fois à l’intérieur du centre, un autre calvaire commence. L’opération d’enrôlement s’annonce difficile autant pour les potentiels électeurs que pour les agents électoraux. Ces derniers ne sont qu’à cinq dont deux préposés à l’identification (PI) chargés d’établir la fiche d’identification (F01) de chacun des requérants qui se présente; deux opérateurs de saisie (OPS) qui s’occupent de la saisie des données textuelles contenues dans la F01, de la capture et du prélèvement des empreintes; et un président du centre d’inscription (PCI) qui a comme travail de signer la fiche F01, mais aussi de plastifier la nouvelle carte d’électeur pour la remettre au requérant.
Avec un tel nombre réduit d’agents et de kits électoraux, les candidats venus s’enrôler n’ont qu’à prendre leur mal en patience. Certains sont assis sur des bancs placés le long du bâtiment qui abrite les salles de classe. D’autres sont encore bloqués à l’extérieur du centre en train de remplir les conditions pour y accéder. Ceux qui sont déjà à l’intérieur observent avec attention le déroulement des opérations dans une salle en face de l’entrée principale, attendant leurs tours.
<b>« En 2011 l’enrôlement n’était pas pénible comme ça »</b>
Trois heurs après, seule une dizaine de candidats environ ont été enrôlés. Les agents électoraux ont pris soin de prioriser les personnes avancées en âge, les femmes enceintes et d’autres personnes fragiles. Un grand nombre, pour la plupart des jeunes dont l’âge varie entre 17 et 60 ans, croupit encore à l’intérieur comme à l’extérieur du centre d’inscription sous un soleil timide. Certains commencent déjà à exprimer leur impatience. <i>« Les agents de la CENI travaillent avec beaucoup de lenteur »</i>, marmonne Jean Pierre Palanga, père de famille et résident de la cité. Il est dans le groupe de ceux qui se sont présentés assez tôt, espérant obtenir la carte d’électeur avant 12 heures. <i>« Mais voilà depuis sept heures du matin que j’étais là, il est maintenant presque midi et je ne suis toujours pas appelé pour une capture »</i>, ajoute-t-il.
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<b>La lenteur des agents, l’impatience et tout ce qui va avec…</b>
A côté de ce père de famille, plusieurs autres s’impatientent aussi. Grise mine, chacun n’hésite pas à murmurer pour manifester son agacement.<i> « En 2011 l’enrôlement n’était pas pénible comme ça »</i>, dit une dame dans le groupe avec un air nostalgique. Une déclaration qui n’a pas tardé de susciter des commentaires, engendrant ainsi une discussion entre les candidats à l’enrôlement avant qu’un policier ne s’impose pour exiger le silence : <i>« Taisez-vous! Nous ne sommes pas dans un marché ici. Si vous voulez discuter, allez ailleurs!»</i>, tonne-t-il sur un ton sévère.
Le calme semble revenir, mais ne va pas durer longtemps… quelques secondes après, une autre personne, visiblement frustré, réagit :<i> «mais monsieur l’agent, nous n’avons plus droit de parler ici ou comment ? »</i>, s’interroge-t-il, entrainant le bourdonnement des autres qui haussent également le ton, tous en même temps, pour protester contre le sévère appel à l’ordre de l’agent de la police.
[caption id="attachment_22220" align="alignnone" width="1080"]<img class="wp-image-22220 size-full" src="https://actualite.cd/wp-content/uploads/2017/07/Enro2.jpg" alt="" width="1080" height="833" /> Quelques candidats à l'enrôlement renvoyés du centre faute de jeton[/caption]
Sur fond de ce qui semble devenir un accrochage entre l’agent de l’ordre et les candidats à l’enrôlement, on frappe à l’entrée principale. le deuxième agent ouvre et s’entretient avec un homme pendant quelques minutes avant de le laisser finalement entrer. Svelte, habillé en boubou avec une canne, l’homme pénètre dans l’enceinte du centre et traverse la cour, sous le regard curieux de ceux qui attendent. Il se rend jusque dans la salle où se déroule l’opération d’enrôlement. Près d’une heure après, l’homme en sort avec une carte d’électeur qu’il essaie de ranger dans son portefeuille. Contrarié, le groupe qui, jusque-là, patiente se lève et crie au scandale. <i>« Mais pourquoi vous agissez comme ça ? Vous priorisez vos connaissances et nous qui étions là depuis longtemps, nous sommes contraints d’attendre notre tour »</i>, lance un jeune soutenu par tout le groupe indigné. La tension se ravive encore et laisse place à un énième accrochage entre les potentiels électeurs et les agents de la CENI.
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<b>Les impatients s’en vont...</b>
Après ces disputes plusieurs candidats à l’enrôlement, déjà lassés par l’attente interminable, se décident de rentrer bredouille pour revenir plus tard, espérant que dans les prochains jours cette opération serait moins éprouvante.
D’autres par contre se montrent plutôt persévérants. “<i>Pas question de revenir plus tard, pour moi. Quoi qu’il en soit, je dois m’enrôler aujourd’hui ou jamais. Parce qu’aujourd’hui c’est la deuxième fois que je suis revenu. Alors je dois avoir ma carte. Quelle que soit l’heure à laquelle elle me sera délivrée”,</i> déclare Jean-Pierre Palanga. A l’instar de ce dernier, bon nombre aussi s’accroche à la file d’attente pour une durée indéterminée. Chacun parmi eux se dit décidé de se procurer cette carte d’électeur dont la délivrance se déroule jusque-là sous une opération particulièrement musclée !
<b>Will Cleas Nlemvo</b><b>
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