Les États-Unis d’Amérique et l’État du Qatar jouent un rôle de médiateurs dans la crise opposant la République démocratique du Congo au Rwanda, ainsi que dans les négociations entre Kinshasa et la rébellion de l’AFC/M23. Bien qu’ils aient signé certaines initiatives et accords avec les parties en conflit, de nombreux Congolais doutent encore de leur sincérité envers la RDC. C’est notamment l’avis du président de la Conférence épiscopale nationale du Congo (CENCO).
Dans son homélie à l’occasion de la messe de Noël, jeudi 25 décembre, Fulgence Muteba Mugalu, archevêque de Lubumbashi (Haut-Katanga), est revenu sur sa rencontre avec les autorités qataries dans le cadre de sa tournée sur l’initiative du pacte social, portée avec l’Église du Christ au Congo. Selon lui, ces États sont davantage intéressés par la richesse de la RDC que par le bien-être de ses populations.
"J’ai été à Doha pour rechercher la paix. J’ai lu dans les yeux de ce prince du pétrole non pas d’abord le désir de nous apporter la paix ou de nous aider à nous en sortir. Après avoir parlé de paix, immédiatement, on a commencé à nous poser des questions sur les minéraux. Révoltant, je vous dis. Et pourtant, le Fils de Dieu est venu apporter à tous les hommes et à toutes les femmes de ce monde une certaine dignité. Votre dignité, là, ils s’en foutent ", a déploré Fulgence Muteba Mugalu, président de la CENCO.
L’archevêque de Lubumbashi (Haut-Katanga) fustige le fait que, malgré le comportement de ces États, certains Congolais continuent de vouloir collaborer avec eux. Il dénonce ce qu’il qualifie de déséquilibres géostratégiques.
" Nous sommes des gens qui n’avons pas choisi de vivre sur un territoire dont le sous-sol est garni de minerais. Personne ne se préoccupe réellement de notre terre, de notre développement. Malheureusement, certains d’entre nous y collaborent. Il y a, comme pour ainsi dire, un déséquilibre géostratégique. Il s’agit en réalité d’une nouvelle forme de colonialisme, plus précisément d’un colonialisme économique. Horrifié par cette idéologie qui sous-tend ces accords déséquilibrés, dont souffrent non seulement la RDC, mais aussi beaucoup de pays africains, l’Amérique du Sud et une partie de l’Asie ", a dénoncé l'archevêque de Lubumbashi et président de la CENCO.
L’Église catholique et l’Église du Christ au Congo (ECC) portent une initiative intitulée "Pacte social pour la paix et le bien-vivre ensemble en RDC et dans la région des Grands Lacs ". Selon les deux Églises, cette initiative vise à créer un cadre de dialogue inclusif afin d’instaurer une paix durable, favoriser la réconciliation nationale et renforcer la cohésion régionale, après des décennies de conflits. Elle repose sur le respect mutuel et la justice sociale pour construire un avenir commun en harmonie.
Elles estiment que les seuls processus de Washington et de Doha ne suffisent pas à résoudre la crise en RDC et dans la région des Grands Lacs. Lors d’une réunion des évêques d’Afrique centrale, le cardinal et archevêque métropolitain de Kinshasa, Fridolin Ambongo, a affirmé qu’une véritable paix est une paix "désarmée et désarmante ". Selon lui, les récentes évolutions de la situation sécuritaire dans l’Est du pays démontrent les limites des initiatives de paix actuellement en cours, en référence aux processus de Washington et de Doha.
En RDC, plusieurs confessions religieuses s’expriment désormais d’une même voix sur les pistes de sortie de crise dans l’Est, marquée par l’agression rwandaise via la rébellion de l’AFC/M23. Dans ce cadre, une feuille de route commune pour le dialogue national a été rendue publique le lundi 25 août à Kinshasa. Elle est portée conjointement par la Conférence épiscopale nationale du Congo (CENCO), l’ECC, la Plateforme des Confessions religieuses du Congo ainsi que la Coalition interconfessionnelle pour la Nation (CIN).
Appelé à poser des actes d’État pour convoquer ce dialogue national à la suite de la publication de la feuille de route conçue pour appuyer les initiatives diplomatiques internationales menées par les États-Unis et le Qatar, le Chef de l’État, Félix Tshisekedi, maintient sa position selon laquelle aucun dialogue ne peut se tenir en dehors de son initiative.
Clément MUAMBA