Kongo Central : une ONG dénonce des irrégularités dans des marchés publics de plus de 13 millions USD

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Photo d'illustration.

La Ligue Congolaise de Lutte contre la Corruption (LICOCO), une organisation non gouvernementale dédiée à la transparence et à la bonne gouvernance, a adressé une lettre à l’Inspecteur Général des Finances, pour dénoncer des soupçons de détournements de fonds publics dans la province du Kongo Central. 

Datée du 5 décembre 2025, cette missive, signée par le secrétaire exécutif Ernest Mpararo, met en lumière des irrégularités majeures dans l’exécution de deux marchés publics totalisant près de 13 millions de dollars américains. Copiée à de hautes personnalités de l’État, dont le président de la République Félix Tshisekedi et la Première ministre Judith Suminwa, elle appelle à une enquête approfondie pour préserver la confiance des citoyens envers les institutions.

Selon le document obtenu par notre rédaction, les allégations portent sur deux contrats financés par un emprunt provincial controversé de 20 millions de dollars, souscrit plus tôt cette année auprès d’une banque commerciale. LICOCO pointe du doigt un “système de collusion et de favoritisme” qui pourrait ébranler la gouvernance locale. “Les faits sus révélés impliquent près d’USD 13.000.000 suscitent des inquiétudes quant à l’éventualité de l’organisation d’un système de collusion et de favoritisme, susceptible de miner la confiance des citoyens et d’ébranler le crédit qu’ils accordent aux institutions”, écrit Mpararo, citant l’économiste Joseph E. Stiglitz pour qualifier la corruption de “cancer qui ronge la démocratie”.

Le premier marché concerne l’achat d’engins de travaux publics par le gouvernement provincial pour un montant de 6,474,381 dollars. Attribué à la société Manews Sarlu, ce contrat est entaché de plusieurs anomalies, selon LICOCO. D’abord, un conflit d’intérêts flagrant : l’entreprise serait gérée par un collaborateur et proche parent du gouverneur de la province. “Cette attribution illustre un conflit d’intérêts flagrant et un délit d’initiés, ternissant gravement la gouvernance de cette province stratégique”, dénonce la lettre, appuyée par des annexes contractuelles. Ensuite, Manews Sarlu manquerait de qualifications techniques et légales, ayant dû sous-traiter illégalement à la société SMT pour exécuter la commande. “C’est donc une manœuvre révélatrice d’une intention préméditée de tricherie et de supercherie”, affirme l’ONG. 

Pire encore, des vérifications préliminaires révèlent une présomption de surfacturation de près de 50 % : le prix proposé par Manews Sarlu excéderait de moitié la facture pro forma de SMT. “ Quel que soit le niveau d’exécution financière, la moitié des sommes engagées apparaît comme présumée détournée. Il s’agit d’une situation révoltante face à la misère extrême des populations de la province ”, s’indigne LICOCO.

Le second dossier vise la construction d’un bâtiment destiné à abriter le nouveau siège de l’Assemblée provinciale, pour un coût de 6,557,940.85 dollars. Ici, l’attribution par entente directe, sans publicité préalable, soulève des soupçons de collusion avec l’entreprise attributaire. “L’attribution par entente directe, sans publicité préalable, d’un marché d’une telle importance nourrit le soupçon de collusion ”, note le document. LICOCO critique également l’inadéquation du budget : pour un bâtiment comportant un rez-de-chaussée et un seul étage à Matadi, le montant alloué semble disproportionné, ne devant pas excéder 6 millions de dollars, selon une analyse élémentaire. “ Une analyse élémentaire laisse entrevoir des arrangements illicites ayant conduit à une probable surfacturation et in fine à un détournement ”, précise la lettre.

Ces marchés ont été financés par un emprunt de 20 millions de dollars, autorisé par l’Assemblée provinciale sur la base d’une simple lettre du gouverneur, sans documents détaillés sur les affectations, priorités, coûts estimatifs ou capacité de remboursement. LICOCO avait déjà alerté l’Inspection Générale des Finances en amont, soulignant des “insuffisances potentiellement porteuses de risques fiduciaires majeurs”. Citant John Adams, l’ONG rappelle que “la liberté ne peut être préservée sans une vigilance générale de la société”.

Le gouvernorat du Kongo Central, quant à lui, n’a pas répondu à nos demandes de commentaires. Pour Ernest Mpararo, cette affaire est emblématique des défis de la décentralisation en RDC : “Agir ainsi contribuera à protéger nos institutions et à préserver la confiance que les citoyens leur accordent.”