Entérinement de l'accord de Washington: au regard de la poursuites des combats sur terrain, Juvénal Munubo soupçonne une hypocrisie de Kinshasa et Kigali et craint que cela soit fait pour plaire à la volonté des Américains

Paul Kagame et Félix Tshisekedi le 25 novembre 2021 à Kinshasa
Paul Kagame et Félix Tshisekedi le 25 novembre 2021 à Kinshasa

L’ancien député national et analyste des questions sécuritaires, Juvénal Munubo Mubi s’est exprimé mercredi 3 décembre au sujet de l’entérinement de l’accord de Washington par les présidents Félix Tshisekedi et Paul Kagame, en présence de Donald Trump, président des États-Unis.

Invité de l’émission Focus d'ACTUALITE.CD, cet ancien membre de la Commission défense et sécurité de l’Assemblée nationale n’a caché sa crainte de voir Kinshasa et Kigali entériner cet accord de paix "dans l’hypocrisie", au regard de la situation sécuritaire dans l’est de la RDC marquée par des combats sur plusieurs lignes de front ces derniers jours.

"On est comme dans une sorte d'hypocrisie entre les deux États, et le gouvernement de la RDC et l'AFC/M23. Lorsque vous regardez dans les discours c'est toujours la tension, quand vous entendez les discours des autorités de la RDC et du Rwanda vous vous dites est-ce que nous sommes à la veille de la conclusion de la paix ? C'est la même chose pour le processus de Doha, d'ailleurs c'était comme ça, on vient à peine de signer un accord cadre et vous voyez les affrontements qui continuent au Sud-Kivu, à Walikale au Nord-Kivu. Donc on est dans une sorte d'hypocrisie", a indiqué l’ancien élu de Walikale.

Juvénal Munubo dit craindre que les deux chefs d'État concernés soient inscrits dans un schéma de vouloir satisfaire les envies ou la volonté des Américains.

"Est-ce que ce n'est pas pour faire plaisir aux américains ? Parce que le Président Donald Trump avait annoncé qu'il avait mis fin à huit conflits, huit foyers des tensions au monde et parmi ces huit foyers des tensions, il y avait la République Démocratique du Congo. Et donc, ça peut être une déception si l'idée est de satisfaire la volonté des Américains. Si par exemple, les Présidents Félix Tshisekedi et Paul Kagame signent un accord ce jeudi sans être convaincus qu'ils veulent vraiment mettre fin au conflit, ils seraient en train d'exprimer une hypocrisie ou ils seraient en train juste de satisfaire la volonté des Américains", a ajouté M. Munubo.

À la question de savoir, pourquoi satisfaire la volonté alors que le besoin de la paix est pressant ? Juvénal Munubo répond :

"Ça soulève un défi, est-ce que nous sommes maîtres de notre destin nous africains ? Les pays d'Afrique, sommes nous maîtres de notre destin ? Est-ce que nous faisons des choses étant convaincus que c'est d'abord de l'intérêt de nos populations qui souffrent ou nous faisons parce que nous devons garder de bons rapports avec les grands de ce monde notamment les Américains ? C'est ça ma crainte, c'est une hypothèse, je ne confirme rien mais s'ils arrivent à signer cet accord, sans le faire en âme et conscience, c'est-à-dire le signer et au soir la rhétorique de la guerre reprend, au lendemain les affrontements continuent ou le groupe d'experts de l'ONU nous dit dans son prochain rapport que la présence des troupes rwandaises est toujours là, d'ailleurs elle a été renforcée, ça veut dire que ce n'était qu'une hypocrisie et que c'était une façon de satisfaire la volonté des américains".

La rencontre annoncée entre Félix Tshisekedi et Paul Kagame ce jeudi 4 décembre à Washington, devait être le symbole d’un tournant diplomatique. Sous l’impulsion directe des États-Unis, les deux dirigeants doivent ratifier l’accord signé en juin et donner corps au cadre d’intégration économique régionale adopté début novembre. Pourtant, à mesure que l’échéance approche, l’optimisme initial se fissure et laisse place à une réalité beaucoup plus complexe : un processus poussé par Washington, mais freiné par une défiance politique enracinée, des divergences de lecture et une situation militaire inchangée dans l’est de la République démocratique du Congo.

La médiation qatarie constitue un autre volet essentiel du dispositif diplomatique. Un accord-cadre a été signé entre Kinshasa et le M23, mais son contenu reste largement à négocier. Sur le terrain, rien n’a changé : les positions ne bougent pas, les lignes de front restent actives et aucune mesure de confiance n’a été mise en place. La juxtaposition des deux processus (Washington et Doha) montre la complexité du dossier : d’un côté une médiation interétatique, de l’autre une négociation politico-militaire directe avec la rébellion.

Clément MUAMBA