Graben Albertine: la Cour de justice de l’EAC ouvre une procédure judiciaire contre l’Ouganda, la RDC et le secrétariat de l’EAC pour crime écologique et complicité

Photo d'illustration
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L’Alerte Congolaise pour l’Environnement et les Droits de l’Homme (ACEDH), en collaboration avec deux défenseurs locaux de l’environnement et leaders des communautés de pêcheurs, Uweci Wele Moïse (lac Albert) et Kambasu Katsuva Mukura Josué (lac Édouard), annonce l’ouverture d’une procédure judiciaire majeure devant la Cour de Justice de la Communauté d’Afrique de l’Est (EACJ). La plainte, déposée le 13 octobre 2025 et désormais enregistrée sous la référence N° 44 of 2025, vise trois parties : la République de l’Ouganda, la République Démocratique du Congo et le Secrétaire général de la Communauté d’Afrique de l’Est.

Cette action s’inscrit dans le cadre de la campagne « Notre Terre sans Pétrole » et intervient dans un contexte de fortes inquiétudes environnementales liées aux projets pétroliers Tilenga et Kingfisher, situés en Ouganda, dans le Rift Albertin.

crime écologique documentée

L’origine de la plainte remonte aux graves perturbations observées en septembre 2025 par les communautés de pêcheurs des lacs Albert et Édouard. En pleine saison de pêche, elles ont constaté une chute soudaine et inexpliquée des prises. Le 2 octobre 2025, un rapport scientifique de l’Environmental Law Alliance Worldwide (ELAW) est venu confirmer leurs observations. Ce document établit un lien entre les activités pétrolières transfrontalières et des risques élevés d’eutrophisation — asphyxie du lac par prolifération d’algues — ainsi que de contamination chimique.

Selon les requérants, ces phénomènes mettent directement en péril la sécurité alimentaire de millions de personnes dépendantes de ces écosystèmes, ainsi que la biodiversité unique du Rift Albertin.

“Nous avons des preuves matérielles. Les communautés qui sont directement touchées ont des preuves et confirment l’étude de ELAW. Les activités pétrolières de Tilenga et Kingfisher contribue à la disparition de poissons dans le lac Albert ainsi que dans le Lac Édouard”, a insisté Me Herdi Kambale, avocat de la partie civile pour le compte de l’ACEDH, lors de la conférence de presse animée ce mercredi à Kinshasa.

Il explique que la partie civile a choisi de saisir la Cour de Justice de l’EAC parce les pays “pollueurs” sont encore membres de cette institution régionale et qu’il y eu violation du statut de cette dernière. Les requérants reprochent notamment l'absence de consultation des communautés congolaises affectées par les projets pétroliers frontaliers, l’inexistence d’études d’impact transfrontalières impliquant la RDC., l’inaction des autorités congolaises, accusées de ne pas avoir protégé les populations riveraines ainsi que les risques irréversibles pour les écosystèmes sensibles, dont le Parc national des Virunga et les zones humides classées Ramsar.

Le Secrétaire général de l’EAC est également mis en cause pour manquement à son obligation de veiller au respect du Traité par les États membres.

Un combat pour la survie des communautés

Pour sa part Uweci Wele Moïse, Leader des communautés des pêcheurs du lac Albert, ces projets pétroliers sont dangereux pour l’avenir environnemental et climatique de la région. Il estime que cette lutte n’est pas seulement pour un individu ou une seule communauté mais aussi pour toute la région y compris Kinshasa, la capitale.

« Ces activités pétrolières n'impactent pas seulement les poissons mais aussi la qualité des eaux. Nous qui vivons autour du Lac, c'est cette eau que nous consommons. Nous ne sommes pas les seuls à être touchés. Même à Kinshasa, les poissons du Lac Albert n’arrivent pas en quantité qu’il faut afin de lutter contre les chinchards. Donc, vous êtes aussi victimes”, a-t-il déclaré

L’ACEDH et ses partenaires, s’appuyant sur la Constitution de la RDC, l’Accord de Paris et la Charte Africaine des Droits de l’Homme et des Peuples, affirment leur détermination à obtenir justice pour les populations riveraines et à protéger durablement les écosystèmes du Rift Albertin.

Les parties requérantes expriment leur pleine confiance en la Cour de l’EAC et appellent à la mise en place de mesures de protection pour les plaignants, témoins et soutiens mobilisés dans cette procédure.