Pacte social pour la paix: « toute initiative qui se limite à des arrangements entre politiciens est vouée à l’échec et provoquera d’autres crises » (Cardinal Fridolin Ambongo)

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Fridolin Ambongo

L’esplanade du Palais du Peuple, à Kinshasa, capitale de la République démocratique du Congo, a servi de cadre ce dimanche 24 novembre 2025 à la célébration de la journée diocésaine dédiée aux jeunes de l’Église catholique. Cette rencontre a permis au Cardinal et Archevêque de Kinshasa, Fridolin Ambongo Besungu, de communier avec cette catégorie de fidèles de l'église catholique souvent présentée comme l’"Église universelle".

Cette célébration eucharistique, axée autour du thème : "Vous aussi, vous allez rendre témoignage, car vous êtes avec moi" , tiré de l’Évangile selon Jean (chapitre 15, verset 27), s’inscrit dans la continuité de la fête du Christ-Roi de l’univers, moment fort de l’année liturgique. Elle visait à rappeler la mission des jeunes dans l’Église et dans la société. Le prélat a toutefois déploré que cette célébration intervienne dans un contexte où le pays est confronté à de multiples crises, notamment dans l’Est de la RDC, mais aussi à Kinshasa avec le phénomène Mobondo.

"Comme vous le savez, nous célébrons cette journée dans un contexte inquiétant de notre pays la République Démocratique du Congo: la guerre à l'Est, les conflits armés persistants, l'occupation de certaines provinces à l'Est de notre pays, des milliers de déplacés internes, la misère généralisée de notre population mais aussi et surtout l'expansion ici aux portes de Kinshasa du phénomène Mobondo qui pénètre déjà dans la ville, il suffit tout simplement d'aller au-delà de la rivière Mai Ndombe pour palper les conséquences de la présence des Mobondo. C'est dans les tourbillons  de cette crise profonde que le Christ Roi vient nous proposer le chemin de l'espérance, de l'unité, de la réconciliation et de la paix. Devenez donc chers jeunes, chers choristes des témoins d'une telle espérance", a déclaré Fridolin Ambongo Besungu, archevêque de Kinshasa.

L’Archevêque de Kinshasa a exhorté les jeunes à participer pleinement à la vie du pays et de l’Église. Selon lui, ils ne doivent ni fuir leurs responsabilités ni se laisser distraire, mais s’engager pour bâtir "un Congo nouveau ".

"En cette année sainte du jubilé de l'espérance, je joins ma voix à celle du Pape Léon 14 qui invite les chrétiens à être des bâtisseurs d'espérance et non des spectateurs. Vous êtes appelés à participer pleinement à la vie de notre pays et de l'église. Ne fuyez pas vos responsabilités, ne dormez pas, ne soyez pas distrait mais engagez vous pour un Congo nouveau, un Congo uni, juste, fraternel et prospère", a recommandé le Cardinal Fridolin Ambongo Besungu.

Abordant l’actualité nationale, le Cardinal Ambongo a rappelé que l’espérance d’unité et de réconciliation repose aujourd’hui sur le projet de Pacte social pour la paix, porté conjointement par l’Église catholique et l’Église du Christ au Congo. Alors que la convocation d’un dialogue autour de ce projet tarde à se concrétiser, et face aux murmures dans la sphère sociopolitique évoquant des tentatives de contourner cette initiative, le Cardinal a mis en garde : toute démarche qui ne prendrait pas en compte les causes profondes des crises serait vouée à l’échec.

"Dans notre pays, cette espérance d'unité, de réconciliation et de paix est aujourd'hui portée dans le projet du pacte pour la paix, la réconciliation entre congolais et le mieux vivre ensemble dans la région, la sous région des Grands Lacs. Ce projet porté conjointement par la Conférence Épiscopale Nationale du Congo (CENCO) et l'Eglise du Christ du Congo (ECC), cette initiative vise à réunir notre histoire commune pour toucher les racines profondes de ce conflit en impliquant tous les acteurs de la crise, et toutes les forces vives du pays et spécialement vous les jeunes. Ce projet s'inspire du concept de Bumuntu notre être toujours déjà relationnelle, toute autre initiative qui se limite aux arrangements entre politiciens sans prendre en compte les causes profondes de la misère de notre peuple est vouée à l'echec et provoquera d'autres crises si nous ne rassemblons pas ensemble le peuple congolais autour d'une table pour vider leur sac", a insisté le Cardinal Fridolin Ambongo Besungu.

Appelé à poser des actes d’État pour convoquer le dialogue national à la suite de la publication de la feuille de route par les confessions religieuses conçue pour appuyer les initiatives diplomatiques internationales menées par les États-Unis d’Amérique et le Qatar, le Chef de l’État, Félix Tshisekedi, maintient sa position selon laquelle aucun dialogue ne peut être organisé en dehors de son initiative.

Lors de ses récentes interventions, tant à Kinshasa qu’à l’étranger, Félix Tshisekedi a réaffirmé son attachement à un dialogue national, tout en rejetant toute forme d'influences extérieures. Il a renouvelé son soutien à l’Accord de Washington et au processus de Doha, deux initiatives diplomatiques qui, selon lui, permettront à la RDC de se prémunir contre les influences extérieures visant à déstabiliser les institutions, en particulier sur le plan sécuritaire.

En RDC, plusieurs confessions religieuses parlent désormais d’une même voix quant aux pistes de sortie de crise dans l’Est du pays, marqué par l’agression rwandaise via la rébellion de l’AFC/M23. C’est dans ce cadre qu’une feuille de route commune pour le dialogue national a été rendue publique  lundi 25 août à Kinshasa. Elle est portée conjointement par la Conférence Épiscopale Nationale du Congo (CENCO), l’Église du Christ au Congo (ECC), la Plateforme des Confessions Religieuses du Congo, ainsi que la Coalition Interconfessionnelle pour la Nation (CIN).

Depuis sa publication, les actes attendus du Chef de l’État tardent encore. Sur la scène internationale, les initiatives diplomatiques avancent sur le papier, mais peinent à produire des résultats concrets sur le terrain, dans un contexte de tensions persistantes entre Kinshasa et Kigali, ainsi qu’entre Kinshasa et l’AFC/M23.

Clément MUAMBA