Ancien proche collaborateur et ancien secrétaire général du parti de Roger Lumbala, le président du parti Conservateurs de la nature et démocrates (Conadé), Moïse Moni Della, a apporté son soutien à la démarche des autorités congolaises visant à obtenir l’extradition de Roger Lumbala afin qu’il soit jugé en République démocratique du Congo.
Lors d’une conférence de presse coanimée avec les avocats de Lumbala à Kinshasa, vendredi 14 novembre, Moïse Moni Della devenu président du Comité de soutien pour son extradition a accusé la France de violer les droits de l’homme en s’obstinant à vouloir juger son ancien compagnon de lutte, alors que les autorités congolaises ont déjà introduit plusieurs demandes d’extradition.
"La France aujourd’hui est au banc des accusés. J’accuse la France d’avoir violé le principe élémentaire des droits de l’homme, celui qui dit que nous sommes tous égaux devant la justice. Mais quelle justice ? Le juge naturel de Roger Lumbala se trouve ici en RDC, pas en France. La justice congolaise, en âme et conscience, est capable aujourd’hui d’organiser son procès. Nous disons que le fait que la justice française s’évertue et s’entête à juger Roger Lumbala rend son arrestation arbitraire et non fondée sur les règles internationales. Nous ne disons pas que Roger Lumbala est saint de saint. Nous soutenons son extradition au Congo pour qu’il soit jugé et réponde de ses actes devant son juge naturel. Nous ne disons pas qu’il est saint de saint, nous ne connaissons pas le fond du dossier. Qui suis-je pour affirmer qu’il a volé, violé ou tué ? Je ne suis pas juge, je ne suis pas Dieu. Attendons : c’est le travail de la justice, et c’est ce que nous réclamons à cor et à cri : qu’il soit extradé en bonne et due forme pour répondre devant ses juges naturels", a déclaré Moïse Moni Della.
Selon lui, juger Roger Lumbala en France créerait une jurisprudence dangereuse susceptible de s’étendre plus tard à d’autres acteurs politiques congolais.
"Un procès politique, on ne le gagne pas devant les juges : on le gagne devant l’opinion. Voilà pourquoi nous sommes venus vers vous, la presse. Roger Lumbala a une carrière : c’est un ancien candidat à la présidentielle, il a une dignité à défendre, il a une base qui l’écoute. Nous ne voulons pas qu’il soit jugé par la justice française. L’opinion doit pouvoir juger. C’est pour cela que nous donnons les éléments pour éclairer l’opinion. Vous avez vu qu’il a récusé ses avocats : ce n’est pas pour rien. Il tient à sa dignité, à celle de son pays et de l’Afrique. Aujourd’hui c’est Roger Lumbala, demain ce sera qui ? Si nous laissons Lumbala entre les mains des Français, demain ce sera vous, ce sera Jean-Pierre Bemba, ce sera Félix Tshisekedi : n’importe qui peut être poursuivi par la justice française", a-t-il ajouté.
Faisant référence à la lutte de Patrice Emery Lumumba, Moïse Moni Della estime que juger Roger Lumbala en France revient symboliquement à juger toute l’histoire récente de la crise sécuritaire dans l’Est du pays hors du territoire national.
"Nous ne devons pas, au nom de la souveraineté de notre pays, au nom de la solidarité africaine, au nom de l’indépendance de notre pays, abandonner cette affaire. Nous défendons Lumbala pour qu’il vienne répondre devant ses juges. Parce que sinon, quand on regarde de très près, juger Lumbala, c’est juger 30 ans d’histoire de ce qui se passe à l’Est. Ce ne sera pas seulement Roger Lumbala : où sera Ruberwa ? Où sera Jean-Pierre Bemba ? Où sera Zahidi Ngoma ? Même moi. C’est toute la RDC qui serait jugée. Ce n’est pas seulement Roger Lumbala. Je ne sais pas si les gens mesurent la grandeur et la complexité de cette affaire. Ce n’est pas son procès seulement : c’est le jugement du Congo. Voilà pourquoi nous tenons à ce que la justice de notre pays juge le nôtre, afin que nous puissions écrire l’histoire de notre pays", a-t-il soutenu.
Roger Lumbala, poursuivi en France pour complicité de crimes contre l’humanité commis en RDC, conteste la légitimité et la compétence des tribunaux français, a congédié son équipe de défense et a refusé de comparaître devant la Cour. Malgré son absence, le procès se poursuit. Le tribunal a désigné l’un de ses anciens avocats pour le représenter, mais ces derniers jours, le banc de la défense est resté vide : ni l’accusé ni ses avocats n’étaient présents. Le président du tribunal a également annoncé que Lumbala avait entamé une grève de la faim pour protester contre le procès.
Selon plusieurs ONG impliquées dans la procédure TRIAL International, la Clooney Foundation for Justice, Minority Rights Group, Justice Plus et PAP-RDC ces actions, combinées au refus de coopérer, semblent destinées à déstabiliser les victimes à l’approche de leur témoignage et à entraver un processus judiciaire attendu depuis plus de vingt ans.
Ancien député national, ancien sénateur et ancien ministre, Roger Lumbala est jugé en France en vertu du principe de compétence universelle. Ce mécanisme impose aux États, lorsque les conditions sont réunies, de poursuivre les auteurs présumés de crimes si graves qu’ils constituent une atteinte à l’ensemble de la communauté internationale. La présence de Lumbala en France et la nature des crimes qui lui sont reprochés relèvent de ce principe.
Clément MUAMBA