Makutano Talk 2025 : André Wameso met en exergue la structuration de l’épargne des Congolais et la restauration de la confiance dans la monnaie nationale pour financer l’économie

André Wameso, gouverneur de la BCC
André Wameso, gouverneur de la BCC

Dans un contexte de transition économique, la République Démocratique du Congo reste l’un des derniers pays d’Afrique à ne pas disposer de marchés financiers structurés. Trois arguments justifient pourtant un focus accru sur le développement de marchés financiers en RDC à savoir, l’important besoin de financement des entreprises et du gouvernement, la croissance de l’épargne institutionnelle (compagnies d’assurance, caisses de retraite, trésorerie des banques commerciales) à la recherche d’actifs et d’un environnement sécurisé d’investissements, et enfin l’opportunité d’attirer des investisseurs internationaux grâce à la position géostratégique du pays et aux projets en lien avec le climat.

C'est dans ce cadre que Le Makutano Talk a organisé samedi 11 octobre 2025, un débat de haut niveau sur les opportunités et défis des marchés financiers en RDC. Cet événement a réuni des acteurs majeurs du secteur public et privé, des régulateurs, des institutions financières, des experts internationaux, ainsi que des chercheurs engagés dans la transformation économique du pays.

Ce Talk sur les Marchés Financiers vise à enclencher une dynamique concrète de développement du marché financier congolais, en réunissant les voix (locales comme internationales) qui comptent pour passer de l’ambition à l’exécution. Intervenant comme orateur principal, le gouverneur de la Banque Centrale du Congo (BCC), André Wameso est revenu sur la nécessité de structurer l’épargne des Congolais en franc congolais pour parvenir à financer l’économie Congolaise. 

"Je parle d'organisation, il faut s'organiser pour pouvoir faire les choses de manière correcte si non il y a une expression que j'aime bien il faut éviter de labourer la mer, on peut organiser comme je disais le marché financier mais si nous même nous ne sommes pas organisés pour que nous bénéficions de ce marché financier, la question principale de ce Talk va rester la même. Il ne faut pas oublier une chose: notre pays a été créé pour ça, si nous considérons que ça va aller de soi sans pouvoir s'organiser de manière rigoureuse, professionnelle, nous allons continuer à servir les autres tels que cela a été conçu à la Conférence de Berlin. Nous avons une épargne à pouvoir organiser, l'objectif c'est de pouvoir organiser cette épargne différemment avec un besoin, nous devons d'abord organiser notre épargne pour que cette épargne puisse financer l'économie soit au travers des banques soit au travers de ce qu'on appelle des marchés financiers", a souligné le gouverneur de la Banque Centrale du Congo, André Wameso.

Structuration de l'épargne des congolais

À titre indicatif, André Wameso a pris l’exemple de l’enveloppe salariale de l’Etat qui s’évalue actuellement à environ 400 millions USD par mois en y ajoutant la catégorie des jeunes et autres, c'est possible de financer l'économie nationale.  Pour lui, la création du marché boursier ne doit pas être une finalité. La finalité, selon lui, c'est d'organiser l’épargne des congolais dans le seul  objectif de financer l’économie nationale.

"Quand on regarde l’enveloppe salariale de l’Etat au niveau du ministère du Budget qui s’évalue actuellement à environ 400 millions USD par mois. Si on prélève 5% de cette somme c'est 20 millions USD et si on institutionnalise la corporation des taximans et autres on peut atteindre 50 millions USD par mois si on fait un vrai calcul dans l'année on a 600 millions USD et en fonction de l'âge moyen des cotisants on a l'horizon de ce placement. Donc ça nous amène à tirer avantage de la jeunesse congolaise puisque forte, heureusement 70% de la population a moins de 25 ans. Si on fait un travail pour mettre ne fût-ce que 50% de cette population au travail, du plus petit travail au plus important, on a une trentaine de millions de personnes et si cette trentaine millions de personnes peuvent cotiser 10 USD par mois on est à 300 millions et comme ils sont jeunes on aura 300 millions mensuel, on peut les injecter dans l'économie en fonction de toutes les maturités que nous voulons", a fait remarquer M. Wameso.

Et de poursuivre :

"C'est ça le véritable enjeu de la création des marchés financiers. Pourquoi ? Parce qu’on peut créer un marché boursier aujourd'hui mais qui va en bénéficier ? Ça sera le fond de pension qui se trouve au Luxembourg, Zurich, à Londres, à New-York puisque c'est déjà le cas. Qui est au courant du fait que Finca, en donnant 2 demi pourcent de crédit aux mamans de Tshangu, le revend à des fonds d'investissement spéculatifs à 15%? Donc il y a d'autres personnes qui utilisent déjà notre marché pour faire le bonheur des investisseurs à l'étranger. Donc la création du marché boursier n'est pas en soi la finalité".

Restaurer la confiance dans la monnaie nationale

Pour y arriver, André Wameso, gouverneur de la Banque Centrale du Congo a évoqué ce qu'il considère comme deuxième préalable à savoir, le renforcement de la confiance des Congolais en leur monnaie nationale. Il a émis le vœu de voir changer avec l'appréciation actuelle de la monnaie nationale.

"Nous sommes dans un pays 90% de l'économie se fait en dollars, j'espère que ça va baisser depuis quelques mois avec le renforcement du franc congolais, c'est la deuxième problématique parce que aujourd'hui les banques commerciales comme elles n'ont pas accès au financement de l'Institut d'émission de la monnaie avec lequel elles travaillent, c'est-à-dire le dollar ont un mécanisme de construction de taux interne qui part du taux de leur DAT, ils regardent les charges de la banque, ils ajoutent une marge d'intermédiation et déterminent leurs crédits en dollar alors qu'en tant banque centrale, mon souhait c'est de pouvoir financer l'économie en franc congolais. Premier problème, le niveau du taux directeur même si on l'a baissé à 17,5%, il reste tout de même beaucoup plus élevé que le DAT de base en dollar. Donc s'il faut faire un financement en se basant sur ce taux là, les banques prêteraient en franc congolais aux alentours de 25%. Aujourd'hui on a un problème de financement de notre économie", a indiqué le gouverneur de la BCC. 

Et de poursuivre :

"C'est lié à quoi ? À la confiance, on n'avait pas suffisamment confiance au franc, ce qui faisait que chaque fois qu'on était payé, chaque fois qu'on devait faire une transaction, on pensait directement au dollar. On a les prix des petits produits qu'on peut connaître en franc congolais, plus les biens montent en valeur au moins il y a une expression de la valeur en franc congolais. Qui connaît le prix d'un véhicule en franc congolais? Qui connaît le prix d'un terrain en franc congolais, ça veut dire que nous avons intériorisé le fait que nos transactions économiques nous le fassions en dollar et donc il faut redonner confiance au franc congolais et ça c'est le rôle de la Banque centrale, c'est pour cela que l'idée proposée au gouvernement, nous allons y travailler pour construire un système complémentaire des pensions par capitalisation. Comme la majorité des salaires sont payés en franc, les primes mensuelles vont être perçus en franc congolais".

Après une décennie de grands forums ouverts, le Makutano Talk amorce une nouvelle phase en adoptant un format plus restreint et orienté vers l’action. Cette évolution vise à concentrer les échanges sur des thématiques essentielles et pragmatiques, en réunissant autour de la table des décideurs publics, experts et acteurs économiques capables d’influencer concrètement les politiques et les pratiques. L’objectif : fournir des outils opérationnels pour renforcer la prise de décision et accélérer la mise en œuvre de solutions économiques durables.

Le prochain grand forum Makutano est annoncé pour les 12 et 13 novembre 2025. Il portera notamment sur les secteurs stratégiques des mines, de l’énergie, du portefeuille et du corridor de Lobito. En misant sur le pragmatisme et la profondeur des échanges, Makutano souhaite transformer ces formats restreints en leviers concrets de développement pour la République Démocratique du Congo.

À propos du Réseau Makutano

Depuis plus de dix ans, le Makutano rassemble les acteurs majeurs de l’économie de la République démocratique du Congo et de toute l’Afrique, parmi lesquels chefs d’État, ministres, dirigeants d’entreprises et investisseurs. Cette plateforme d’affaires a pour vocation de favoriser les synergies porteuses de valeur, de stimuler des opportunités concrètes et de construire une intelligence économique collective. Son ambition est de transformer durablement les structures économiques africaines en mobilisant les talents et les ressources locales. 

À la fois réseau d'influence, lieu de co-construction, et mouvement de conviction, le Makutano milite pour une Afrique décomplexée, stratège, audacieuse. Il s’engage à accompagner la montée en puissance de nouveaux leaderships africains, à renforcer les ponts entre secteur public et secteur privé, et à défendre une souveraineté économique pragmatique, inclusive et assumée

Clément MUAMBA