En RDC, le Sénat annonce l'examen du réquisitoire de l’auditeur général des FARDC aux fins d'obtenir la levée des immunités de Joseph Kabila

Joseph Kabila/Ph. Droit tiers

Le réquisitoire de l’auditeur général des Forces Armées de la République Démocratique du Congo (FARDC) aux fins d'obtenir la levée des immunités du Sénateur à vie et ancien Président Joseph Kabila et l’autorisation des poursuites à son encontre sera examiné dès ce jeudi 15 mai 2025 au Sénat. Ce dernier a publié mardi un communiqué annonçant les points à l’ordre du jour de la plénière de ce jeudi.

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Lors de la plénière du vendredi 2 mai dernier, le président du Sénat Sama Lukonde, a déclaré que la requête de levée d’immunité visant le sénateur à vie Joseph Kabila sera examinée « conformément à la Constitution et au règlement intérieur du Sénat ». Cette annonce intervient après la transmission officielle d’un réquisitoire de l’Auditeur général des Forces armées, agissant sur injonction du ministre de la Justice, Constant Mutamba.

Selon ce dernier, l’ancien président de la République est poursuivi en tant que sénateur, pour des faits présumés de trahison, crimes de guerre et crimes contre l’humanité, en lien avec les violences dans l’Est du pays. Le ministre évoque un « maximum de preuves » impliquant Joseph Kabila dans ce que Kinshasa qualifie de “participation directe à l’agression menée par le Rwanda à travers le mouvement terroriste AFC/M23”.

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Cette démarche des autorités congolaises ne cesse de susciter des réactions dans l'environnement sociopolitique. Maître Jean-Claude Katende de l'Association Africaine de Défense des Droits de L'Homme (ASADHO) a pour sa part, insisté sur la nécessité de respecter la procédure à suivre pour poursuivre l'ancien Président de la République.

"En RDC, un ancien président de la république ne peut être poursuivi que sur autorisation de la majorité des deux tiers des membres du Congrès ( articles 8 de la loi portant statut des anciens  de la république élus).Prendre des raccourcis pour le poursuivre est une violation de la loi qui équivaut à un règlement des comptes. Si on veut construire un État de droit qui protège tout le monde, on doit respecter les lois du pays" avait alerté Jean-Claude Katende dans une publication sur son compte X.

De son côté, l'ancien candidat Président Seth Kikuni considère cette démarche comme des intimidations du pouvoir en place à l'endroit des opposants. Il a par la même occasion appelé au respect de la procédure.

"Joseph Kabila est un ancien président de la République. À ce titre, son statut le protège juridiquement contre toute poursuite, conformément aux principes et aux dispositions garantissant l’immunité des anciens chefs d’État. Le titre de sénateur à vie n’est pas un statut juridique, mais une distinction honorifique destinée à honorer un ancien président. Il ne saurait justifier des poursuites arbitraires. Les poursuites annoncées contre Kabila relèvent clairement d’une tentative d’intimidation, visant à travers lui l’ensemble de l’opposition. Si un ancien Premier ministre (comme Augustin Matata Ponyo) n’a pas été jugé, comment un ancien président pourrait-il l’être ? Cette logique révèle un acharnement dénué de base légale"avait-il réagi sur ses comptes sur les réseaux sociaux.

Au niveau de sa famille politique, le Front Commun pour le Congo (FCC) avait exprimé sa « profonde indignation » après l’annonce faite par le ministre de la Justice congolais d’une injonction à la justice militaire pour engager des poursuites contre son autorité morale, l’ancien président Joseph Kabila Kabange, et d’une requête au Sénat en vue de la levée de ses immunités.

Dans un communiqué signé par Raymond Tshibanda, président de la cellule de crise du FCC, la plateforme politique rejette « avec la plus grande fermeté » ce qu’elle qualifie de « tentative de violation de la Constitution et des lois de la République » par « le pouvoir dictatorial de Kinshasa ».

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Le FCC rappelle que, conformément à l’article 104, alinéa 7, de la Constitution, Joseph Kabila est sénateur à vie en tant qu’ancien président élu. Ce statut, selon le FCC, est « inaliénable, imprescriptible et sans coloration politique », et ne peut faire l’objet d’aucune remise en cause judiciaire ou administrative. Toute poursuite, souligne-t-il, doit suivre la procédure fixée par la loi n°18/021 du 26 juillet 2018, qui exige un vote à la majorité des deux tiers du Parlement réuni en Congrès.

Cette situation intervient dans un contexte marqué par la guerre d'agression rwandaise via la rébellion du M23 soutenue par le Rwanda. Malgré les appels à privilégier ou favoriser la cohésion nationale, Kinshasa semble s'aligner dans un schéma de non retour face à tous ceux qu'ils considèrent comme des "traîtres" en connivence avec le mouvement rebelle.

Clément MUAMBA