Valentin-Yves Mudimbe à l’école : un incontournable du système éducatif congolais

Valentin-Yves Mudimbe
Valentin-Yves Mudimbe

Le décès de Valentin-Yves Mudimbe, survenu dans la nuit du 21 au 22 avril, a ravivé l’émotion dans les cercles littéraires et pédagogiques de la République démocratique du Congo. Philosophe, romancier, poète et critique, il est l’un des rares écrivains congolais à être enseigné de leur vivant dans les établissements scolaires du pays. Une figure majeure des lettres africaines, dont la pensée a marqué plusieurs générations d’élèves, d’enseignants et d’intellectuels.

Mudimbe, né en 1941 à Jadotville (actuelle Likasi), s’est imposé comme une référence dans l’univers des sciences humaines. Parmi ses œuvres les plus étudiées dans les écoles congolaises figurent Entre les eaux, Déchirures, L’Odeur du père, ou encore Les Corps glorieux des mots et des êtres. Son livre majeur The Invention of Africa, écrit en anglais, est considéré comme un tournant dans la réflexion postcoloniale.

« On ne peut pas prétendre connaître la littérature congolaise sans avoir lu au moins trois ou quatre ouvrages de Mudimbe. C’est une figure phare, une lumière pour ceux qui sont en bas de l’échelle », explique un professeur de français.

S’il a vécu une grande partie de sa vie loin du Congo en raison notamment du régime dictatorial de Mobutu, Mudimbe n’a jamais rompu le lien intellectuel avec son pays. Il reste une figure profondément ancrée dans la mémoire littéraire congolaise.

Le professeur Ntungu Mahitu Jean-Pierre, enseignant à l’École Mater Vitae, n’a pas caché son émotion. 

« J’ai connu le professeur Mudimbe à la faculté catholique de Kinshasa. C’est une perte énorme. Même si on remplissait un sac de sable, cela ne suffirait pas à combler ce vide. J’ai la mort dans l’âme », dit-il.

Son collègue, M. Silolo Moïse, partage le même chagrin.

« Il a bercé notre jeunesse. Nous avons grandi avec ses ouvrages. L’année dernière encore, nous étudiions un de ses textes avec des élèves de 6e année. Il traversait les générations. C’était un ambassadeur de la pensée congolaise ».

Pour eux, la disparition de Mudimbe est bien plus qu’un deuil personnel ; c’est un vide laissé dans le paysage intellectuel et culturel national.

Du côté des élèves, la connaissance de Mudimbe reste inégale. Blessing Sabeni, une élève interrogée, se souvient de lui vaguement.

« Nous avons parlé de lui récemment au centre Wallonie-Bruxelles, mais c’est aujourd’hui que j’ai appris davantage sur lui. Sa mort a quand même bouleversé la RDC », dit-elle.

Mudimbe n’est pas seulement un auteur mais un pan de l’histoire intellectuelle du Congo. Il incarne le combat pour une bibliothèque africaine décolonisée, une pensée critique face aux héritages imposés.

« Chaque fois que le Congo sera tiraillé dans sa quête identitaire, chaque fois que l’Afrique cherchera à reconstruire son savoir propre, on pensera à Mudimbe. C’est tout le sujet de son œuvre », souligne un universitaire.

C’est aux premières heures de la matinée du 22 avril que l’annonce de la mort de l’écrivain congolais Valentin-Yves Mudimbe est tombée. Du haut de ses 83 ans, le philosophe a été prolifique dans sa carrière d’homme des Lettres au point de toucher différentes générations dont il a été la mémoire vivante, une bibliothèque en mouvement, un baobab géant qui porte si bien ce nom, à en croire les nombreuses réactions qui ont émaillé les réseaux sociaux.

Lire aussi : Décès de l’écrivain Valentin-Yves Mudimbe : Yolande Elebe salue “un pionnier, un penseur audacieux”

Kuzamba Mbuangu