Kinshasa : rencontre scientifique autour des enjeux de la recherche de provenance des œuvres d’art

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Conférence/les enjeux autour de la recherche de provenance

Alors que la restitution des œuvres d’art africaines s’impose de plus en plus dans les débats internationaux, chercheurs et experts se sont réunis à Kinshasa pour explorer les multiples dimensions de la recherche de provenance. Une démarche essentielle pour éclairer l’histoire complexe de nombreux objets aujourd’hui conservés dans les musées occidentaux.

Ya Makanisi, une initiative de recherche du Parcours Peinture de l'Académie des Beaux-Arts de Kinshasa, en partenariat avec le Goethe-Institut, organise ce mardi 24 juin 2025 une conversation scientifique consacrée aux « enjeux autour de la recherche de provenance ».

Cette rencontre réunit plusieurs experts qui articulent leurs réflexions autour de cette problématique cruciale.

La question de la recherche de provenance et de la restitution des biens culturels occupe une place croissante dans les débats internationaux sur le patrimoine. Cette démarche consiste à retracer l’histoire des œuvres d’art, depuis leur création jusqu’à leur entrée dans les collections publiques ou privées, afin d’éclairer les conditions de leur acquisition, souvent marquées par des contextes de violence, de pillage ou de domination coloniale.

Aujourd’hui, un grand nombre d’objets d’art africains, notamment congolais, sont conservés dans des institutions muséales occidentales. Tandis que de nombreux États africains revendiquent leur restitution, les conditions précises de leur transfert demeurent, dans bien des cas, mal documentées, voire opaques.

Le Professeur Placide Mumbembele, anthropologue, apporte un éclairage sur la légitimité des collections ethnographiques conservées dans les musées occidentaux :

« Il y a la légitimité géographique, c’est-à-dire les créateurs et détenteurs originels de ces objets. Mais la question centrale est de savoir à qui appartiennent aujourd’hui les œuvres présentes dans les musées occidentaux, voire dans des collections privées. La légitimité des origines est souvent brouillée par un contexte historique marqué par des transactions douteuses et des ventes illégales. Certains objets ont ainsi quitté leurs contextes d’origine de manière contestable. En outre, les échanges entre musées ont parfois abouti à des situations où les objets ne sont plus reconnus par leurs communautés d’origine, rendant les musées eux-mêmes parfois incapables de revendiquer un droit légitime sur certaines pièces. »

De son côté, le Professeur Jean-Damascène Bwiza, également anthropologue, précise le rôle du chercheur de provenance :

« Très souvent, on pense aux institutions lorsqu’on évoque la recherche de provenance. Pourtant, il s’agit d’abord d’une obligation pour les institutions et les collectionneurs de connaître l’histoire complète des œuvres qu’ils détiennent, depuis leur création jusqu’à leur dernier propriétaire. Le chercheur de provenance s’attache à recueillir un maximum d’informations sur les objets culturels, à retracer les différentes étapes de leur parcours, à identifier les anciens propriétaires et à vérifier la validité des transferts de propriété, en particulier lorsque les acquisitions se sont faites en période de conflit. Ce travail s’appuie sur des collaborations avec des musées, des bibliothèques, des archives et d’autres institutions afin de croiser les sources et d’enrichir les connaissances. »

Au-delà des enjeux juridiques et patrimoniaux, cette rencontre de Kinshasa rappelle que la restitution des œuvres ne saurait être dissociée d’une démarche de mémoire, de justice historique et de réappropriation culturelle pour les communautés d’origine.

Haradie Moza