C’est depuis Arusha, en Tanzanie, que le slameur congolais et défenseur des droits humains, Depaul Bakulu a appris sa distinction au Global Advocacy Award 2025. Une distinction décernée par Harvard Law School Advocates for Human Rights et Harvard Human Rights Journal pour récompenser un engagement en faveur des droits humains.
Se trouvant à l'extérieur du pays par contrainte sécuritaire suite à son engagement long de plus d’une décennie, Depaul se souvient que l’histoire de la guerre dans la partie Est de la RDC rime avec celle de son existence mais ne compte pas s'arrêter là malgré des proches perdus dans la lutte pour la recherche de la paix.
“J'ai aujourd’hui 30 ans, exactement comme la guerre qui déchire mon pays. Mon histoire personnelle est intimement liée à cette violence continue. Lorsque la guerre de libération a atteint Goma en 1997, j’avais seulement deux ans. Depuis ce jour, je vis dans un cycle sans fin de violence. Actuellement, je suis réfugié à Arusha, en Tanzanie pour la même cause qui avait fait à ce que, je sois à Minova Il y a 28 ans, la guerre. Cette guerre m’a arraché des proches, des camarades et des amis. Les plus récents sont Byamungu Pierre, militant LUCHA tué à Kalehe et mon ami artiste Delcat Idengo, tous assassinés les semaines dernières à Goma par la rébellion du M23”, a dit Depaul Bakulu dan sson mot après le prix.
Dans ce message prononcé à distance face à un public d’universitaires et de défenseurs des droits humains, Depaul Bakulu a livré un témoignage fort sur son parcours et son engagement dans un pays marqué par des décennies de violences. Il a évoqué la répression, les injustices, et les conditions de vie précaires dans l’Est du pays.
“Mon parcours reflète celui de millions de jeunes congolais, représentant 70 % de la population du pays, traumatisés par une vie entière passée sous les armes. Au-delà du conflit, notre quotidien est rythmé par la corruption, l’insécurité permanente, le chômage, le manque d’eau potable, d’électricité, l'accès aux soins de santé de qualité et à l’éducation, résultat direct d’une gouvernance défaillante qui privilégie une élite politique au détriment de la population”, dénonce Depaul.
Né à Goma en pleine guerre, Depaul incarne une génération traumatisée par des conflits interminables alimentés par la richesse minière du sol congolais. Malgré les intimidations, les arrestations, et la mort de plusieurs, il poursuit son combat avec détermination et stratégie.
“Nous prenons autant des risques que très souvent les gens ne nous comprennent pas, nous faisons face aux critique, découragement et quelquefois de désespoir mais conscient que l’oppression s’enracine profondément dans un système éducatif hérité de la colonisation belge, conçu pour perpétuer la passivité et l’acceptation des injustices au profit de l'Élite politique, j’ai décidé d’agir stratégiquement pour conscientiser les jeunes en créant une alternative éducative à travers l’art et la culture”, ajoute Depaul.
Cette distinction de Havard porte sa voix et met plus d’attentions de la communauté internationale sur la situation de la RDC, sur le plan humanitaire, notamment dans sa partie Est qui est au bord du précipice. Les questions de droits humains et d’engagement dans l’art sont également mises à l’évidence à l’occasion.
Le "Global Advocacy Award" est une distinction prestigieuse qui honore des individus ou des organisations ayant démontré un engagement et un impact distinct dans le domaine du plaidoyer à l'échelle mondiale. Son objectif est de reconnaître ceux qui œuvrent activement pour influencer les politiques et promouvoir le changement social sur des enjeux internationaux variés tels que les droits humains, la santé, l'environnement ou la justice sociale.
Les lauréats de ce prix sont généralement sélectionnés sur la base de critères rigoureux évaluant l'impact de leur travail, leur approche innovante, leur leadership, la profondeur de leur engagement et leur capacité à collaborer.
Un militant, un homme de culture et un féru de la paix
Depaul Bakulu Remy est un artiste slameur congolais et défenseur engagé des droits humains. Il est né et a grandi dans l’Est de la RDC, une région aussi belle que meurtrie par les conflits armés. Son parcours est le récit d’une détermination à défendre la dignité humaine, même au péril de sa vie, dans un contexte de guerre permanente. À 30 ans, il est une voix puissante de la jeunesse congolaise, convaincu que l’éducation, l’art et la justice peuvent être les piliers d’un avenir différent pour son pays.
Membre actif du mouvement citoyen non-violent LUCHA depuis plus de dix ans, Depaul a transformé son indignation face à la guerre, à la misère et à l’injustice en un engagement profond, mêlant art, militantisme et action humanitaire. Son travail prend racine dans sa propre expérience de la violence, ayant vu la guerre ravager sa région et emporter des proches et camarades.
À travers le collectif Goma Slam Session, qu’il a cofondé, Depaul utilise la poésie, le slam, le rap et la lecture pour éveiller les consciences des jeunes congolais sur leurs droits et leur pouvoir citoyen. Il a aussi formé des jeunes sortis des groupes armés à des métiers comme la mécanique ou la couture, leur offrant une alternative concrète à la violence. Malgré la destruction de plusieurs de ces projets par les conflits récents, notamment ceux liés au M23, il continue de mobiliser autour de la non-violence et de la résilience collective.
Avec d'autres bénévoles, Depaul coordonne également Goma Actif, une initiative de soutien d’urgence aux déplacés de guerre, notamment les enfants, femmes et personnes âgées, en leur apportant nourriture, soins médicaux de base et écoute. Il intervient dans les écoles et universités pour sensibiliser et impliquer les jeunes dans des actions concrètes de solidarité.
Kuzamba Mbuangu