RDC: La solidarité entre députés nationaux a été à la base du blocage de la transparence à l'Assemblée nationale entre 2019 et 2023 (Rapport Ebuteli)

Plénière de l'Assemblée nationale
Plénière de l'Assemblée nationale

L'institut congolais de recherche sur la politique, la gouvernance et la violence (Ebuteli) a présenté ce jeudi 12 décembre à Kinshasa, son rapport intitulé « La transparence à l'Assemblée nationale, c'est maintenant». Il s’agit d’un travail qui répertorie les mauvaises pratiques qui ont émaillé la législature 2019-2023 à la chambre basse du parlement, sous Jeanine Mabunda et Christophe Mboso. 

Dans un document d'une trentaine de pages, Ebuteli a révélé combien la solidarité entre députés nationaux, l'influence de la majorité, ont été à la base du blocage de la transparence, privant l'accès aux informations publiques.

«Au sein de l’Assemblée nationale, la solidarité entre les députés, en particulier ceux de la majorité, joue un rôle déterminant dans la perpétuation de l’opacité. Au-delà des divergences politiques, il existe des questions sur lesquelles les députés, qu’ils appartiennent à la majorité ou à l’opposition, se rejoignent tacitement pour restreindre l’accès à certaines informations publiques. Comme le soulignent Évariste Boshab, ancien président de l’Assemblée nationale, et Gamanda Matadi Nenga, ancien député national, “un corps dont les membres ne sont pas soudés par une solidarité, ne serait pas un corps” », écrit Ebuteli.

L’institut en veut comme exemple, les débats sur les émoluments, au cours desquels la majorité des députés nationaux avait décidé de se taire, à l'exception d'une minorité près qui avait pris son courage pour révéler à l'opinion ce que gagnent les élus. 

«Ces députés ont alors été perçus comme des “traîtres”, et des pressions internes ont été exercées contre eux, illustrant ainsi comment la solidarité parlementaire peut se transformer en un mécanisme de répression de la transparence ».

Ebuteli regrette que cette solidarité, pourtant réglementaire pour garder l'image de l'institution, donne pratiquement feu vert à la rétention intentionnelle d'informations, voire des sujets d'intérêt national. L'institut fustige également « le rôle clé » que joue la majorité parlementaire dans la limitation de l'accès aux informations relatives aux activités de l'exécutif en vue de protéger ce dernier des critiques de l'opposition.

Invité à la cérémonie de présentation du rapport, le rapporteur de l'assemblée nationale Jacques Djoli a démontré l'importance du parlement dans une démocratie. Ce professeur de droit a déclaré que l'Assemblée nationale constitue le pilier dans un état démocratique, cet organe délibératif d'où proviennent toutes les lois du pays. C'est ainsi, explique-t-il, lorsqu'il y a des coups d'État, les putschistes s'emparent en premier de cet organe, le dissout afin d'établir leur loi. 

« La centralité du jeu démocratique se déroule au parlement. Donc, si vous avez un parlement qui a de la vitalité, vous avez une démocratie. Mais si vous avez un parlement sclérosé, de godillot, vous avez une démocratie de caricature, qui peut virer même dans la démocrature», a-t-il déclaré. 

Pour pallier ces problèmes qui ternissent l'image de l'institution hautement stratégique dans un État de droit, Ebuteli  propose une panoplie des recommandations pratiques, notamment la digitalisation des processus législatifs, la mise en place d’un système numérique de gestion des projets et propositions de loi avec un suivi en temps réel; la réforme des procédures de vote, c'est-à-dire introduire un système de vote électronique sécurisé qui permettra de vérifier la présence et le vote de chaque député en temps réel; le renforcement du contrôle parlementaire en instaurant des commissions d’enquête parlementaires indépendantes pour évaluer de manière objective l’action gouvernementale.

Samyr LUKOMBO