C’est une semaine décisive en République démocratique du Congo (RDC). Ce lundi 29 avril, les députés provinciaux vont élire les sénateurs, les gouverneurs de province et les vice-gouverneurs. Ces élections aux suffrages indirects se déroulent dans un contexte marqué par l'inégalité des moyens entre le pouvoir et l'opposition pour mener la campagne électorale, ainsi que par les pratiques de corruption décriées.
Crainte de la corruption généralisée
Contacté par ACTUALITE.CD, Ithiel Batumike, chercheur à Ebuteli, un centre de recherche sur la gouvernance, la politique et la violence en RDC, craint que la corruption ayant déjà entaché les candidats du pouvoir, selon la décision de la Ceni du 5 janvier dernier et l’accusation du procureur général près la cour d’appel de la Tshopo la semaine dernière, ne se répande aux candidats de l’opposition et aux indépendants. Car selon lui, ces derniers ne disposent d’aucun soutien dans les assemblées provinciales.
« Les candidats sénateurs et gouverneurs de province de l’opposition et indépendants ne disposent pas naturellement d'électeurs dans les assemblées provinciales. Les députés provinciaux reçoivent des consignes de vote de leurs partis politiques ou autorités morales. Ils peuvent être tentés de recourir à des pratiques corrompues pour obtenir des votes », a-t-il expliqué.
Il reconnaît cependant que les élections ne favorisent aucune tendance politique, en particulier en ce qui concerne la corruption. « La corruption n’a pas de couleur politique ».
Des inégalités de moyens dans la campagne électorale
Pendant la campagne électorale, notamment pour les élections indirectes, un autre phénomène s’observe : l'utilisation des ressources humaines, matérielles et financières de l'État par la partie au pouvoir. Ceci a été critiqué par plusieurs membres de la société civile lors de la campagne de décembre 2023, en vue des élections présidentielle et législatives nationales et provinciales. Les politiciens de l'opposition sont ainsi tentés d'utiliser des moyens dont l'origine n'est pas déterminée pour rivaliser avec le pouvoir.
Lutter contre la corruption électorale
Pour lutter contre ce phénomène, Ithiel Batumike suggère de fixer un plafond des dépenses autorisées pour les candidats et leurs partis lors des campagnes électorales. Le seuil de dépenses, d’après lui, devrait être réglementé en termes de source de provenance.
Cette mesure viserait à instaurer une égalité des chances entre les candidats et à prévenir une campagne électorale « déloyale », marquée par la corruption et l'utilisation des moyens de l'État.
En outre, il souligne l'importance de l'application stricte de la loi électorale, notamment dans son article 36, et de la loi sur le financement public des partis politiques.
L'article 36 de la loi électorale interdit par exemple « l'utilisation à des fins de propagande électorale des biens, des finances et du personnel de l'État, des établissements et organismes publics et des sociétés d'économie mixte».
Selon cette loi, toute personne qui s'adonne à ces pratiques peut être punie de « radiation de la candidature ou d'annulation de la liste du parti politique, ou du regroupement politique incriminé ».
Ce chercheur propose également d'interdire la pratique de distribution de cadeaux lors de la campagne électorale, qui alimente la corruption.
La semaine dernière, le procureur général près la cour de cassation, Firmin Mvonde, a appelé tous les procureurs généraux près les cours d'appel de toutes les provinces à réprimer tout acte de corruption lors de ces élections, notamment en veillant à ce que les électeurs ne se rendent pas aux bureaux de vote munis de téléphones ou de caméras.
Plus de 11 députés provinciaux de l'Union sacrée, la coalition politique au pouvoir, ont notamment été accusés de demander des biens de valeur et de l'argent aux candidats en échange d'une voix, dans la province de la Tshopo.
Bruno Nsaka