Est de la RDC : "Ce qui apparaissait comme un accidentel transfert du conflit interethnique rwandais a fini par dévoiler son agenda caché. Jusqu'où irait ce mépris ? Jusqu'où irait la banalisation de la vie humaine, pourtant sacrée ?" (Fridolin Ambongo)

Cardinal Fridolin Ambongo
Cardinal Fridolin Ambongo

La situation sécuritaire très préoccupante dans la partie Est de la République Démocratique du Congo a occupé une place de choix dans le message du Cardinal Fridolin Ambongo à l'occasion de la messe pour la Paix en République Démocratique du Congo tenue samedi 24 février 2024 à la Cathédrale Notre Dame du Congo.

Pour l'archevêque de Kinshasa, Fridolin Ambongo, le peuple congolais ressemble actuellement à cet homme dépouillé, roué de coups et laissé à moitié mort par des bandits. Selon lui, la première Assemblée du Synode pour l'Afrique avait déjà appliqué cette parabole à la situation de l'Afrique, stigmatisant ainsi l'indifférence de la communauté internationale.

"Plusieurs années après la publication de ce document (Ecclesia in Africa), la réalité semble rester la même. Nos populations, surtout à l'Est du pays, vivent une véritable tragédie et un vrai supplice, qui durent déjà depuis bientôt trois décennies. Pourtant, dès l'aube de ces conflits en août 1994, la Conférence des Eveques du Zaïre d'alors avait tiré la sonnette d'alarme en alertant les dirigeants du pays et la communauté internationale sur les risques de la crise. Elle écrivait : « La situation actuelle est pénible et intolérable pour les réfugiés rwandais, autant qu'elle déstabilise et met en péril la vie socio-économique de nos citoyens de l'Est, dont beaucoup vivent déjà dans une très grande insécurité du fait du transfert du conflit rwandais dans notre pays (cf. CEZ, Communiqué de presse du 20 août 1994)", a souligné Fridolin Ambongo dans son message dont les extraits ont été publiés sur son compte.

Malgré cet avertissement, a-t-il poursuivi, 30 ans plus tard, le constat est très amer : on continue de compter des millions de morts et de déplacés, des milliers de femmes violées et de familles brisées, des enfants orphelins et des infrastructures détruites, etc.

"En réalité, ce qui apparaissait comme un accidentel transfert du conflit interethnique rwandais a fini par dévoiler son agenda caché. Au fil des années, différentes missions et organisations ont rapporté les velléités expansionnistes de certains pays voisins à l'Est et le pillage systématique des richesses du sous-sol congolais par les multinationales, sous la couverture des groupes de revendications internes. Agresseurs et multinationales font alliance pour faire main basse sur les richesses du Congo au détriment et au mépris de la dignité de paisibles citoyens congolais, créés à l'image et à la ressemblance de Dieu. Jusqu'où irait ce mépris ? Jusqu'où irait la banalisation de la vie humaine, pourtant sacrée ? Je suis convaincu que faire revenir la paix en RD Congo nous impose aussi d'en finir avec la violation de l'intégrité territoriale de notre pays et la prédation éhontée de ses ressources naturelles", a indiqué Fridolin Ambongo dans son message.

Le conflit dans l'Est de la RDC, en cours depuis près de 30 ans et qualifié de plus meurtrier depuis la Seconde Guerre mondiale, est principalement d'ordre économique, avec l'exploitation et le commerce illégal des minerais comme cause profonde de la violence. L'implication du Rwanda dans la déstabilisation de la RDC et le pillage de ses ressources est largement documentée, notamment par les Nations Unies.

Ces derniers jours, les tensions diplomatiques entre Kinshasa et Kigali sont loin de s'apaiser. Cette messe intervient pendant que les combats font rage entre les Forces Armées de la République Démocratique du Congo et les Wazalendo, contre les rebelles du M23, soutenus par l'armée rwandaise, dans les environs de Sake, territoire de Masisi, dans la province du Nord-Kivu.

Pendant ce temps, après l'échec des pourparlers à Addis-Abeba, en marge de la 37e session ordinaire de la Conférence des Chefs d'État et de Gouvernement de l'Union Africaine tenue du 17 au 18 février 2024, Joao Lourenço, président angolais et médiateur désigné par l'Union Africaine, va tenter cette fois-ci de rencontrer les protagonistes séparément. D'après Félix Tshisekedi, le mardi 27 février de l'année en cours, il sera en Angola par son homologue.

Clément MUAMBA