La restitution des œuvres d’art de la RDC en provenance de la Belgique est un des sujets culturels ayant mouvementé le premier quinquennat de Félix Tshisekedi à la tête du pays. Au point que son mandat à la tête de l’Union Africaine avait un thème dans ce sens “Arts, culture et patrimoine : leviers pour construire l'Afrique que nous voulons”. Plusieurs initiatives diplomatiques ont été menées pour faire avancer la question vers le bout du tunnel.
L’affaire de restitution des œuvres de la RDC spoliées par le colonisateur belge il y a plus de 100 ans reste d’actualité. Plus de 80 000 œuvres sont à dénombrer, ce qui fait les beaux jours des musées et autres lieux touristiques et scientifiques en Belgique. Ce que le gouvernement congolais tient à réparer depuis près de 5 ans, dans son plan d’action diplomatique.
La visite du roi des Belges en RDC, en juin 2022, a aussi accentué la question. Dans le même cadre, un comité scientifique est mis en place pour étudier entre belges et congolais, lesquelles de ces œuvres doivent être restituées à la RDC.
Dans cette plénitude de discours autour de cette démarche culturelle cruciale, le Desk Culture de ACTUALITÉ.CD a recueilli les conseils d’un artiste, d’un culturel, d’un professeur, de surcroît un mandataire public, le Directeur Général de l’Académie des beaux-arts de Kinshasa, Henri Kalama Akulez. Il pense d’abord qu’il faut un travail pédagogique autour de la problématique.
« Je trouve que c’est une démarche légitime mais en même temps, nous devons profiter de ces discours pour faire un travail pédagogique pour s’interroger sur le regard que nous posons nous mêmes sur ces objets patrimoniaux et se réconcilier avec notre passé », indique Henri Kalama.
Ensuite, il se projette déjà et s’interroge sur la culture de conservation et de restauration de ces œuvres une fois restituées. Dans cette optique, ayant notamment vu venir ces richesses culturelles, le DG de l’Académie des beaux-arts a initié le département de restauration et conservation des œuvres d’art. Une filière jeune et pas encore très fréquentée par les étudiants, mais “c’est un département d’avenir”, rassure-t-il.
« On se dit que ces œuvres-là finiront par rentrer mais qui sont les personnes qui devront les manipuler, les conserver, les restaurer si jamais certaines n’étaient pas bien conservées ? », s’interroge Henri Kalama.
Et d’ajouter :
« Nous, notre pierre de contribution dans cette démarche est celle d’avoir créé ce département comme une sorte d’hôpital qui recevrait des œuvres d’art qui doivent être soignées si elles ne sont pas en bon état ou celles qui le sont déjà et qui doivent se faire un contrôle régulier pour l’être le plus longtemps possible ».
“Le malheur est celui de penser que ce ne sont que des œuvres”
Toute l’importance de cette question de restitution est démontrée notamment par l’accélération, depuis quelques années, de la pression de la société civile belge et de la diaspora africaine. L'État belge a, pour sa part, réactivé la volonté de remettre acquis de droit ces biens. Si la RDC n’a pas encore fait de demande officielle de restitution, elle s'apprête notamment par plusieurs cadres légaux et administratifs mis en place pour se conformer et être à la hauteur de la situation.
Et plus récemment, le 20 septembre dernier, la ministre congolaise de la culture, arts et patrimoine a reçu le nouveau directeur du musée royal d’Afrique central Bart Ouvry, dans son cabinet de travail à Kinshasa. Ce musée belge regorge une bonne partie des biens culturels congolais.
Accompagné de la chargée d'affaires à l'ambassade de la Belgique en RDC et de la chargée d'étude de provenance, le directeur du musée de Tervuren a échangé avec la ministre Catherine Kathungu Furaha qui était assistée de son directeur de cabinet, le professeur Joseph Ibongo, également président du comité scientifique de la RDC pour la question de rapatriement des objets culturels.
D’où, Henri Kalama ne tolère pas les voies réductrices qu’il trouve malheureux de penser que ce ne sont que des œuvres d’art.
« Nous ne devons pas être réducteurs dans notre façon d’aborder cette question, c’est à nous d’éduquer, c’est à nous de montrer que notre histoire pourrait être racontée à travers ces œuvres. Si vous ne les voyez pas en tant que patrimoine, ces œuvres ont aussi une valeur marchande. Même, vu sur cet angle-là, c’est un bénéfice pour notre nation. Le malheur est celui de penser que ce ne sont que des œuvres. Ce sont les œuvres que nous ont léguées nos ancêtres, c’est notre richesse patrimoniale », ajoute le DG de l’Académie des beaux-arts.
Pour rappel, en mars 2022, le Premier ministre, Sama Lukonde, a officiellement remis à la ministre de la culture, arts et patrimoine, le répertoire et la cassette des échantillons des biens culturels de la RDC détenus par la Belgique. Le chef du gouvernement congolais les avait reçus en février auprès de son homologue belge, Alexandre de Croo. Ces documents répertorient 84 000 objets culturels congolais ayant rejoint la Belgique pendant la colonisation.
Aussi, le roi Philippe a procédé, lors de son passage en RDC, à la remise d’un masque de l’ethnie Suku dénommé “Kakuungu”. Ce masque est hébergé au sein du musée national de la RDC pour symboliser la collaboration en matière de reconstitution du patrimoine culturel congolais. Le sculpteur, auteur du masque se nommait Nkoy. Ce masque était utilisé pour des rites initiatiques et avait des vertus protectrices, avait expliqué le Palais royal belge.
Emmanuel Kuzamba